Plusieurs indices m'ont fait croire que les Portugais de France votaient pour le Rassemblent National. Il semblerait que je ne me sois pas trompé. Mais pourquoi ?
Au premier rang des indices, l’évidente sympathie du Rassemblement National envers les Portugais. De clin d’oeil en franche amitié, Jean-Marie Le Pen ou sa fille Marine ont multiplié les gestes envers la communauté portugaise.
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Les Portugais, des étrangers bien intégrés
Pour eux, il s’agit d’une communauté exemplaire, de par son travail, son intégration, qui n’a, je les cite, « jamais rien demandé ». En clair, les Portugais ne sont pas venus pour les aides sociales. C’est le décor planté par ce parti politique, dont les députés se trouvent à l’extrême-droite de l’hémicycle de l’Assemblée Nationale.
Les Portugais sont ainsi utilisés par Marine Le Pen en tant qu’exemples, afin de montrer du doigt d’autres communautés qui ne se seraient pas aussi bien intégrées. Médiatiquement, c’est une arme redoutable. On passera sur les détails : oui, c’est plus facile de s’intégrer lorsque l’on est, comme les Français fantasmés par le Rassemblement National, Blancs, Catholiques et de culture latine.
Mais que pensent vraiment les Portugais de France? Sont-ils réceptifs aux idées de l’ancien Front National ?
Tout pourrait laisser croire que non, et pourtant…
J’ai posé la question très difficile sur notre groupe facebook. Pour qui votez-vous ? Les résultats ont été très nets. Bien sûr, nous ne pouvons pas en tirer des généralités, mais il faut avouer que c’est troublant.
40 ans de dictature de droite
C’est un gouvernement autoritaire que le Portugal a connu. Un gouvernement qui envoya de nombreux jeunes à la guerre coloniale. Une guerre qui dévasta les finances du pays. La gestion d’un pays par l’extrême-droite, les Portugais ont connu. Ils furent nombreux à devoir quitter le pays. Certains pour fuir l’armée, d’autres pour fuir les repressions politiques, la majorité pour des raisons économiques.
Et c’est peut-être cette majorité qui n’associe pas les idées du Rassemblement National aux idées de Salazar. Pourtant, à plus de 50 ans de distance, elles sont sensiblement les mêmes. Souverainisme national, faible taxation, immigration très contenue.
Il faut dire qu’ils furent nombreux, malgré le départ de leur pays, à respecter Salazar et le régime politique associé. Certains en seraient même nostalgiques. « De mon temps, il y avait du respect, et pas de corruption » disent-ils.
Les Anciens ne parlant pas vraiment en termes négatifs de Salazar, les jeunes n’ont qu’une vision finalement édulcorée du régime politique vécu par les Portugais. La pauvreté ou la guerre n’est pas un problème, et surtout, « ça n’a rien à voir » avec le Rassemblement National d’aujourd’hui.
Au Portugal, les Portugais qui ne sont jamais partis, sont remémorés régulièrement par les médias de ce qu’était la dictature. Sans doute cette mémoire collective a-t-elle aidé à forger des mentalités qui sont aujourd’hui pour la plupart imperméables aux idées de l’extrême-droite.
Il faut dire que les médias post 25 avril 1974 ne regardent aussi qu’un côté de l’histoire en ne présentant que les mauvais côtés du régime. Lorsque le jeune parti populiste Chega commença à présenter d’autres idées qui n’étaient jamais abordées, les médias lui ont tendu le micro. C’était une aubaine d’audiences, et le Chega obtint des oreilles attentives à ses idées proches du Rassemblement National.
Etrangers en France
Pourquoi vote-t-on Rassemblement National ? Parce qu’on ne veut pas d’étrangers en France. Si on les accepte, ils doivent se transformer en Français, de force s’il le faut.
On pourrait croire, encore une fois, que les Portugais puissent être sensibles à la cause d’autres personnes étrangères, comme elles. Mais non, ce n’est pas le cas. Parce qu’un Portugais n’est pas « vraiment » un étranger en France. « Nous, ce n’est pas pareil » pouvons-nous entendre. Etrange de la part d’une communauté qui cultive elle aussi beaucoup l’entre-soi, les fêtes communautaires et qui maintiennent vivantes des traditions qui même au Portugal sont en voie d’extinction.
C’est surtout que les Portugais ne sont pas musulmans.
Les Portugais n’ont jamais pu supporter les musulmans, depuis au moins la Reconquista. Donc même si on est considéré comme étant des étrangers en France, on va quand même voter pour ceux qui voudraient mettre les musulmans « au pas ». Aucune solidarité envers les autres étrangers n’est ainsi à attendre d’un Portugais de France, du moins en règle générale.
Travailleurs modestes
Le dernier argument qui aurait pu nous faire croire que les Portugais seraient plutôt de gauche que de droite se trouve ici, dans le travail des gens modestes. Les ouvriers, les femmes de ménage, les maçons, tous auraient pu avoir de bonnes raisons de voter communiste plutôt que Rassemblement National.
Encore une fois, nous avons bien certains Portugais communistes, qui ont fuit la répression du Estado Novo de Salazar puis de Marcello Caetano, mais ils sont très minoritaires. Les autres, peut-être parce qu’ils ont été inculqués dans ce sens par l’éducation des écoles de Salazar, détestent les Communistes, une injure dans leur bouche.
On aurait toute logique à voter très à gauche lorsque nous sommes totalement à la merci d’un patron. Ce n’est pas le cas, l’extrême-droite française ayant depuis longtemps gagné le vote ouvrier. Il faut croire qu’on comprend mieux que « l’étranger vient voler le pain des Français » plutôt que « les patrons exploitent les ouvriers ».
Les Portugais ne croient tout simplement pas en l’assistance sociale, qui n’est pas pour eux. Modestes oui, mais fiers. Il ne faut rien devoir à personne, ni même à l’état.
Et le racisme anti-portugais ?
Le mépris d’une certaine frange de la société française envers les Portugais existe. Ce n’est pas vraiment du racisme au sens littéral, mais il y a ce fond gênant qui permet les mauvaises blagues ou d’appuyer sur certains clichés.
Lire également : Racisme anti-Portugais
Ceci n’est pas vraiment un problème pour de nombreux Franco-Portugais. Si jamais il y a un véritable racisme contre les Portugais, ça ne serait pas du fait des Français « de souche », mais plutôt celui d’autres communautés immigrées. Une raison de plus de voter Rassemblement National !
Pourquoi, alors, voter à droite ?
C’est un exercice périlleux auquel je vais me livrer. En connaissant bien les fondements de la culture portugaise, et surtout, celle des Portugais de France, nous pouvons faire quelques associations d’idées.
Tout d’abord, le Portugais est quelqu’un d’assez individualiste. Lui et sa famille d’abord. La solidarité existe, même très forte, mais seulement envers les proches. Ce caractère individualiste est une conséquence de l’ancien contrôle social portugais, réactivé pendant la dictature par la PIDE. Dans un monde où il est impossible de faire confiance aux autres, on resserre les liens avec nos proches.
Ensuite, le caractère entrepreneur du Portugais de France. N’oublions pas, il a pris l’initiative, le courage, de partir de son pays, de sa zone de confort pour venir en France. Ils n’ont demandé aucune aide pour se débrouiller, ils y sont parvenus tout seuls. Leurs enfants, déjà nés en France, seront bercés par ces histoires, cette culture, et eux aussi pensent qu’ils ne doivent rien à personne.
Et c’est encore une fois logique ! Rappelez vous, le Portugais est forcément méfiant, donc il ne demandera pas d’aide.
En résumé : on se débrouille, on ne demande pas d’aide et on est méfiants envers l’autre en dehors de son cercle de proches. C’est le terreau idéal pour les idées du Rassemblement National.
Pour aller plus loin : Le Front national et le vote des descendants de l’immigration portugaise.
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