djal maçon
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Racisme anti-Portugais

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On est des beaufs, incultes et poilus, tout juste bons à faire le ménage et à faire des maisons. Si tu t'appelles Sousa ou Oliveira, il y a de fortes chances que l'on ne vous prenne pas au sérieux dès que l'on parle d'un job "intellectuel". Est-ce que ça te parle?


La France, un pays moqueur

Les Portugais en France ont toujours été humbles, presque invisibles, ne revendiquant jamais rien. On travaille et on se tait, pour résumer. On se laisse taper dessus sans rien dire, parce qu’il ne faut pas faire de vagues. La cible idéale pour les humoristes qui savent que pour faire rire, parfois, il suffit de se moquer de l’autre.

En France, « se moquer de l’autre », c’est même une institution. Des blagues sur les Belges, sur les Anglais, sur les Ch’tis, sur les Arabes, sur les Noirs ou les Allemands, on en a des tonnes. Mais nous savons bien qu’il y a une différence entre une moquerie sur un Allemand et une moquerie sur un Africain. L’Allemagne est un pays puissant, qui sait se défendre, et qui n’a certainement rien à envier à la France, au contraire. Les Allemands ne se sentent pas attaqués dans leur orgueil par des blagues françaises. Ils en ont juste rien à faire. En revanche, une blague sur un Africain, c’est automatiquement catalogué de raciste. Et peut-être à raison.

D’un autre côté, les Français également sont moqués à l’étranger. C’est de bonne guerre.

Le Portugal, lui, se moque rarement des autres nations. Peu de blagues sur les Espagnols. Peu de blagues sur les Anglais. Pas de blagues sur les Marocains, ni même « nos » Africains lusophones ou les Brésiliens. J’ai presque envie de dire que seuls les « avecs » sont moqués.

Moqueries = Racisme ?

Est-ce que se moquer, c’est du racisme? Si on prend la définition toute simple du racisme, qui consiste à dire qu’il existe des « races », et qu’elles ne sont pas toutes égales, oui. Surtout si l’on considère que les Portugais sont une race à part. Mais il se trouve que je ne considère pas que les Portugais soient une race à part, vu que les races n’existent pas.

Mais ça c’est moi.

A partir du moment que l’on affirme que « les Portugais sont poilus », on fait une généralité physique. On invente une race. Est-ce que ceci peut faire du tort? Oui bien sûr, vu qu’on rabaisse l’autre, pour mieux se valoriser soi-même. C’est l’effet de groupe, « moi je ne suis pas poilu, donc je suis mieux que lui ».

Avec la victoire du Portugal à l’Euro 2016 de foot contre la France, les moqueries contre les Portugais ont repris de plus belle. Les femmes qui sentent la morue, les poils qui dépassent, la « trouelle et le louloucouptère » et j’en passe de ces stéréotypes vus et revus. D’invisibles, les Portugais étaient devenus subitement bien visibles. Mais cette fois, les Portugais ne se sont pas laissés marcher sur les pieds.

Parce qu’on a gagné. Parce qu’on a Cristiano Ronaldo.

Kaka vs Cristiano Ronaldo : match amical
CR7

Un nouveau Portugal était né. Mais malheureusement, ce n’est pas encore un Portugal raffiné, cultivé et intellectuel. Nous restons dans le domaine du foot, très important pour bon nombre de Portugais, mais pas très valorisant aux yeux d’une certaine « élite » culturelle qui n’a d’élite que l’étiquette qu’on veut bien leur coller.

Humoristes… non, moqueurs, oui !

C’est sans doute dans ce sens qu’il faut prendre la chronique maladroite d’un Philippe Caverivière sur RTL. Il serait parti au Portugal, et n’aurait pas aimé ce qu’il y aurait vu. Un pays de beaufs ignares copiant le look de Ronaldo. Ceci sous les rires de ses co-animateurs.

C’est profondément blessant. On rit à nos dépends. Où est véritablement l’humour? RTL vaut mieux que ça.

Le film de D’Jal, un marocain infiltré dans la « communauté portugaise » est lui, plus classique. Les Portugais sont tous des maçons. Tout en forçant le trait, pour faire rire. C’est de l’humour.

djal maçon
D’Jal, dans ce film du marocain infiltré dans la communauté Portugaise, continue de jouer sur les mêmes ficelles qui l’ont rendu célèbre.

Le rire est une arme puissante. Une arme qui peut nous coller une image qui nous dessert, qui nous abîme. Une arme qui permet de colporter des clichés jugés « racistes », travaillant en toile de fond dans l’inconscient collectif.

Petite précision : la xénophobie, c’est de l’hostilité envers l’étranger. C’est ce qui provoque des « rentre chez toi ».

Sentiment généralisé de malaise

J’ai demandé sur notre page facebook ce que la communauté pensait d’un éventuel racisme anti-portugais. Les réactions ont été nombreuses, ce qui en soi nous indique quelque chose.

page facebook

Je vais vous parler de mon cas personnel, avant d’aborder celui des nombreux commentaires facebook. Je ne trouve pas vraiment qu’il existe un véritable « racisme » anti-portugais. Il y a en revanche des maladresses, et des clichés véhiculés de façon arbitraire depuis les années 1960, lorsque l’émigration portugaise, pauvre et massive, arriva en France.

Ces maladresses peuvent être blessantes. Tout dépend de comment on les prend. Mais celles qui blessent le plus, ce ne sont pas celles qui se moquent de votre côté Portugais. Ce sont celles qui nient votre côté Français ! Je ne sais pas comment je réagirais face à un « retourne dans ton pays », en sachant que je suis né à Paris.

Je ne l’ai jamais vécu, et de toute façon, j’ai du répondant. Mais d’autres l’ont vécu, et je vous garantis que ça peut provoquer des dégâts psychiques incalculables, même si la « victime » va en rire poliment (et très jaune).

Sur les centaines de commentaires recueillis sur Facebook, il y a un constat qui revient assez souvent, que je partage. Ce n’est pas du vrai « racisme », mais de la moquerie, souvent bête et méchante, mais qui fait rire. Un peu le même que l’on fait avec les blondes, par exemple !

Qu’en pensent les véritables anti-immigrés de France, des Portugais? Rien. Ils nous apprécient, presque. En tout cas, Jean-Marie Le Pen nous aime bien, sa fille aussi. Enfin… surtout nos votes, parce que ne l’oublions pas, les Portugais de France ne sont pas forcément en reste en matière de racisme, pour beaucoup (mais contre les Arabes, soyons francs). C’est franchement dommageable pour tout le monde.

« Ce n’est que de l’humour »

« Aujourd’hui, on ne peut plus rien dire ». On l’entend souvent. Avec l’argument en prime du « Coluche ou les Inconnus se moquaient de tout le monde et tout le monde en rigolait ».

En fait, la différence, c’est qu’ils étaient drôles, et leur « moquerie » était une façon non pas de rabaisser ceux qui étaient moqués, mais de pointer du doigt un problème de société. Nous sommes à des années lumières de la simple moquerie bête et méchante. Vous savez, celle qui peut pousser à rire lorsque l’on voit quelqu’un glisser sur une peau de banane.

L’humour, c’est finalement quelque chose de très personnel. L’auto-dérision d’un Ro & Cut passe toujours beaucoup mieux qu’une personne qui ferait exactement le même sketch, mais qui ne serait pas portugaise. Nous avons le droit de nous moquer de nous mêmes, en quelque sorte. Mais…

Jusqu’à un certain point. Si nous sommes les premiers à cultiver l’image du gros beauf inculte, sommes-nous en train de nous tirer une balle dans le pied?

Se moquer… ou taquiner ?

Lisons les définitions du Larousse.

Se moquer : Tourner quelqu’un, quelque chose en ridicule, s’amuser d’eux

Taquiner : S’amuser, sans méchanceté, à contrarier, faire enrager quelqu’un

La nuance est fondamentale, notez bien le « sans méchanceté ». Lorsqu’un franco-portugais va au Portugal, et qu’on le taquine sur son accent, c’est aussi parce que l’interlocuteur lui fait signaler qu’il pourrait sans doute faire un effort pour mieux parler.

J’ai fait cet effort, et clairement, les taquineries de mon enfance n’existent tout simplement plus. Là-dessus, elles ont aidé à me surpasser. Je n’ai jamais senti que j’étais humilié lorsque l’on m’a fait remarquer que j’appuyais un peu trop fort sur les R. Ou pire, quand ce sont des Portugais « pur jus » mais émigrés en France, qui viennent au Portugal en parlant un mauvais français pour faire « genre ». Je comprends que ça puisse énerver les Portugais du Portugal, désolé.

Ce n’est donc pas, pour moi, du racisme envers les « avecs », qui souvent, méritent que l’on se moquent d’eux et de leur arrogance. On se moque des « puissants » (ou qui croient l’être), pas des « petits ». Les petits, on les taquine pour qu’ils aillent de l’avant. L’exercice est bien sûr périlleux et difficile, et dans le doute, c’est simple : on s’abstient.

Face à des moqueries gratuites et maladroites, nous nous devons de réagir. De ne pas laisser passer. Philippe Caverivière a présenté ses excuses, et c’est tout à son honneur. C’est en ne se laissant pas marcher sur les pieds que l’on gagne le respect. On va dire de nous qu’on ne peut plus rire de nous, qu’on est des coincés? Et alors? C’est grave? On s’en fout non?

Les moqueries ne m’atteignent plus depuis longtemps, parce que je connais ma valeur. Parce que je sais remettre à sa place l’éventuel moqueur. Sans pleurniche, sans victimisation. On gagnera le respect par notre force. C’est comme ça que les Espagnols ou les Italiens ont fait. Qui se moque véritablement des Italiens aujourd’hui, de la même façon que l’on fait aux Portugais? Personne.


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