Les portugais habitant à l'étranger ont toujours été considérés comme étant des citoyens de seconde zone. Jusque dans leur droit de vote. Éloignés du pays, ils ont du mal à se faire entendre.
Loin des yeux, loin du coeur
Au Portugal, les émigrés sont loin. Loin des politiques, loin des préoccupations quotidiennes. Ils ne sont en effet pas directement concernés par la gestion du pays au jour le jour.
Sommaire
Ce ne sont pas vraiment eux qui vont souffrir du manque de maternités ou profiter de meilleures écoles. Il n’empêche, les portugais de l’étranger restent très attachés à leur pays d’origine. Mais c’est un attachement qui n’est pas forcément politique.
Le désintéressement des émigrés de longue durée pour les élections ne date pas d’hier, mais l’éloignement n’explique pas tout. Du côté du Portugal et de ses gouvernements successifs, on a aussi tendance à ignorer les émigrés.
Relégués par les autorités portugaises à une citoyenneté « au rabais », les émigrés sont découragés d’exercer leur droit de vote.
Il se disent, peut-être justement : à quoi bon voter ? De toute façon, mon vote compte pour du beurre !
La réalité des portugais de l’étranger est tout simplement ignorée par les autorités locales. Pour ne citer qu’un exemple, il n’y a pas de véritable école portugaise en région parisienne. C’est une réclamation datant de Mathusalem, mais qui n’a jamais eu d’écho. L’autre réclamation, emblématique : le vote électronique, qui permettrait à tous ou presque de voter.
Il faut dire en toute vérité que les émigrés ne demandent pratiquement jamais rien. Ils sont partis du Portugal, parce que justement leur pays ne pouvait rien pour eux. Habitués à ne rien réclamer, ils ont préféré agir par leurs propres moyens plutôt que d’attendre qu’un jour, peut-être, ça tombe tout cuit dans leur bouche.
La difficulté du vote
Les portugais de l’étranger peuvent voter aux grandes élections nationales : législatives, présidentielles et européennes.
A l’étranger, deux modes de scrutin existent. Soit on vote par correspondance, soit on vote au consulat le plus proche. S’il s’agit des élections présidentielles, le vote est exclusivement réalisé au bureau de vote physique, généralement le consulat. Pas de vote par correspondance.
Pour les législatives, pour choisir entre la correspondance ou le vote au consulat, il faut au préalable indiquer sa préférence à la « comissão recenseadora » de sa région, souvent le consulat.
Sans choix, c’est le vote par correspondance qui sera la solution par défaut.
Le vote par procuration n’existe pas au Portugal.
Pour s’inscrire sur les listes électorales en revanche, rien de plus simple pour ceux qui ont un « Cartão de Cidadão » avec leur adresse étrangère à jour. Ils sont automatiquement inscrits.
Cette automatisation a ainsi permis de gonfler les chiffres des portugais inscrits sur les listes électorales de l’étranger, passant de 300 000 électeurs à 1,4 millions ! Mais cette augmentation conséquente du nombre d’électeurs inscrits est amère. Le nombre de députés élus par les portugais de l’étranger reste inchangé : 4. 2 pour les portugais habitant eu Europe, 2 pour les autres.
Faites vos calculs : 4 députés pour 1,4 millions d’électeurs à l’étranger, et 226 députés pour les 9,3 millions d’électeurs au Portugal. Les portugais de l’étranger, comme ils le ressentent fort justement, comptent pour du beurre.
Cette réalité est peut-être encore la plus grande responsable du désintéressement des émigrés envers la politique portugaise. Malgré la croissance exponentielle du nombre d’inscrits, le taux d’abstention a augmenté légèrement, se rapprochant presque des 90% !
La galère du vote par correspondance
Pourtant, le vote par correspondance est soit-disant simplifié au maximum. L’électeur reçoit à son domicile le courrier lui permettant de voter. Il remet son bulletin dans l’enveloppe, qu’il renvoie. Rien de plus simple a priori.
Mais en pratique, c’est une toute autre affaire, les dernières élections législatives de 2019 l’ayant démontré encore une fois.
- des consulats n’avaient pas assez de bulletins
- de nombreux électeurs par correspondance n’ont jamais reçu de courrier
- les votes de certains ne sont jamais parvenu à destination
- d’autres encore se sont trompés en votant. 22% de votes nuls !
Pourquoi une telle proportion de votes nuls ? Parce qu’en 2019, la solution envisagée pour le vote par correspondance n’était ni intuitive, ni pratique. La lettre informative qui accompagnait le bulletin servait également d’enveloppe. Cette solution, trouvée pour faire quelques économies sur le papier, a été un réel fiasco.
Il faut savoir que le vote par correspondance a toujours été malmené par les autorités portugaises. Il fut un temps où il avait même été révoqué, seuls les votes « présentiels » au bureau de vote (consulat) étant possibles.
On pose la question : pourquoi peut-on voter par correspondance pour les législatives, et pas pour les présidentielles ?
Aujourd’hui, on invoque des raisons de « sécurité » pour ne pas mettre en place un vote électronique. Cette sécurité n’est plus mise en avant lorsque les services postaux d’un pays perdent les bulletins de vote…
Un dernier détail, lourd de symbolisme : alors que le vote des portugais de l’étranger n’est pas encore dépouillé, les résultats électoraux sont déjà connus.
Il y a en effet des millions de votes à dépouiller, pour n’élire que 4 députés. Les résultats sont ainsi très longs à être communiqués !
Pourquoi tant de réticences envers le vote des portugais de l’étranger ?
La politique au Portugal, c’est presque comme le foot. Pour beaucoup, on vote pour son parti comme d’autres vont au match de leur club. Même s’ils agissent contre leurs intérêts.
Au début de la démocratie, les responsables politiques allaient de village en village « enseigner » à voter correctement auprès d’une population souvent analphabète. Dans mon village, c’étaient des militants du PSD. Aujourd’hui encore, ils votent à 80% pour le « parti des cheminées », sans véritablement savoir ce que cela signifie en termes de politiques, parfois contraires à leurs intérêts individuels.
Ceux qui sont partis il y a 20, 30 ou 40 ans sont parfois accusés d’être restés à cette vision « éduquée » d’autrefois. Éloignés de la politique actuelle, ils ne pouvaient pas voter en toute connaissance de cause. Cette raison, discutable au minimum, fut souvent évoquée pour expliquer pourquoi les portugais de l’étranger étaient considérés comme étant des citoyens au rabais.
Aujourd’hui, cela change, les jeunes générations étant bien mieux informées qu’autrefois. Notre monde hyper connecté rend possible l’accès universel à l’information du Portugal, où que l’on se trouve. Il n’y a donc plus aucune excuse.
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