C'est un fait, il y a beaucoup moins de musulmans au Portugal qu'ailleurs en Europe occidentale. Certains y voient l'explication de la tranquillité du pays. Explications.
C’est en lisant un article d’une publication d’extrême-droite relayée en masse sur les réseaux sociaux que j’ai été alerté sur ce sujet. Le titre de la publication est sans équivoque : « Grand Remplacement en Europe : le Portugal, un exemple ?« .
Sommaire
Selon la publication, l’absence d’aides sociales envers les migrants, le niveau de vie inférieur et les expulsions permettent au Portugal de ne pas avoir de « pompe aspirante ». Qui dit peu de migrants dit également peu de violence. C’est un constat bien simpliste. Allons-y par points, chacun est libre ensuite d’en débattre dans les commentaires.
Oui, le Portugal est une terre d’accueil
Là-dessus, la publication et nous-mêmes sommes d’accords. En théorie, le Portugal accueille à bras ouverts les étrangers qui veulent bien venir y travailler. Le pays a un gros besoin de main d’oeuvre à bas prix, principalement dans la restauration, l’agriculture ou le bâtiment.
Pourtant, il n’y a pas « d’invasion migratoire ». En effet, moins de 5% de la population portugaise est étrangère, principalement des européens.
Lire notre dossier : les étrangers au Portugal
Au niveau des naturalisations, elles seraient « limitées ». Nous parlons de 18000 naturalisés en 2017. Mais ce nombre, pour un pays aussi petit que le Portugal, dont la plupart des étrangers sont européens est en fait loin d’être anodin ! Mais alors, comment ça se fait qu’il n’y a pas de musulmans ?
Le Portugal n’a pas colonisé de pays musulmans
C’est sans doute le point le plus important à retenir. Contrairement à la France ou à la Grande-Bretagne, il n’y a aucun lien avec les pays à majorité musulmane. Un marocain, lorsqu’il veut émigrer, pense d’abord à la France plutôt qu’au Portugal, malgré la proximité géographique.
« C’est à cause de l’assistanat français ».
Non, c’est parce que la plupart des marocains parlent français, et surtout parce qu’ils connaissent d’autres marocains en France, déjà installés. La véritable « pompe aspirante », ce n’est pas les aides et la sécurité sociale, mais les amis et la famille.
Pourquoi est-ce qu’il y a des marocains en France, en premier lieu ? Pour les mêmes raisons que les portugais en France. Parce qu’il a fallu reconstruire le pays après la seconde guerre mondiale, et qu’il a fallu chercher de la main d’oeuvre là où il y en avait. Portugal, Espagne, Maroc, Algérie, Tunisie…
Une fois installés en France, ceux qui étaient restés au pays et qui voulaient trouver une meilleure vie sont venus chez leurs oncles ou cousins pour trouver du travail.
Le Portugal n’est pas un pays méditerranéen
C’est tout bête. Il n’y a pas de mer Méditerranée au Portugal. Ici, c’est l’Atlantique. Donc il n’y a pas de bateaux remplis de migrants qui essaient de débarquer. Et ça ne pourrait jamais l’être, les vagues de l’Atlantique étant autrement plus redoutables qu’en Méditerranée.
Les lois sont bien faites… en théorie
C’est un argument avancé par les « identitaires » pour expliquer le peu de migrants venus au Portugal pour « voler le pain des portugais en vivant sur l’assistanat ». On serait super stricts, aucun laxisme, si l’étranger ne travaille pas, c’est la porte de sortie.
Sauf que justement, l’étranger travaille. Et que s’il ne travaille pas, non, ce n’est pas vraiment la porte de sortie. Il tombera, comme en France, dans la clandestinité. Mais soyons francs : ils sont peu à ne pas travailler. Et c’est peut-être ça aussi, la différence. Quand on a un travail, on a un peu d’argent. On s’occupe, on a des loisirs. On est moins révoltés et sans doute beaucoup moins enclins à la délinquance, tout simplement.
Mais dire que les (bonnes) lois portugaises sont appliquées dans la rigueur la plus totale, c’est mal connaître la mentalité « sans stress » du pays…
On apprécie particulièrement lorsque la publication d’extrême-droite partage avec nous tous les détails du nombre d’étrangers ou de naturalisés, mais beaucoup moins le nombre d’expulsés du pays ou les raisons. Alors, nous, on les donne : 369 expulsions en 2016.
On parle de criminels violents en « situation irrégulière » sur le territoire national. Nous sommes, avouons-le, très loin des expulsions massives.
La violence des étrangers, presque inexistante au Portugal
La théorie est simple : comme l’immigration portugaise est de toute façon lusophone et à majorité chrétienne, les immigrés s’intègrent bien. Ces populations ne sont pas violentes (contrairement aux musulmans). C’est ainsi l’explication la plus plausible d’un pays sûr et tranquille comme le Portugal.
Oui, sauf que ce n’est pas tout à fait ça.
Nos amis brésiliens ou angolais ont une culture de la violence totalement étrangère à la culture portugaise. La moindre favela au Brésil ferait passer la pire des banlieues françaises pour un club vacances. Littéralement, les chiffres des homicides au Brésil sont ceux d’un pays en guerre.
La plupart des crimes violents au Portugal sont ainsi souvent le fait de brésiliens. Pourtant, ils sont bien lusophones et catholiques ! Il ne faut pas trop idéaliser le Portugal, qui n’est pas un pays si tranquille qu’il en a l’air, les faits divers existent.
Lire notre dossier : 7 faits culturels qui prouvent que le Portugal est tranquille.
Mais en fait… il y a des musulmans au Portugal !
Evidemment, ils sont bien moins nombreux qu’en France, pour les raisons que nous avons déjà évoquées. Ils viennent du Mozambique pour la plupart, mais également du Bangladesh, du Pakistan…
Certaines femmes sont voilées. On ne peut pas dire que cela choque, mais ça peut surprendre. Ce sont des personnes qui vivent en paix, qui souvent tiennent un petit commerce, un kebab ou qui vont travailler dans des conditions souvent difficiles.
La culture portugaise, plus forte que tout
Les identitaires français peuvent être jaloux. La culture portugaise est très forte. Le pays est petit, mais on sent que les portugais sont attachés à leurs valeurs, à leur histoire, à leur grandeur passée. Ici, on critique volontiers sont pays, mais on reste patriote, du communiste au fasciste, face aux autres pays.
Les traditions sont toujours très vives et bien ancrées. C’est un moment de convivialité, que ce soit dans un stade de foot ou pour une célébration catholique.
Ce qui fait finalement la force du Portugal, c’est de pouvoir rester soi-même tout en s’adaptant à l’autre. Notez bien : un portugais parti vivre à l’étranger fera beaucoup d’efforts pour s’intégrer, mais ne reniera jamais sa culture portugaise. C’est la même chose au Portugal : on fait beaucoup d’efforts pour intégrer l’étranger, en ne reniant jamais notre culture.
Peut-être que nous parlerons différemment si au lieu d’avoir quelques milliers d’étrangers chaque année, on en aurait eu quelques centaines de milliers.
Là où nous sommes d’accord avec l’extrême-droite, ou même la droite traditionnelle : c’est aussi, et surtout, à l’étranger de s’intégrer. Il peut vivre sa religion en toute liberté, il n’y aura aucun souci, tant qu’il respectera les us et coutumes portugais.
Et vous savez quoi ? Les étrangers les plus critiqués au Portugal, ce ne sont pas les étrangers à turban, les brésiliens violents ou les noirs trop différents, mais… les retraités français ! De bons blancs catholiques pourtant…
Soutenir le Portugal en français
Aidez-nous à faire connaître le Portugal, en français !
Nous ne voulons pas faire payer pour accéder aux contenus. Le Portugal en français n’aurait alors plus de raison d’exister !
Le Portugal en français est un site gratuit, et il le restera, grâce à vous !