Départ de Vasco de Gama vers l'Inde.
Départ de Vasco de Gama vers l'Inde.

Pourquoi les portugais sont humbles

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Ce n'a pas toujours été comme ça, bien au contraire. Autrefois, les portugais étaient même prétentieux !


L’humilité portugaise

C’est quelque chose que l’on entend souvent : les portugais sont humbles. Une humilité vue ici, peut-être, négativement. Les portugais se considèrent mal, surtout en se comparant aux autres pays européens ou occidentaux.

C’est ce qui fait qu’on entendra souvent dire d’un portugais que c’est mieux ailleurs. Les allemands sont mieux, les anglais sont mieux, les suédois sont mieux et même les espagnols… ah non, pas les espagnols.

Mais attention, l’humilité portugaise ne veut pas dire que les portugais ne sont pas fiers. Les autres sont peut-être mieux, mais au Portugal, nous avons notre fierté ! Une vague notion sans doute d’une gloire passée, qui est toujours présente. Nous ne sommes pas mieux économiquement que les autres, mais nous sommes Portugais.

C’est étrange comme sentiment, et la fameuse Saudade a ici toute sa place. Mais d’où vient toute cette humilité ? C’est peut-être contre-intuitif, mais sans doute que cette humilité nous vient d’une arrogance passée.

L’arrogance d’autrefois

Au moment de la fondation de la Nation, les Portugais luttaient de toutes leurs forces contre les Castillans d’un côté et les Maures de l’autre. Et force est de constater qu’ils s’en sont très bien sortis.

Lorsqu’il fallu partir sur les mers sur des coquilles de noix, le courage et l’intrépidité portugaise ont fait la différence. Pour être intrépide, il faut avoir une confiance en soi extraordinaire, n’est-ce pas ?

Départ de Vasco de Gama vers l'Inde.
Départ de Vasco de Gama vers l’Inde. Imaginez la confiance que vous avez en vous pour faire un voyage de deux ans, sans être sûr de revenir !

Selon l’historien João Paulo Oliveira e Costa, les Portugais du XVIe siècle étaient probablement imbus d’eux-mêmes. Et à raison ! Lorsqu’un pays d’à peine un million d’habitants parvient à dominer pratiquement toutes les routes maritimes mondiales, il y a de quoi être fier et confiant.

Mieux. Lorsque Afonso de Albuquerque part à la conquête de la ville de Malacca en 1511, il y va, pardonnez moi l’expression, pratiquement avec « sa bite et son couteau ». Quelques navires, une poignée d’hommes, sans espoir d’être ravitaillés ou d’obtenir des renforts avant un an.

Ils partent, et doivent absolument vaincre le sultan de Malacca… ou c’est la mort certaine. Quel degré de confiance vous permet de faire ça ? Surtout qu’ils y parviennent. Cette ville de Malaisie est devenue portugaise, et a ouvert aux Portugais la route vers la Chine et le Japon.

Afonso de Albuquerque
Afonso de Albuquerque. Son regard est incroyable, et illustre cet article à merveille.

Un autre exemple : lors des négociations en Italie du mariage de la princesse portugaise Aliénor (Leonor), fille du roi Edouard Ier, avec le futur empereur Frederic III du Saint-Empire Germanique, les ambassadeurs trouvaient que les italiens n’étaient que des « bouseux », comme nous le dirions aujourd’hui. Nous sommes alors aux débuts de la Renaissance, qui a justement commencé en Italie.

La perte de confiance

Cette confiance toute portugaise, elle sera perdue à la fin du XVIe siècle. Lorsque les premiers signes qu’il serait désormais plus difficile de dominer le monde, avec la nouvelle concurrence anglaise, française ou hollandaise. Pourtant, malgré cette concurrence, les portugais continuaient de faire des affaires et à prospérer.

Mais, comme aujourd’hui, les commerçants d’alors ne se gênaient pas pour dire que tout allait mal, et se taisaient lorsque tout allait bien. C’est une question d’impôts. Si tout va bien, le fisc royal pouvait venir regarder un peu mieux vos cahiers de comptes…

A force de répéter que tout allait mal, de ne relever que les mauvais côtés de l’aventure ultramarine, une nouvelle mentalité c’était insidieusement installée. Désormais, le monde était dangereux, désormais il ne fallait plus avoir confiance.

Curieusement, nous vivons un peu la même chose dans notre XXIe siècle. Nous avons l’impression que les temps n’ont jamais été aussi mauvais en écoutant nos médias. Pourtant, il n’en est rien ! Nous n’avons jamais eu autant de richesses et de confort, nous avons beaucoup moins de guerres qu’autrefois, et avons beaucoup plus d’échanges et de paix.

Lorsque le Portugal perdit provisoirement son indépendance au profit de l’Espagne, le mal était fait. Nous étions devenus des petits, qui rataient leurs entreprises, qui perdaient tout ce que nous gagnions. Ce qui n’était objectivement pas le cas, mais à force de se le répéter, ça finit par devenir une réalité.

Cristiano Ronaldo ?

Ce joueur de foot est quelque part une sorte électrochoc. Son extrême confiance en soi et ses résultats nous donnent un aperçu de ce qu’étaient les portugais du XVIe siècle. Et ça fait du bien. Il a sans doute le melon, mais il faut avouer qu’il justifie à chaque match cette confiance.

Et lorsque vous avez confiance en vous, tout devient plus facile. il suffit parfois d’un petit rien pour que tout change, et il suffirait au Portugal d’avoir une entreprise conquérante pour que même économiquement, la mentalité change enfin.


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