pont vasco da gama
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300 km/h sur le pont Vasco de Gama

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Les rodéos automobiles sont monnaie courante au Portugal. De temps à autre, ça se passe mal. Il y a quelques années, des jeunes perdirent la vie après avoir accéléré sur le pont Vasco de Gama...


3 hommes se sont tués au volant de leur voiture. Un peu avant le drame, ils avaient transformé le pont en circuit. Qui sont ces fous du volant à la portugaise ?

Le Pont Vasco de Gama, reliant Lisbonne à la « margem sul », de l’autre côté du Tage, est bien connu des amoureux de « street racing« . C’est un endroit idéal pour battre des records de vitesse en voiture !

Vitesse sur le pont Vasco da Gama

Sur 17 km, ce viaduc en deux fois trois voies à l’asphalte impeccable donne envie, pour les amoureux de la vitesse, d’accélérer. A un tel point qu’ils sont nombreux à se donner rendez-vous la nuit pour y faire d’authentiques courses automobiles, comme on peut en voir dans les films Fast and Furious.

Maserati

Je dois dire que je les comprends. En Allemagne, certains tronçons d’autoroutes n’ont pas de limite de vitesse. Pourquoi n’en serait-il pas de même ici ? Il existe d’ailleurs une pétition réclamant la fin des limitations de vitesse sur le pont. Si on autorise en Allemagne, on devrait l’autoriser au moins sur ce pont ! A 120 km/h, sur une belle route comme celle du pont ou certains tronçons de la superbe A17, l’ennui est parfois plus dangereux que la vitesse.

Ou alors, pour être justes, on devrait l’interdire également en Allemagne. Mais le principal argument, celui de la sécurité, ne tient que faiblement : les accidents mortels à haute vitesse sont rarissimes sur le pont. La plupart des accidents ont lieu sur des routes secondaires.

Mais ! J’ai beau les comprendre, les amoureux de la vitesse, je ne partage pas leur point de vue. Si vraiment on aime la vitesse, la conduite, il existe de nombreuses pistes et circuits automobiles tout à fait adaptés. On s’y amuse beaucoup plus, sans pour autant mettre en danger la vie de gens qui n’ont rien demandé.

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Fous du volant au Portugal

Certaines personnes aiment donc accélérer bien plus que de raison au Portugal. La quasi absence de radars et le peu de contrôles routiers donnent une sensation de liberté qui permettent les excès.

Je déteste les radars, surtout quand ils sont là pour « chasser » les contraventions plutôt que pour protéger les citoyens. Mais il existe certains endroits stratégiques où ils seraient pleinement justifiés, il faut bien l’avouer.

Revenons à nos fous. Ils forment des clubs informels, et se rejoignent donc pour jouer aux pilotes. Ils filment leurs exploits et les postent sur les réseaux sociaux, pour leurs nombreux fans. Les « like » les motivent à aller toujours plus loin, se mettant en danger à chaque fois un peu plus.

Ce ne serait pas un problème s’ils étaient les seuls en danger, mais souvent, ils risquent de tuer quelqu’un aussi !

Mourir pour la vitesse

Malheureusement, cette course à la vitesse en des lieux qui ne s’y prêtent pas est dangereuse, parfois mortelle. C’est ce qui est arrivé à trois hommes, qui circulaient dans une Mercedes A45 AMG en février 2020. Ils s’étaient filmés quelques minutes avant le drame en train d’aller vite, très vite sur le pont Vasco da Gama.

Ils se cogneront peu après contre un portique de panneaux de direction, sur la Segunda Circular, aux alentours d’une heure du matin.

Leur voiture a été pulvérisée. Leurs corps déchiquetés ont été projetés et éparpillés sur la route. Littéralement coupés en deux, avec des images insoutenables qui ont tout de suite circulé sur les réseaux sociaux.

Oui. Parce que d’autres automobilistes ont pris leurs téléphones et filmé ce qu’ils ont vu pour les publier aussi vite sur Internet. Des voyeurs.

Ils se sont tués, vous noterez, pas sur le pont. La Segunda Circular, pour ceux qui ne connaîtraient pas, est le « périphérique » de Lisbonne. Contrairement au pont Vasco da Gama, ici, la vitesse est une pure folie, ce que nos jeunes hommes ont découvert en payant le prix le plus fort, avec leur vie.

Nous ne connaissons pas la vitesse à laquelle ils circulaient. Mais au vu de l’état de la voiture, et du portique tombé au sol, bloquant pendant plusieurs heures la Segunda Circular, on peut l’imaginer. L’erreur est humaine, personne ne mériterait de mourir pour une stupidité. Nous savons qu’ils auraient pu mettre en danger quelqu’un, mais l’inconscience et l’enthousiasme peuvent tout faire oublier.

Toutes nos condoléances aux familles, qui par chance ne doivent pas vivre avec le fardeau insupportable qu’un des leurs puisse avoir tué des innocents.

Leçon apprise ?

On pourrait croire qu’un accident aussi tragique et spectaculaire pourrait servir de leçon aux furieux du volant. Que nenni.

Le lendemain, une réunion spontanée de deux centaines d’automobilistes a eu lieu sur les lieux du drame. Un « hommage », où ils ont bloqué pendant 30 minutes et en pleine nuit la Segunda Circular. Un hommage qui était plus une façon d’énerver le citoyen lambda qu’autre chose. Les commentaires sur les réseaux sociaux sont presque tous unanimes :

Heureusement qu’ils se sont tués tout seuls. Il n’aurait pas été supportable d’imaginer qu’un innocent puisse en avoir été victime.

Cet hommage, encore une fois, a fait l’unanimité contre lui. Sur les réseaux sociaux, encore, une image « commémorative » des trois personnes décédées.

luto por um amigo

L’expression « guerriers » ne passe pas. Ces trois jeunes sont issus des pires quartiers des environs de Lisbonne, dont le célèbre « 6 de Maio ».

Des motos au cimetière

Comme si ce n’était pas suffisant, lors des funérailles, plusieurs dizaines de personnes sont entrées dans les cimetières à moto ! D’abord au cimetière des Prazeres, puis à celui des Olivais. L’occasion pour les motards de brûler le caoutchouc de leurs pneus, de rouler sans casque et de faire le plus de bruit possible avec leurs moteurs.

La police a bien tenté d’intervenir, comme lors du blocage de la route en « hommage », mais par manque de moyens n’a pas pu faire grand chose.

Le plus triste, c’est qu’ils laissent derrière eux trois enfants, qui ont perdu leur père dans les pires conditions. J’ai souvent lu « vive la sélection naturelle, vive Darwin » dans les commentaires. Raté.

Sentiment d’impunité

Nous l’avons vu, la police semble laxiste envers les chauffards et les fous du volant. De nombreuses voix réclament des punitions exemplaires envers les personnes qui ont bloqué la Segunda Circular, de même pour les motards indélicats. Je ne sais pas si nous verrons des contraventions ou des retraits de permis, mais cette affaire sera vite oubliée, comme souvent.

Et les chauffards continueront leur vie. Ainsi va la vie des fous du volant au Portugal.


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