Expulsion des Juifs du Portugal
Expulsion des Juifs du Portugal

Noms portugais d’origine juive

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Noms d'origine juive au Portugal ? Il n'y en a pratiquement pas. En revanche, beaucoup de Juifs fraîchement convertis au XVIe siècle prirent des noms chrétiens.


C’est quelque chose de récurrent sur les réseaux sociaux. Nous pouvons y trouver des listes assez conséquentes de noms de famille portugais qui auraient de prétendues origines juives.

Ainsi, les de Sousa seraient en fait des Bensoussan, les Coelho des Cohen ou encore les Leão des Levi.

Conversions forcées

Lorsque le roi Manuel Ier ordonna aux Juifs Portugais de se convertir ou de quitter le pays en 1497, ils furent nombreux à opter pour la conversion. Ces Juifs nouvellement convertis, surnommés de « marranes », pouvaient l’être sincèrement, et embrassaient la religion chrétienne pleinement.

Nous n’avons pas de chiffres exacts sur la sincérité de ces conversions, difficilement calculable. Mais, de façon totalement empirique, il nous semble très improbable qu’ils aient été nombreux à l’avoir fait de gaieté de coeur.

Tant et si bien que pendant de très nombreuses années, jusqu’au début du XXe siècle, de nombreux Juifs continuèrent de pratiquer leur religion en secret. C’est pour eux, ces « faux chrétiens », que l’Inquisition fut principalement instituée.

Changement de nom forcé

En devenant chrétien, le Juif devait choisir un nom « chrétien ». Il ne pouvait pas inventer un nom de toutes pièces, mais choisir parmi des noms qui existaient déjà.

Si vous êtes Juif, et que vous voulez continuer à vivre tranquille et en cachette, il valait mieux prendre un nom passe-partout, qui ne permettent pas aux autres de savoir que votre famille était d’origine juive.

L’Histoire nous le montre, avec l’Inquisition qui surveillait toujours ces convertis et leur descendance, même plusieurs siècles plus tard ! Beaucoup de Juifs condamnés par l’Inquisition le furent par dénonciation. Porter un nom typiquement Juif, ou donnant à entendre qu’il y a une origine juive était dangereux dans ce contexte.

Qu’est-ce qu’un nom Juif au Portugal ?

Avant leur expulsion, les noms Juifs étaient très variés, contrairement à ceux des Chrétiens. Il faut dire que le nom de famille, pour les non-Juifs (et souvent analphabètes), n’était pas très importants si on n’était pas noble. Ce n’est qu’avec l’apparition d’une administration centrale de plus en plus forte que l’on obligea tout le monde à s’identifier correctement.

D’un autre côté, la population juive portugaise était très souvent lettrée et cultivée. Des registres étaient maintenus, établissant une généalogie précise des membres de la communauté juive. Des registres qui étaient rédigés en hébreu.

Les Juifs pouvaient ainsi porter des noms clairement Juifs, comme Levi ou Cohen, mais également des noms plus ambigus, comme Manuel, Vizinho, Estrela, Leiria, Tomar ou Calvo. C’est au niveau des prénoms que leur religion pouvait être parfaitement évidente : Moisés, Isaac, Abraão ou Judá, pour n’en citer quelques uns.

Il faut néanmoins ne pas perdre de vue qu’un prénom comme José était également populaire au sein des communautés Juives du Portugal. Le seul nom d’une personne ne pouvait donc pas garantir à 100% qu’elle était juive ou chrétienne, même avant leur conversion forcée.

Le baptême des Juifs

Lorsque l’on devient chrétien, c’est au travers du baptême. Nous sommes accompagnés dans notre foi chrétienne par un parrain, choisi au moment du baptême.

Pour les Juifs convertis, le choix d’un nom chrétien était lié à celui de leur parrain, souvent un noble ou un ecclésiastique. Ainsi, de nombreux convertis avaient pour parrain le seigneur ou le curé de leur village.

Ils pouvaient soit choisir le nom de famille du parrain, soit choisir un patronyme, un nom de famille créé à partir d’un prénom. Au Portugal, ces noms sont facilement reconnaissables, avec leur terminaison en -es (Alves, Rodrigues, Gomes…).

👉 Lire également : d’où vient la terminaison en -ES des noms de famille portugais ?

Quitte à choisir un nouveau nom de famille, les Juifs préféraient un nom de noble, pourquoi pas les Silva ou les Sousa, très anciennes familles de la noblesse galaïco-portugaise.

Les dégâts de l’Inquisition

Les convertis, ces « nouveaux chrétiens », avaient dès le premier jour de leur conversion, rigoureusement les mêmes droits que les anciens chrétiens. Ces nouveaux droits leur apporteront bien des problèmes, à commencer par la jalousie des anciens chrétiens.

Une jalousie qui fut le moteur de l’Inquisition.

On se demandait alors si ces nouveaux chrétiens, qui avaient ainsi les mêmes droits que tout le monde, étaient vraiment sincères dans leurs conversions ?

Pour le savoir, il fallait employer les grands moyens, afin de punir ceux qui profitaient des avantages d’être chrétiens, sans véritablement l’être.

Diogo da Silva
Diogo da Silva, premier Inquisiteur Général du Portugal.

Dans la très grande liste qui circule de noms Portugais supposés être d’origine juive, Silva en fait partie. Diogo da Silva, le premier Inquisiteur, est sans conteste issu d’une vieille famille de noblesse chrétienne.

Sans une once de sang juif dans ses veines, Diogo da Silva se mit à la tâche, et pourchassa les faux chrétiens, accélérant le départ de ceux-ci du Portugal.

Lorsque les Juifs portugais arrivaient dans des pays plus amicaux, ils reprenaient souvent leur nom Juif d’origine, n’ayant plus besoin de se cacher. D’autres exilés, qui avaient perdu le contact avec leur nom d’origine, choisirent de conserver leur nom chrétien. C’est le cas de Gabriel da Costa, philosophe portugais né à Porto en 1585, décédé à Amsterdam en 1640 sous le nom de Uriel da Costa.

Du sang Juif dans nos veines?

Nous l’avons vu, au début des conversions, les nouveaux chrétiens avaient les mêmes droits que les autres. Étant très compétents et cultivés, ils furent nombreux à occuper de bons postes au sein de l’administration. L’Inquisition n’allait pas suffire pour combler les rivalités et les jalousies.

Le roi D. João III, inspiré par ce qui se faisait déjà en Espagne, instituera les Loi de « pureté de sang« , qui empêchaient les convertis, mêmes sincères, d’accéder à bon nombre de métiers influents. Ils ne pouvaient plus faire partie d’ordre militaires ou avoir des charges bureaucratiques, par exemple.

Pour contourner cette Loi, les convertis tentèrent de se marier avec d’anciens chrétiens, souvent récalcitrants. Les conversions forcées avaient été très mal perçues par tout le monde. Les Juifs d’une part, mais aussi les anciens chrétiens, qui se méfiaient d’eux.

On mettait ainsi un point d’honneur à savoir exactement qui étaient ces convertis, et à ne pas se mélanger avec eux. Les mariages entre convertis et anciens chrétiens étaient ainsi relativement rares. Ce n’est que sous le Marquis de Pombal, au milieu du XVIIIe siècle que les listes de convertis furent abolies et détruites.

Depuis, seul le temps et l’oubli ont permis aux descendants des convertis d’être pleinement intégrés. Un oubli pas tout à fait exact à Belmonte et quelques autres villages de l’intérieur portugais, où les Juifs n’abandonnèrent jamais leur religion.

Pour ces raisons, la plupart des Portugais d’aujourd’hui n’ont pas beaucoup d’ancêtres juifs. Les communautés chrétiennes et juives (puis converties) furent soigneusement séparées jusqu’à maintenant.

Incompréhension

Je pense que, comme souvent avec les réseaux sociaux, il y a incompréhension.

Si on dit « les Juifs ont été forcés de prendre un nom catholique », il va y en avoir plein pour croire que les noms en question démontrent qu’ils sont juifs. Un désir inconscient peut être d’avoir des origines juives pousse beaucoup de gens à déformer la réalité.

Le seul nom de famille ne permet pas d’affirmer quoique ce soit.

Dans la liste des noms supposés « Juifs », on peut même retrouver « Mesquita » (mosquée en français)…

Au Brésil, pays de refuge pour bon nombre de juifs « faussement » convertis, le nom de famille qui revient le plus souvent dans les archives de l’inquisition est Rodrigues. Rodrigues, peut être le nom historiquement le moins juif de péninsule ibérique. Rodrigues, fils de Rodrigo, Rodrigo, dernier roi chrétien avant l’invasion musulmane !


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