Quelque part au fin fond du Portugal, il existe un petite commune d’à peine 2700 âmes, un peu à l’écart du grand axe de développement situé entre les deux villes principales du pays, Lisbonne et Porto. Le village principal, pourtant situé juste à quelques kilomètres de Pombal, une importante ville du centre du pays, à mi-chemin entre Porto et Lisbonne, paraît perdu dans la campagne profonde.
Mais en quelques rues, en quelques bâtiments, c’est toute l’histoire du pays qui y est retracée, de sa fondation à l’histoire récente…
Sommaire
Promenade à Abiul
Une petite demi-heure sépare le village de mes parents du village d’Abiul. Mais lorsque le village familial est en pleine expansion économique, Abiul se vide de ses habitants. Il arrive à Abiul ce qui arrive à toutes les villes et villages qui n’ont pas la chance de se trouver directement sur l’axe Lisbonne-Porto : si on n’est pas sur le littoral, pas de développement. Pour Abiul, ce n’est pas forcément un mal, le village étant relativement épargné de la spéculation immobilière, des constructions anarchiques ou des dégradations industrielles.
Quand on arrive à Abiul, on peut profiter du calme, des rues propres et des façades immaculées des constructions parfois plusieurs fois centenaires. Je parle un peu comme si Abiul était complètement à l’écart, mais ce n’est pas le cas, Pombal n’étant qu’à dix minutes ! Abiul est, sur le papier, un excellent endroit où vivre, rempli d’histoire et de beaux paysages. Ceux qui y vivent choisissent plutôt les belles maisons individuelles, éparpillées un peu partout sur la commune. Pour vous donner une idée : en janvier 2014, une immense maison individuelle en très bon état de 280m² sur 2000m² de terrain se vendait 160 000 euros…
Mais si vous comptez vous installer à Abiul, il faut aimer les corridas. Pas des corridas à l’espagnole où l’on met le taureau à mort, non ! On parle de corridas à la portugaise, où le « toureiro » est à cheval, et les « forcados » prennent le taureau par les cornes, littéralement. Il se trouve qu’en effet, Abiul a une très forte tradition tauromachique, avec la plus ancienne « praça de touros » du pays. Les arènes d’Abiul sont ainsi un passage obligé en été de tous les aficionados de la région.
Histoire d’Abiul
Les plus anciennes références à Abiul datent de la période wisigothique, entre la fin de l’Empire Romain au Vème siècle et l’arrivée des musulmans au VIIIème siècle. On peut encore voir quelques vestiges wisigothiques de « Villa Abioude » comme elle était connue à l’époque sur les linteaux des portes latérales de l’église principale du village. Le nom de « Abioude », puis d’Abiud au Moyen-Âge semble provenir du personnage biblique Abioud, un des ancêtres de Jésus.
Son entrée dans l’Histoire du Portugal se fait en même temps que la fondation du pays. C’est Afonso Henriques lui-même, premier roi du Portugal, qui attribua en 1167 à Diogo Peariz et son épouse Examena pour le village d’Abiud un « for ». Le for, ou « foral » en portugais, est un document qui délimite un territoire et ses privilèges. Il s’agit tout simplement du document fondateur d’une municipalité, lui permettant d’attirer des colons venus repeupler le pays après la déroute infligée aux musulmans lors de la Reconquête.
Examena attribue le nom d’Abiul au village, phonétiquement proche d’Abiud, en l’honneur du patriarche biblique. Lorsque le couple mourut, sans descendance, le village retourna sous le giron direct du roi Afonso Henriques, qui décida alors en 1175 de le léguer au monastère de Lorvão. C’est au milieu du XIIIème siècle que le village devient la propriété de la famille d’André Sousa Coutinho, puis à sa mort, de la « Maison d’Aveiro ». Sous la houlette des Ducs d’Aveiro, Abiul prend de plus en plus d’importance. Le 14 juillet 1515, le roi Manuel Ier concède un nouveau for à Abiul. Le siècle suivant, en plus des églises ou de l’hôpital, on construit des arènes, celles qui sont aujourd’hui les plus anciennes du pays.
Corridas et Abiul
La population a toujours été très attachée à ses corridas. Rien ni personne n’a jamais pu retirer cette ferveur pour la « festa brava » au gens d’Abiul. Lorsqu’en 1766, l’évêque de Coimbra voulu interdire les corridas en les excommuniant le jour de la fête de « Nossa Senhora das Neves », Notre-Dame des Neiges, la sainte patronne d’Abiul. Il faudra toute l’autorité du roi lui-même pour rétablir les corridas, qui depuis lors n’ont cessé d’avoir lieu.
Encore aujourd’hui, les corridas d’Abiul sont très réputées dans le petit monde de la tauromachie portugaise. On vient de loin pour voir les chevaux, les taureaux et les toréadors. Les arènes occupent une place centrale au sein d’Abiul, sur une des hauteurs du village. On sent que ce grand édifice, qui détonnerait presque au sein d’une si petite collectivité, est la fierté des gens d’Abiul. Ce n’est plus l’édifice originel, démoli en 1951. Les corridas y eurent lieu jusqu’en 1898, date à laquelle furent inaugurées les nouvelles arènes, que nous pouvons toujours voir de nos jours.
Déclin d’Abiul
Abiul commencera à perdre de son importance à la fin du XVIIIème siècle, lorsqu’un attentat aura lieu contre le roi Dom José. L’une des personnalités impliquées dans l’affaire était José de Mascarenhas, duc d’Aveiro. Condamné à mort, tous ses biens seront saisis par la couronne portugaise, parmi lesquels, Abiul, qui sera vendu aux enchères. Abiul ne retrouvera plus jamais son importance d’autrefois.
Invasions Napoléoniennes
Lorsque les français envahirent le pays pour empêcher les portugais de transgresser le blocus imposé par Napoléon au Royaume-Uni, l’un des points de passage était la région d’Abiul. Les maladies apportées par la technique de la terre brûlée des armées anglaises et portugaises opposées aux soldats napoléoniens finirent d’achever Abiul, qui perdra ses privilèges de municipalité en 1821. Les destins d’Abiul sont désormais liés à ceux de Pombal.
Témoins du passé
De cette époque révolue subsiste des ruines, qui peuvent nous sembler surréalistes à un tel endroit si on ignore le passé d’Abiul. Que viennent faire un arc de style manuélin ou des vestiges de plusieurs palais au fin fond de la campagne portugaise ? Partout où l’on se promène, nous sentons que ce village a un vécu, à une Histoire qui ne demande qu’à être découverte.
Il suffit d’évoquer l’ancienne tradition de rentrer dans le four municipal encore chaud, un œillet à la bouche, pour en sortir un gâteau. Cette tradition remonte aux lointaines années de 1561 et 1562, lorsque la région fut dévastée par la peste. Cette « cérémonie » était un moyen pour les habitants d’Abiul de conjurer le sort, et perdurera jusqu’en 1913.
Abiul aujourd’hui
La « saudade », maladroitement traduite en français par « nostalgie » a ici toute sa signification, avec ces temps révolus d’une période dorée. Mais ce passé prestigieux n’empêche pas de regarder le futur, et de continuer à développer le village. En témoignent ici et là de nouvelles constructions, comme l’école ou la mairie, résolument modernes. Il faut vivre avec son temps, comme on dit, et Abiul possède de nombreux atouts qui lui permettraient de revenir au premier plan des villages où il fait bon vivre.
Photos d’Abiul
Infos Utiles
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