dgs
dgs

Comprendre les nombres du Covid-19 au Portugal

Par , le


Nous avons la chance d’avoir, chaque jour, un bilan officiel de la pandémie. Mais les tableaux fournis ne sont pas forcément évidents à comprendre. On vous explique.

Le Portugal a, pour l’instant, la chance d’être moins impacté que ses voisins européens par le coronavirus. Certains félicitent le gouvernement, le respect du peuple portugais, d’autres admettent que les chiffres sont faux et qu’ils sont bien plus dramatiques.

Les données sont-elles réelles ?

Non, la plupart des données ne sont pas réelles. Mais attention, ce n’est pas une volonté des autorités de nous cacher la vérité. Il s’agit surtout de personnes qui n’ont pas été diagnostiquées, par manque de tests.

Les tests ne sont pas encore généralisés. Par manque de moyens pour l’instant. Ce n’est pas simple de tester 10 millions de personnes ! Surtout que pour bien faire, il faudrait tester tous les 15 jours les personnes qui n’ont pas encore eu le coronavirus…

Nous n’avons donc pas les chiffres réels des personnes contaminées. Mais nous avons des chiffres bien réels, parce que facilement quantifiables : le nombre de personnes en soins intensifs, le nombre de personnes décédées. Et ce sont ces chiffres-là qui nous permettent de dire qu’aujourd’hui, le Portugal est moins impacté que ses voisins européens.

La Direction Générale de la Santé (DGS)

Cet organisme existe depuis 1899. Oui, vous avez bien lu, plus d’un siècle. Sa mission est très claire :

Réglementer, orienter et coordonner les activités de promotion de la santé et de prévention de la maladie, définir les conditions techniques pour la prestation adéquate de soins de santé, planifier et programmer la politique nationale pour la qualité dans le système de santé, tout comme assurer l’élaboration et l’exécution du Plan National de Santé et, encore, la coordination des relations internationales du Ministère de la Santé.

Graça Freitas
Graça Freitas, médecin, est à la tête de la DGS. Inutile de lui taper dessus, malgré quelques couacs, la DGS rempli à l’heure actuelle sa fonction.

La DGS est donc l’institution majeure au Portugal pour lutter contre le Covid-19. Mais ce n’est pas elle qui a les budgets ou les moyens d’améliorer les hôpitaux ou d’obliger les gens à rester chez eux.

Le site de la DGS sur le Covid-19

La DGS fournit, par le biais de son site, des données mises à jour quotidiennement. Ce sont des données globales, mais qui nous permettent tout de même d’avoir une vision de l’évolution de l’épidémie au Portugal, au global et par « concelho ».

dgs, tableau général
Pour accéder aux nombres plus précis, il faut cliquer sur les différents onglets de chaque tableau.

Il existe trois nombres à regarder attentivement, chaque jour : le nombre de nouveaux contaminés du jour, les décès, et le nombre de personnes en soins intensifs.

Nouveaux contaminés

Cette donnée, nous le savons, n’est pas à 100% réelle. Il s’agit des personnes qui ont été testées positivement au Covid-19. Elle ne prend donc pas en compte toutes celles qui n’ont pas été diagnostiquées.

Il n’empêche qu’elle permet de voir l’évolution de la maladie, dans les grandes lignes, au Portugal.

dgs nombre de nouveaux contaminés
Après une frayeur le 10 avril, les nouveaux cas sont en baisse le jour suivant. Mais il ne faut pas trop regarder au jour le jour, les données pouvant parfois avoir du retard dans leur prise en compte.

Au 11 avril 2020, nous pouvons observer que le nombre de nouveaux cas semble se stabiliser.

Décès par coronavirus

Ce sont les nombres les plus tristes à surveiller. Ils sont importants, parce qu’il est difficile de travestir cette réalité.

dgs nombre de morts
L’échelle choisie sur le tableau du 11 avril ne permet pas trop de se rendre compte de l’évolution de décès.

Je ne sais pas si nous avons ici un cas typique de vouloir « enjoliver » les nombres, mais ce tableau ne permet plus comme il y a quelques jours d’avoir une échelle qui s’adapte au nombre de cas.

Sur ce tableau du 9 avril, on avait une bien meilleure vision de l’évolution du nombre de décès.

Le site de la DGS évolue presque chaque jour, c’est curieux cette perte de fonctionnalité.

Nombre de personnes en soins intensifs

C’est sans doute la donnée que le gouvernement scrute le plus attentivement. Si nous sommes tous confinés, c’est pour qu’il n’y aie pas de surcharge des services hospitaliers.

Les soins intensifs sont représentés sur le graphique de la DGS par le sigle UCI, Unidade de Cuidados Intensivos. Ce sont eux qu’il ne faut pas surcharger. Ce sont ces unités qui sont (ou devraient être…) équipées de respirateurs et de tout le nécessaire pour sauver des vies.

Au 11 avril 2020, il semblerait que les nombres soient stables, nous sommes encore, heureusement, très loin de la rupture. En étant cyniques, nous pourrions dire que les personnes qui décèdent libèrent des places…

personnes hospitalisées
Sur le graphique des personnes hospitalisées, nous pouvons observer depuis le début du mois d’avril des nombres stables, que ce soit pour la globalité des hospitalisés ou pour ceux en soins intensifs. Pour combien de temps ?

Le Portugal a un déficit chronique de places en soins intensifs. Les différents rapports envoyés au gouvernement le dénonçaient, inlassablement. Mais il ne s’agissait pas de prévenir une éventuelle épidémie. C’était le vieillissement de la population, et l’augmentation prévisible des besoins de soins intensifs.

Il ne s’agit pas seulement d’avoir des équipements. Il faut également les professionnels formés, capables de gérer ces besoins très particuliers que sont les soins intensifs. Nul doute que le coronavirus va permettre au pays de s’équiper en conformité avec les réels besoins du pays.

Un réflexe de ce changement : l’hôpital de Santa Maria de Lisbonne quadruple ses lits disponibles en soins intensifs pendant le confinement.

Augmentation du nombre de tests

Attention : il existe deux types de tests.

  • test pour savoir si vous avez le Covid-19
  • test pour savoir si vous l’avez déjà eu (et donc potentiellement immunisé).

C’est le premier test qui est mis en place. Le tour du deuxième test sera fait un peu plus tard…

test du covid-19

C’est peut-être l’une des solutions pour sortir de cette crise sanitaire sans précédents. Tester, tester, et encore tester. Mais le pays a, malheureusement, quelques soucis d’approvisionnement du matériel nécessaire, mais est en phase rapide de progression. Les commandes de tests se comptent désormais en millions.

Les tests intensifs permettent de confiner les personnes porteuses du Covid-19, mais qui n’ont pas encode de symptômes par exemple. Nous en sommes encore loin, par manque de tests. De plus, il faudrait idéalement tester tous les 15 jours les personnes qui n’ont pas encore eu le Covid-19… ce qui nous éloigne encore plus de l’objectif d’un test global de la population.

Test d’immunité

Nous avons vu plus haut qu’il y a deux tests. Le plus intéressant, celui qui indique la présence d’anticorps, ne devrait débuter qu’au mois de mai. En principe, le Portugal pourrait adopter une stratégie similaire à ce qui est envisagé en Allemagne. Les personnes qui sont immunisées pourraient être déconfinées.

Si le test « d’immunité » est fait dans un deuxième temps, c’est uniquement pour qu’il soit véritablement utile et qu’il ne représente pas un gaspillage d’argent (nous parlons de 40 euros au minimum par test). Et on peut le comprendre, il ne sert à rien de tester massivement la population si l’écrasante majorité n’est pas encore immunisée…

D’autant plus que ce test d’anticorps n’a rien de définitif face à un virus qui peut muter, où de plus en plus nous avons des récits de personnes guéries qui rechutent…

Tout ceci est à prendre au conditionnel. L’objectif ultime étant bien que la plupart de la population développe une immunité au Covid-19. Nous pourrons le faire en contractant la maladie, ou bien avec un éventuel vaccin.

Sortie de crise ?

C’est une question très difficile à répondre, surtout au vu des données. Nous avons vu que pour envisager un déconfinement, il faudrait un nombre suffisant de personnes immunisées.

Mais nous ne savons même pas si ces personnes immunisées pourraient résister à une mutation du Covid-19 !

Allons-nous vers un monde où nous devrons nous tester tous les 15 jours, pour savoir si nous pouvons continuer notre vie normale ou pas ? C’est la solution, afin de ne confiner que les personnes qui sont malades, et ne pas paralyser l’économie. De plus, même si on parvient à éradiquer le coronavirus au Portugal, un malade étranger peut parfaitement contaminer un portugais…

Seule une solution absolument globale, en prenant en compte tous les pays nous permettra réellement sortir de crise. Aujourd’hui, dans un monde où les pays « volent » les livraisons de masques d’autres pays, la solution globale semble une utopie…

En attendant, portez un masque, maintenant que les autorités ont enfin admis que c’était important, et lavez-vous les mains !


A lire aussi

×