On entend souvent que l'école, c'était mieux avant. Que l'ancienne Quarta Classe équivaudrait aujourd'hui au 12° ano ou au Bac. C'était en tout cas le minimum exigé par le régime de Salazar.
Quarta Classe, pas pour tout le monde
Cet idéalisme de l’école de Salazar, où l’on enseignait le respect et des savoirs assez poussés, a pourtant un côté sombre, que l’on dit moins. Pourtant, il était assez visible, ses conséquences se faisant encore sentir dans les années 1990.
Sommaire
Du temps de Salazar, l’analphabétisme des femmes progressa. Mes arrières-grands-mères, scolarisées à l’époque de la Monarchie Constitutionnelle ou de la République naissante savaient toutes lire. Mes grands-mères, en revanche, étaient analphabètes.
On ne jugeait pas utile que les femmes sachent lire ou écrire. Pourtant, l’école était obligatoire pour elles aussi. Avec le temps, elles finirent par toutes y retourner, comme c’était le cas pour ma mère, écolière dans les années 1960.
Les filles restaient malgré tout subalternes. On leur demandait de savoir lire et compter, et ça suffisait. On ne poussait pas les enfants dans de longues études. De plus, le pouvoir se méfiait des étudiants universitaires. Trop nombreux, il aurait été difficile de les contrôler.
Le travail infantile était une plaie de la société. L’Etat fermait bien souvent les yeux sur ces irrégularités. Dans un pays pauvre comme le Portugal d’alors, ce travail était malheureusement récurrent. Dans de nombreuses familles, les jeunes filles devaient travailler pour payer les études du frère.
Les premières années du « Estado Novo » stimulaient l’éducation par la famille plutôt que l’école publique. L’enseignement, qui était obligatoire jusqu’à 14 ans du temps de la République, se limita pendant la période dictatoriale au trois premières années de l’école primaire, la Terceira Classe. Ce n’est qu’en 1956 que la 4a classe devint obligatoire pour tous les garçons, et en 1960 pour les filles.
Ces progrès sont à mettre en parallèle avec la pression sociale. Les autres pays européens étaient tous en train d’augmenter sensiblement la scolarité obligatoire de leurs enfants.
En 1964, la scolarité devient obligatoire jusqu’au 6° ano.
Proximité des écoles
Une chose on ne peut enlever à Salazar : la construction de nouvelles écoles. C’est peut-être la plus grande réussite de son régime. Parce que l’école était obligatoire, certes, mais à condition qu’elle ne se trouve pas à plus de 2 km de distance.
Cette proximité des écoles primaires avait une raison d’être, beaucoup moins innocente que l’alphabétisation de la population.
L’école, un outil de propagande
L’école devait former les petits portugais. En quatre ans, on devait faire des citoyens modèles du Estado Novo. Chaque salle de classe avait une photo du Président du Conseil, Salazar, en signe de révérence.
L’Histoire du Portugal était exaltée, à la gloire du colonisateur portugais.
Pendant les temps libres, la « Moçidade Portuguesa » fondée en 1936 prenait le relais. Les objectifs étaient clairement définis : on voulait « stimuler le développent intégral de la capacité physique, la formation du caractère et la dévotion à la Patrie, dans le sentiment de l’ordre, le goût de la discipline, le culte des devoirs moraux, civiques et militaires ».
Pour inculquer tout ceci à nos chères têtes blondes (ou brunes) portugaises, les professeurs n’hésitaient pas à faire usage de la violence. Une violence que l’on retrouvait en France et un peu partout en Europe. C’était le temps du martinet, des coups de règle et autres gifles bien senties.
L’examen de la Quarta Classe
Qui n’a pas entendu dire, d’un aîné, que de son temps, la Quarta Classe avait plus de valeur que le lycée d’aujourd’hui ? Ce discours, on l’entend même de la bouche des anciens français, qui disent qu’on apprenait plus de choses en 1960 qu’en 2019.
Et vous savez-quoi ? Ils ont peut-être raison, du moins sur les savoirs de base. Les enfants qui n’avaient pas de difficultés scolaires particulières sortaient de l’école primaire en écrivant mieux que nos enfants d’aujourd’hui, et en sachant mieux compter.
En revanche, ceux qui n’avaient pas la chance d’être doués à l’école étaient les grands perdants. C’était une école finalement assez élitiste, qui tirait vers le haut ceux qui en avaient la capacité, mais laissait sur le côté les autres.
Aujourd’hui, j’ai l’impression inverse. Pour ne laisser personne sur le côté, on nivelle par le bas l’enseignement. Est-ce positif ? En voulant faire rentrer tout le monde dans le même moule de l’instruction publique, le constat est amer. Les parents qui en ont les moyens préfèrent retirer leurs enfants de l’instruction publique qui nivelle par le bas, et les mettre dans des écoles privées. L’ascenseur social semble en panne.
Précisions : malgré tout, l’école publique portugaise semble en meilleur état que la française. Les classements PISA sont formels, le Portugal est le 22ème meilleur pays de l’OCDE, alors que la France est 26ème.
Attention tout de même à ma réflexion personnelle. Je ne parle ici que d’enseignement primaire. L’école d’aujourd’hui forme mieux les enfants aux réalités d’aujourd’hui. Rappelons-nous qu’autrefois, on ne changeait pratiquement pas de métier. Rappelons-nous qu’autrefois, l’informatique domestique n’existait pas, et encore moins Internet. Un collégien de 1965 lâché dans notre monde d’aujourd’hui serait tout simplement perdu. C’est bien beau de connaître le théorème de Thalès sur le bout des doigts, mais ça ne sert à rien en 2019 si vous ne savez pas faire une recherche sur Google.
Dans le bon vieux temps, on apprenait à mémoriser. Aujourd’hui, la volonté serait d’avoir des enfants qui réfléchissent plutôt qu’à faire du par coeur.
C’est du moins les bonnes intentions de notre époque. Je ne suis pas sûr que les enfants savent mieux réfléchir qu’autrefois, et encore moins qu’ils aient un meilleur esprit critique. La télévision, les médias ont vite fait d’annuler les efforts scolaires.
Pour juger du réel niveau scolaire des enfants des années 1960, je vous propose de faire le même examen de mathématiques qu’eux.
Questions de l’examen de la Quarta Classe
C’est un examen de 1968, que je traduis ici.
- Dans un paiement de 800$, on m’a fait une ristourne de 160$. Quel est le pourcentage de ristourne que l’on m’a fait ?
- Avec les 2,5 hl de l’huile de la cueillette, l’agriculteur a rempli 25 bidons. Quelle est la capacité des bidons ?
- On a divisé un fromage en 8 parts. Si on retire 3 parts, on retirera 150 g. Combien vaut le fromage, s’il est vendu à 64$ le kilo ?
- Regardez l’opération « 8 x 5 = 40 ». Le nombre 40 est-il multiple de 8 ?
- Combien de centimètres font 2 mètres, et à combien de centimètres correspond 1/4 de mètre ?
- Un cercle a été divisé en 8 parts égales. Quelle est l’amplitude de chacune des parts ?
- Un commerçant à acheté 80 l d’huile pour 1280$. Il a perdu 6,5 l. A combien doit-il vendre le reste pour gagner 87$10 ?
- Le rayon AB d’un cercle mesure 2 cm. Quelle est l’aire du carré dont le côté correspond au rayon AB ?
- Ecrivez, en numération romaine, l’année de naissance d’un garçon qui fête ses 11 ans en 1968.
- De combien de dizaines est le produit de 35 par 100 ?
Réponses
1: 20%, 2 : Chaque bidon fait 10 l. 3 : Le prix du fromage est de 25$60. 4 : oui. 5 : 2 m = 200 cm et 1/4 de mètre = 25 cm. 6 : l’amplitude est de 45°. 7 : chaque litre doit être vendu à environ 18$60. 8 : l’aire du carré est de 4 cm². 9 : 1957 = MCMLVII. 10 : 350 dizaines.
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