C'est en regardant les maillots de bain « à la mode » portés par les femmes au Portugal ou en France que je me suis aperçu d'une différence entre les deux pays. Nous n'avons pas le même rapport à la pudeur dans les deux pays, même si les différences ont tendance à s'estomper avec la globalisation culturelle...
Connaître cette approche différenciée de la pudeur au Portugal me semble important. Nous voulons être décents dans le pays où l’on habite, n’est-ce pas ? Il faut se rendre compte qu’être en « topless » au Portugal peut attirer l’attention, que l’on ne cherchait pas forcément.
Sommaire
Pudeur oui, mais pas de la même façon
Le postulat de départ c’est de dire que le Portugal est un pays religieux, catholique, et qu’il respecte un peu la prudence toute chrétienne de ne pas trop montrer son corps.
Cette pudeur est à peu près la même dans toute l’Europe, où la culture chrétienne est toujours très présente. Cette première impression vole en éclats lorsque nous regardons l’uniforme scolaire des adolescentes qui fréquentent une des écoles catholiques les plus réputées du Portugal.
Leurs jupes sont étonnement très courtes !
Dans les faits, nous observons ainsi qu’il y a quelques différences entre la pudeur française (par exemple) et la portugaise.
Si vous regardez une plage en France, il est assez courant aujourd’hui de voir des femmes en topless. Les maillots de bain des Françaises ont la partie du bas qui couvre bien les fesses. Au Portugal il est assez courant de voir des femmes qui ont des maillots aux fesses dénudées, voir carrément des strings. En revanche, vous ne verrez pratiquement jamais de femmes aux seins nus.
Cette tendance semble un peu moins marquée de nos jours, la globalisation étant également une globalisation de la mode et des valeurs culturelles, du moins en Occident.
L’âge n’a pas d’importance
Croiser une personne âgée en bikini, c’est quelque chose d’habituel au Portugal. Croiser des petites filles avec des strings également. A ce niveau, tous les clichés que l’on peut se faire sur la pudeur liée à la religion vole en éclats.
Les Portugais semblent en majorité décomplexés vis-à-vis de leur corps, du moins sur la plage. Peu importe que vous soyez vieux ou obèse, ça n’a rien de bloquant au moment de se mettre en maillot de bain.
Est-ce que les injonctions faites en permanence à être beau ou belle sont moins présentes au Portugal qu’en France ? Est-ce que les Portugais ont moins honte de leur corps tel qu’il est ?
Oui, les Portugais font aussi attention à leur apparence. Mais la plage n’est pas l’alpha et l’oméga pour y montrer son physique irréprochable ou pas. On fait un régime non pas parce que l’été approche, mais parce qu’on veut être plus mince, quelle que soit la saison.
En extrapolant, nous pourrions trouver ça logique : on peut aller à la place du mois d’avril au mois de novembre. Inutile d’ailleurs d’être en vacances pour y aller. Dans de telles conditions, si on refuse de mettre un maillot de bain parce qu’on est gros, moche ou vieux, on n’irait jamais à la plage !
La plage est donc un endroit où un Portugais va naturellement. Et il y va « comme il est », sans tabous.
Ne pas confondre austérité et pudeur
Remontons quelques siècles, pour savoir si cette décontraction de la pudeur au Portugal est chose nouvelle, liée peut-être aux influences brésiliennes, ou si ça a toujours été.
En regardant les tableaux du XVIème siècle qui nous parlent du quotidien vécu par les gens du peuple, on va voir que les femmes ont systématiquement la tête et les épaules couvertes.
En regardant les tableaux français, c’est à peu près pareil : on ne montre en général que les mains et le visage.
Pour l’aristocratie, c’est différent. Dans les deux pays, les portraits des aristocrates ou de la bourgeoisie sont très élégants et magnifiques à regarder. Les Portugais sont beaucoup plus austères que les Français. La Renaissance, le culte du corps, s’est affirmé de façon différente au Portugal.
Au pays de Vasco de Gama, les hommes et les femmes s’habillent en noir, et cachent presque tout, en parfaite contradiction avec les couleurs chatoyantes des Français.
Prenez le roi du Portugal, Dom João III, habillé tout en noir, et son contemporain François Ier et ses magnifiques couleurs.
Cette austérité ne doit pas être associée à de la pudeur. C’est plutôt de la retenue. Il ne faut pas trop en montrer au niveau vestimentaire, du moins au niveau des couleurs. Il ne faut pas trop donner l’impression de faire la fête. Les Portugais du XVIème siècle, du moins les élites, se sentent investis d’une mission : évangéliser le monde, dans le contexte des Grandes Découvertes.
Cette évangélisation est fortement liée à l’église, et la couleur noire, celle des prêtres, est la plus sobre et digne de la fonction religieuse.
Nous allons retrouver cette retenue toute portugaise tout au long de l’histoire du Portugal. Il suffit de penser au style de musique portugaise par excellence, le fado. Si vous l’écoutez bien, le Fado est quand même assez austère ! De nos jours, il change, devenant beaucoup plus coloré, beaucoup plus festif. Si on se dirige vers le nord du pays, nous y verrons que cette austérité des élites ne s’y retrouve pas vraiment. Le nord n’avait pas d’enjeu politique, de signe d’austérité et de dignité à envoyer au reste de la Chrétienté.
Une question de mode ?
Le nord est toujours aujourd’hui, beaucoup plus coloré dans ses traditions folkloriques que le sud du Portugal. Les femmes sont toujours autant habillées, on ne voit pas beaucoup de peau non plus. Ce n’est pas à mon sens une question de pudeur, au vu de ce que nous pouvons voir sur les plages, mais simplement une question de mode. Nous nous habillons comme tout le monde. C’est la mode qui définit la norme, et c’est la norme qui détermine notre façon de nous habiller en général.
En regardant les élites bourgeoises et aristocrates du XVIIIème siècle, nous observons qu’elles suivaient de près ce qui se faisait à Paris. Les mêmes décolletés étaient portés à Lisbonne ou à Paris !
En revanche, pour les femmes du peuple, c’était une autre histoire. Comment faire porter de grandes robes, de lourds tissus qui cachent tout, à une femme d’un peuple au climat chaud, lié aux travaux de la mer ? Vous ne pouvez pas.
Une pudeur limitée par le travail
Le symbole de la femme du peuple, visible par toutes les élites de Lisbonne, c’est la « varina ». Travailleuse, elle va chercher le poisson à la plage, va le vendre dans les rues de la ville, et son rapport à l’éventuelle pudeur est limité par le côté nécessairement pratique que doivent avoir ses vêtements.
Pour des raisons pragmatiques, elle ne cachait pas ses chevilles ou ses mollets. Il ne pouvait pas vraiment en être autrement lorsqu’il s’agit d’aider à débarquer le poisson du bateau fraîchement revenu de l’océan.
La « varina » était très présente à Lisbonne, mais aussi dans d’autres villes portugaises, et ce, depuis la naissance du pays. Nous ne pouvons pas dire que c’était le cas à Paris, Londres ou Vienne, ni même Madrid : forcément, ce métier ne pouvait pas exister dans des villes si éloignées des côtes.
Avoir des vêtements pratiques est tout à fait naturel. Pensons aux femmes paysannes, qui portaient les habits en adéquation avec leur travail. Bien sûr, on s’habille bien plus chaudement dans le nord que dans le sud, mais là n’est pas une question de décence ou de pudeur…
L’ordre portugais
Pas de pudeur inutile au Portugal. On s’habille comme les autres. Le Portugais déteste le désordre, il faut savoir rester humble et ne pas trop « dépasser ».
On aime faire la fête, mais dans un cadre bien défini. Et lorsqu’il y a du désordre, le Portugais n’en rajoute pas en allant chercher le conflit. Non, il va préférer faire éventuellement une simple remarque verbale, le plus souvent ignorer, faire comme si ça n’existait pas.
Il fera tout pour ne pas déranger sa tranquillité personnelle. En s’habillant trop différemment, il sait qu’il s’expose à des remarques, à des « qu’en dira-t-on » dans son dos qui ne sont jamais agréables.
Est-ce que le Portugais juge la personne vieille et obèse en bikini sur la plage ? Peut-être, comme en France, mais se gardera bien d’aller faire une réflexion désobligeante qui n’apporterait que désordre et conflit !
Pudeur masculine ?
Les hommes sont en général beaucoup moins pudiques que les femmes. Ou plutôt, la société est beaucoup plus permissive avec un homme, que l’on soit à Lisbonne, Paris ou Kaboul. Il en reste malgré tout des différences qui peuvent surprendre.
Pour l’expliquer, je vais prendre un cas personnel et en faire une généralité. Ce n’est pas une étude sociologique, mais évidemment un ressenti qui se confirme à chaque fois. C’est au vestiaire des hommes dans des installations sportives que l’on ressent le plus la spécificité portugaise.
Lorsque je pratiquais le judo à Tomar, petite ville de province, nous prenions notre douche tous ensemble, entre judokas. Il n’y avait pas de cabines de douche pour s’isoler, et aucun souci avec la nudité des uns et des autres.
En France, ce n’était déjà plus le cas. La majorité des jeunes sportifs prenaient leurs douches dans des cabines séparées, malgré la présence de douches collectives. Un homme nu dans les douches collectives d’une piscine se fera beaucoup plus remarquer à Paris qu’à Porto.
C’est évidemment une règle générale, et j’ai parfois l’impression que l’amélioration des installations sportives y est aussi pour quelque chose. Lorsque nous avions 3 cabines de douches pour 20 douches collectives au Portugal, en France nous avions 20 cabines de douches individuelles, en plus des douches collectives.
C’est plus facile de s’isoler en France, et encourage à être plus pudique que nécessaire. Le Portugal, avec des installations sportives de meilleure qualité s’en approche également, et peut-être que nous verrons une nouvelle pudeur entre les jeunes portugais qui était inexistante autrefois.
Pudeur et indécence
En règle générale, on est beaucoup plus tranquille avec son corps au Portugal qu’en France. On s’assume mieux. Un manque de pudeur est perçu par les autres comme de l’indécence. Mais l’indécence est à géométrie variable. C’est notre culture collective qui détermine les règles.
Sur TikTok et Instagram, la mannequin portugaise Sara Sampaio n’hésite pas une seconde à montrer la différence entre ce que les belles photos d’elle peuvent montrer, et la réalité. Selon la pose qu’elle prend, elle passe de top model à banale. Elle assume pleinement ce côté moins idéalisé de son corps.
Ce qui me pose question, à moi, c’est le contraste évident entre la décence véhiculée par les médias français ou portugais et la pratique.
La société française se voudrait, par ses médias, libre et sans pudeur. La société portugaise, par ses médias, ne semble même pas y réfléchir. Au désir de l’une, rarement vue en pratique, s’oppose presque l’innocence de l’autre.
Nous n’avons pas besoin au Portugal de faire la promotion d’une supposée liberté vestimentaire. Elle existe de fait, on porte bien ce que l’on veut. Peut-être est-ce parce que justement, les gens se mêlent moins des autres ? Ou bien encore, peut-être parce qu’une portugaise se sent beaucoup plus en sécurité dans son pays, étant libre de porter ce qu’elle veut sans se faire agresser dans la rue ?
Nous aurons toujours des différences culturelles, mais à chaque année qui passe, de plus en plus estompées. C’est l’ordre naturel des choses dans un monde culturel de plus en plus globalisé.
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