Forêt détruite par les incendies
Forêt détruite par les incendies

Pedrogão Grande, martyr des incendies de 2017

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Nous sommes ici à l'intérieur du pays, une région oubliée, sinistrée. Les incendies de 2017 n'ont fait que révéler au grand jour qu'en sortant du littoral, le Portugal se dépeuple et se paupérise.


Pedrogão Grande n’est en fait que qu’un gros village, avec 2000 habitants environ, 4000 si on compte toute la municipalité. En 1960, la population était deux fois plus nombreuse, dans un pays pourtant moins peuplé qu’aujourd’hui.

Une mairie soupçonnée

L’immense élan de solidarité nationale, où de nombreux dons sont parvenus à Pedrogão Grande, a été, disait-on en 2018, dévoyé par le maire, Valdemar Alves. Entreposés, pour ne pas dire cachés, les dons n’ont jamais été distribués aux victimes. Il se pourrait qu’il y ait eu de mauvais fonctionnements. Que la mairie ne puisse tout gérer.

La version de la mairie se défend : les dons sont principalement de l’électroménager, gérés par la Croix Rouge locale. Au fur et à mesure que les maisons sont reconstruites, les frigos, fours et autres lave-linges trouvent leur nouvelle place.

La justice n’est pas allé de l’avant, donnant raison à Valdemar Alves. L’affaire a été archivée au début de l’année 2019.

En juin 2019, 90% des habitations ont été reconstruites, grâce aux dons.

Par ailleurs, le maire a été accusé de ne pas avoir rempli son rôle pour prévenir les incendies. En clair : un procès est en cours contre lui, en tant que responsable des failles du nettoyage des forêts ou de la protection civile, entre autres. Il est, sur ce sujet, à la même enseigne que les maires voisins de Figueiró dos Vinhos ou de Castanheira de Pera.

Il a également été accusé d’avoir été corrompu, en favorisant certaines entreprises pour la reconstruction des maisons, ou d’avoir reconstruit les maisons d’amis qui n’en avaient pas besoin. Le maire se défend en disant que toutes ces attaques contre sa personne viennent d’opposants politiques.

Il ne s’est pas recandidaté, et pour cause, aux élections municipales de 2021. Il y a toujours plusieurs procès en cours contre lui.

Nodeirinho, épicentre de la catastrophe de Pedrogão Grande. Un mémorial a été érigé en cet endroit, où une fontaine sauva d’une mort certaine de nombreuses personnes.

La végétation revient… comme avant

Si aujourd’hui, Pedrogão Grande est en train de reverdir, c’est de façon anarchique. La nature reprend ses droits peu à peu, mais il s’agit surtout d’eucalyptus, accusés de tous les maux. Ils assèchent les sols, brûlent facilement, et repoussent à une allure phénoménale. Aujourd’hui, ils atteignent déjà 3 m de haut.

Les habitants attendent encore la plantation d’espèces endémiques, plus résistantes aux incendies. C’était un projet du gouvernement, resté pour l’instant lettre morte.

Dans un reportage du Diário de Notícias, l’ingénieur forestier Paulo Pimenta de Castro affirme qu’aujourd’hui encore, Pedrogão Grande risque à nouveau un grand incendie. Les câbles électriques passent toujours au milieu des arbres, les eucalyptus reviennent, et le nettoyage des zones privées n’est pas fait.

Il y a néanmoins du mieux, avec plus de moyens pour lutter contre les incendies. Mais il vaut mieux prévenir que guérir, et à Pedrogão Grande, par manque de moyens humains, la prévention n’est qu’utopie ou presque.

Il faut se souvenir que nous parlons d’une zone dépeuplée et âgée.

Un chômage structurel

C’est sans doute le principal problème de Pedrogão Grande. Personne n’y investit. Le chômage est bien au dessus de la moyenne nationale, et les incendies ont provoqué des dégâts considérables dans le déjà fragile tissu industriel.

Les incendies semblent en outre avoir fait fuir le peu d’entreprises qui étaient prêtes à s’engager dans la région, selon le maire. D’autres, qui avaient annoncé qu’elles s’implanteraient dans la région pour venir en aide à cette population martyrisée par les incendies ne sont finalement pas venues.

Le chômage, privant de sa jeunesse une région qui en a bien besoin, est indirectement responsable des incendies. Il n’y a tout simplement plus assez de monde pour s’occuper correctement du territoire, laissé à l’abandon. Le manque d’opportunités n’est pas nouveau, le maire lui-même étant parti très jeune de Pedrogão Grande tenter sa chance à Lisbonne. Ce n’est qu’une fois à la retraite qu’il revient dans son village natal.

Un curé libidineux

Sans rapport ou presque, un prêtre de Pedrogão Grande a été suspendu de ses fonctions, pour avoir publié une photo de lui en slip et chaussettes sur facebook. Il semblerait que la frange plus intégriste des catholiques du coin n’aie pas apprécié ce geste déplacé de la part de leur curé.

Cette histoire de curé est une anecdote, mais qui nous montre, un peu, comment ça se passe dans ces pauvres coins reculés du Portugal, qui pourtant ont un potentiel de développement important. Mais dès que l’on sort du grand axe Vigo / Porto / Lisbonne, point de salut.


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