Chaque année, au mois d'août, les Portugais retrouvent leur famille partie à l'étranger, que ce soit la France, la Suisse, le Royaume-Uni ou ailleurs. C'est toujours un bonheur de revoir ceux qu'on aime, partis loin, mais c'est aussi parfois une source d'incompréhension...
Les Portugais du mois d’août, qui ne viennent au pays que pour les vacances, ont souvent une vision à la fois idyllique et dramatique du pays. Une vision déformée et amplifiée par la distance, et les souvenirs d’autrefois, qui ne correspondent plus vraiment au Portugal du XXIe siècle…
Sommaire
Les Vacances
Les Portugais émigrés d’autrefois étaient principalement des ouvriers, des femmes de ménage, des maçons. Travaillant toute l’année, le mois d’août était presque une délivrance, un moment de répit formidable. Un moment où on pouvait lâcher prise, s’amuser, faire ce qui nous plaisait.
C’est les vacances.
Tout est toujours plus beau, en vacances. Le soleil brille, on va à la plage, on apprécie la compagnie des oncles et des cousins, qu’ils soient eux aussi émigrés ou restés au Portugal. Pour faire simple, la bonne humeur règne.
Qui « fait la gueule » quand il est vacances ? Personne. On associe par conséquent le Portugal à cet heureux mois d’août.
Pourquoi le mois d’août ?
Je ne saurais pas vraiment vous dire, nous partions en juillet ! En ce qui nous concerne, nous y allions pour voir principalement la famille du Portugal, pas pour retrouver d’autres émigrés. Et surtout, ma mère en profitait pour faire les « remplacements » du mois d’août. Elle allait faire le travail de concierge ou de femme de ménage des Portugaises qui partaient pour les vacances à cette période.
L’explication la plus souvent donnée pour le choix du mois d’août est simple : c’est le meilleur mois pour retrouver tout le monde. C’est aussi la période la plus calme de l’année, lorsque les travaux dans les champs sont pour la plupart terminés. Les « Anciens » étaient ainsi donc plus disponibles pour les vacanciers.
Le plus beau pays du monde
Nous avons, nous Portugais, la chance d’avoir un beau pays. Il fait souvent très beau, les paysages sont diversifiés, et nos plages océaniques sont un régal. On y mange bien et notre patrimoine culturel et historique est immense.
Si en plus, on est en vacances, qu’on retrouve la famille et qu’on profite des activités ludiques toujours plus nombreuses avec le développement du tourisme, que demander de plus ?
L’argent, pour un émigré en Suisse ou au Luxembourg n’est pas vraiment un problème.
Evidemment que ça donne envie de vivre à l’année au Portugal ! Mais le mois d’août est trompeur, et le bonheur des « locaux » de voir leur famille ne doit pas être confondue avec le bonheur tout court.
Une certaine incompréhension peut ainsi s’installer entres Portugais, ceux du pays, et ceux de l’étranger.
Le Portugais du mois d’août, patriote
La ferveur patriotique, que l’on retrouve principalement avec le football, est marquée chez les Portugais. Lorsque l’on habite à l’étranger, cette ferveur est amplifiée. C’est pourquoi, à l’étranger, les Portugais sont nombreux à vouloir afficher leur appartenance au pays, d’une façon ou d’une autre. On va mettre un blason portugais, même si c’est celui de la fédération de foot, sur sa voiture, on va porter le maillot, on arbore un pendentif avec une croix du Christ autour du cou, et ainsi de suite.
Signes qui n’ont pas vraiment cours au Portugal. C’est inutile, on habite déjà au Portugal, inutile de montrer notre appartenance au Portugal. C’est pour cette raison que je ne porte pas le maillot de la Seleção en dehors des grands matchs de foot.
Lorsque les Portugais voient débarquer au mois d’août cette débauche de patriotisme affiché, mais prononcé avec un fort accent étranger, un certain amusement, parfois énervement peut avoir lieu. Si en plus, ces vacanciers « étalent » leur argent sous le nez des locaux en pavanant dans de gros 4×4, on peut rire nerveusement. Les émigrés, venus s’amuser et profiter de leurs vacances, peuvent ainsi, souvent involontairement, se faire traiter de « avecs« . En résumé, des beaufs, des « nouveaux riches » un peu simplets, mais tout de même gentils.
Fort heureusement, les émigrés ne sont pas tous comme ça, mais pour quelques uns qui portent un maillot de foot en parlant un mauvais français pour faire « chic », tous les autres vont payer l’addition.
Les blédards
L’incompréhension n’est pas que dans un seul sens. Au Portugais qui critique l’émigré du mois d’août un peu trop ostentatoire, on trouvera toujours un émigré du mois d’août critiquant le Portugais « blédard ».
Morceaux choisis ?
- Ils achètent leur grosse voiture à crédit sur 50 ans.
- Du coup, ils n’ont pas d’argent pour partir en vacances, que du paraître.
- Ils passent leur temps dans les cafés au lieu de travailler.
- C’est trop la belle vie, ils profitent du soleil toute l’année.
Dans les deux cas, je pense qu’il y a un peu de jalousie. Jalousie de l’argent de l’un, jalousie de vivre au Portugal de l’autre.
Au Portugal, oui, il faut travailler pour pas grand chose. Et c’est bien pour cette raison que nos amis émigrés sont partis en France, Suisse, et ainsi de suite.
Parfois, je me surprends moi-même à ne pas apprécier les Portugais du mois d’août parler très fort en français, créant une barrière linguistique avec les Portugais locaux, alors que moi-même… je fais rigoureusement la même chose. C’est dire si c’est compliqué !
Les temps changent
Ce portrait un peu simpliste de l’émigré portugais vit encore beaucoup dans l’imaginaire. Mais disons-le, il est de moins en moins fidèle à la réalité. L’émigration ne s’est jamais arrêtée, mais a changé de figure. Désormais, ce sont des personnes diplômées qui partent à l’étranger, occuper des emplois bien rémunérés et valorisés socialement.
La facilité de revenir au pays, même en dehors du mois d’août avec l’avion leur permet d’avoir une meilleur connaissance du Portugal. Le mois d’août n’est ainsi plus la seule occasion de venir au pays. Le téléphone, Internet, les réseaux sociaux sont tout autant de moyens d’être au courant de ce qui s’y passe.
Les « avecs » sont, quelque part, en voie de disparition. Comme tout le monde, ils vieillissent, leurs enfants nés en France n’entrant pas vraiment dans cette catégorie. Ils sont aussi Français ! Ce qui change beaucoup de choses aux yeux des Portugais du Portugal : un enfant portugais né en France est, en quelque sorte, légitime pour parler Français, même si j’ai souvent entendu des « em Portugal fala-se português ».
Ce à quoi je répondais : « diga isso ao meu pai que fala em português em França ».
Pour certains émigrés en France, le Portugal est une réalité, oui, mais pour la retraite. Revenus au pays, ils apprécient chaque jour passé là-bas, même s’ils reviennent souvent en France voir les enfants et les petits-enfants.
Ceux qui sont nés en France ne pensent pas vraiment venir vivre au Portugal, pour la plupart. On ne gagne pas assez d’argent. Et c’est vrai, mais je prends un café chaque matin en bas de chez moi ! Nous ne sommes pas nombreux à avoir franchi le pas, tout plaquer pour venir vivre au Portugal.
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