Le pays possède une des plus grandes réserves de lithium, ce qui semble préparer un futur désastre écologique. La première mine de lithium vient d'avoir l'aval de l'Agence Portugaise pour l'Environnement, (APA)...
Nous sommes assis sur un tas d’or. De « l’or blanc », en l’occurrence, ou plutôt, du lithium. Ce minerai est devenu aujourd’hui absolument essentiel dès que l’on parle de nouvelles technologies : c’est l’élément principal utilisé dans les batteries de nos téléphones ou des voitures électriques.
Sommaire
La consommation mondiale a explosé ces dernières années, et la valeur du minerai également. Un minerai que l’on retrouve en Australie, Chili ou Chine. Pour un européen, avoir sur son sol la production même de lithium plutôt que de l’importer reste une aubaine, et vital pour son indépendance. C’est ici qu’intervient le Portugal.
Gisements portugais de lithium
Le Portugal est déjà le premier pays producteur européen de lithium, avec 400 tonnes en 2017. A titre de comparaison, le premier pays producteur, l’Australie, a produit en 2017 18 000 tonnes.
Mais le Portugal a de nombreux gisements potentiels à exploiter. Le sous-sol est riche, et serait une grande source de richesse pour le pays, et d’emploi. Par ailleurs, la plupart des demandes d’exploitation en cours sont situées dans l’intérieur du pays, qui se vide peu à peu de sa population. Trás-os-Montes, Beira Interior, Alto Douro… Une opportunité unique de remettre au premier plan des régions économiquement sinistrées.
Tout le monde aurait à y gagner ? Pas tout à fait
Première mine de lithium à Boticas
En mai 2023, l’entreprise britannique Savannah a le feu vert environnemental pour, sur 593 hectares, créer la plus grande mine de lithium d’Europe.
Boticas, c’est une petite ville du district de Trás-os-Montes. Une petite ville de montagne, loin du développement économique du littoral, oubliée. Toute la municipalité n’a que 5000 habitants.
Savannah souligne que c’est la première fois qu’un projet portant sur le lithium a un avis favorable de l’APA.
Pour l’obtenir, l’entreprise s’est pliée à un certain nombre d’exigences :
- Verser des royalties à Boticas, qui en profitera donc économiquement.
- Construction d’une nouvelle route, afin de minimiser l’impact de la mine sur les populations
- Interdiction de capter de l’eau de la rivière Covas, avec une zone de sécurité d’au moins 100 m de largeur
- Des mécanismes de « compensation » : par exemple, création et manutention d’un centre de reproduction de la mulette épaisse, un bivalve d’eau douce.
Vous êtes convaincu? Pas le maire de Boticas en tout cas. Il a déjà fait savoir que Boticas n’était pas à vendre. Les gens de Boticas sont contre, mais il semblent ne pas avoir été écoutés.
Prochaine étape : Savannah doit maintenant présenter un projet prenant en compte toutes les exigences de l’APA.
Un désastre écologique annoncé
La méthode pour extraire le minerai du sous-sol est peut-être la pire qui soit. On creuse un trou gigantesque. C’est aussi simple que ça. On détruit tout au passage. Il n’y a pas de solution alternative.
Il n’y a plus d’arbres, plus de sol, plus rien.
Les industriels parlent d’une « renaturation » possible. En clair, une fois la mine épuisée, la nature reprend ses droits. Mais dans ce cas, une autre question doit être posée : ces mines à ciel ouvert ont une durée de vie, souvent de dix ans (17 ans sur le projet de Savannah). Quid de l’essor économique de la région au bout de dix ans ? Les entreprises exploitantes sont de plus, étrangères. On aura détruit la nature pour quelque chose qui n’est même pas pérenne…
Comme si le cratère ne suffisait pas, les poussières rejetées par l’exploitation sont assurément toxiques.
Ce qui a sauvé jusqu’à aujourd’hui les paysages portugais, c’est le coût de l’extraction. Il était en effet 2,5 fois plus cher d’extraire du lithium au Portugal qu’au Chili par exemple. Mais avec l’avancée des technologies et la découverte de nouveaux gisements, c’est de moins en moins le cas.
La résistance à l’exploitation du lithium s’organise
Face à l’ampleur de l’impact environnemental et l’incertitude des retombées économiques pour la population locale, les habitants concernés s’organisent. Des associations se forment, et organisent des réunions d’information, souvent animées par des géologues. Les conclusions sont presque invariablement les mêmes : rejet des mines à ciel ouvert.
On retrouve la même problématique que les exploitations de gaz de schiste potentielles présentes sur le littoral.
Richesse annoncée incertaine pour une pollution avec certitude.
Le lithium pose un problème de conscience également, à de nombreux écologistes. Comment prôner la voiture électrique, tout en interdisant l’exploitation du lithium ?
Seule la recherche de nouvelles formes de stockage de l’énergie semblent viables aujourd’hui. Aux premières loges, l’hydrogène, une ressource virtuellement infinie et avec l’avantage de ne rejeter dans l’atmosphère que de la vapeur d’eau… Si des alternatives au lithium se confirment, on aura, encore une fois, détruit le paysage portugais pour rien.
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