Très nombreux, ils comptaient énormément pour le Portugal, son économie, sa culture, ses finances. Ils ont été en grande partie les artisans du succès des Grandes Découvertes portugaises.
Mais seulement voilà. L’Espagne voisine voulait unifier son territoire, morcelé en plusieurs régions, plusieurs ethnies. Désormais, tout le monde devait être catholique. Conversion, ou expulsion.
Sommaire
Le Portugal va en profiter : les Juifs Espagnols vont s’aditionner aux Juifs Portugais. En cette fin de XVe siècle, on estime que 20% de la population portugaise était juive.
Une ambition : unir le Portugal à l’Espagne
Mais le roi du Portugal, soucieux d’un jour s’allier à la couronne d’Espagne, accepta une condition pour qu’il puisse se marier avec la princesse héritière du trône espagnol : expulser les Juifs et les Musulmans (ou les obliger à se convertir).
Le roi Manuel Ier n’était pas fou : il savait l’importance des Juifs pour son royaume. Il n’était pas pressé de les expulser, en arguant qu’il pouvait bien attendre qu’ils se convertissent.
Si les Musulmans se convertissent assez rapidement, ceux ayant quitté le Portugal étant finalement peu nombreux, il n’en va pas de même pour les Juifs.
Certains se convertissent sincèrement, d’autres non (les « crypto-juifs », qui ont vécu leur Foi de façon cachée), et d’autres partent. De ceux qui sont restés, qui se sont convertis, beaucoup furent tout de même persécutés : la confiance n’était pas là. C’est le cas de la famille de Garcia de Orta, un de nos plus grands scientifiques. Si lui n’a jamais rien souffert, de par son prestige et les grands services qu’il a rendu à la Nation, sa famille, dès qu’il décéda, souffrira des poursuites de l’Inquisition.

Autant dire que le mouvement d’exode des Juifs Portugais, même ceux qui s’étaient convertis, ne fera que s’amplifier tout au long des XVIe et XVIIe siècles.
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Que sont devenus les Juifs qui sont partis ?
Pour beaucoup, c’était un départ, certes, mais avec toujours le secret espoir de revenir chez eux, au Portugal. Pour un Séfarade, avant « l’invention » du Sionisme, la Terre où ils devaient revenir, c’était le Portugal ou l’Espagne.
Traditionnellement, ils conservaient les clés de leur maison portugaise, qu’ils se transmettaient de génération en génération, dans l’espoir d’à nouveau pouvoir l’utiliser.
Certains descendants vont d’ailleurs sortir de vieilles clés de leurs placards, pour justifier de leurs ancêtres portugais au moment de demander la nationalité portugaise à notre époque.
Les Juifs Portugais avaient plusieurs destinations possibles pour se réfugier.
Le Maroc
Pour beaucoup, la solution de la facilité, de la proximité, était de partir au Maroc. Contrairement aux Ibériques, le royaume musulman était accueillant envers les Juifs. Ils n’avaient qu’à payer la taxe spéciale « non musulman », la même qu’ils payaient de toute façon en tant que « non chrétien » en Espagne ou au Portugal.
Les Pays-Bas
Certains choisirent les Pays-Bas, terre d’accueil et de liberté. Là, ils pouvaient suivre pleinement leur religion. C’est peut-être ici que la plupart de « nos » Juifs sont partis. Spinosa, le célèbre philosophe, était fils de parents Juifs portugais.
L’Empire Ottoman
D’autres encore vont choisir l’empire Ottoman, la Turquie.
Que ce soit le royaume marocain, l’empire Ottoman ou les Pays-Bas, tous étaient des ennemis de l’Espagne et du Portugal.
Le Brésil
Certains Juifs Portugais, peut-être plus patriotes et attachés à leurs racines portugaises, décidèrent de partir au Brésil. Là-bas, l’Inquisition était beaucoup moins présente.
La France
Finalement, la France fut aussi une destination pour les Juifs Portugais, surtout autour de Bordeaux. Pierre Mendès France, ou avant lui les frères Pereire en sont les plus illustres descendants.
Et aujourd’hui ?
Beaucoup de Juifs, après le cataclysme de la seconde guerre mondiale et la Shoah, ne pouvaient plus se sentir en sécurité dans leurs patries. De « bons Juifs » allemands, patriotes, qui avaient combattu dans l’armée de leur pays, furent considérés comme étant des sous-hommes à effacer de l’Histoire.
Dans de telles conditions, la création d’un état Juif, où ils pouvaient se sentir en sécurité, semblait une bonne idée. Pourquoi pas en Palestine, sur les cendres de ce qu’il restait de l’Empire Ottoman, traditionnellement une terre d’accueil pour eux.
C’était encore plus facile en sachant que la Palestine était sous protectorat britannique.
Si le mouvement sioniste fut surtout l’oeuvre de Juifs Ashkénazes, premières victimes des atrocités nazies en Allemagne ou en Pologne, beaucoup de Séfarades les rejoindront en Israël pour fonder ce nouvel état.
La politique de ce nouvel état sera dominée par les Ashkénazes, majoritaires. En face, les Séfarades, à qui on assimilera de plus en plus d’autres Juifs non ashkénazes : les Romaniotes au premier chef (ceux qui vivaient dans ce qui était l’empire Byzantin), mais également les Mizrahis (ceux de l’empire Perse, d’Egypte ou du Moyen Orient en général).
En Israël, les Ashkénazes finiront par définir « Séfarade » comme tout ce qui n’était pas ashkénaze, brouillant ainsi un peu les pistes.
Au Portugal, la définition est claire : seuls les descendants de Juifs Espagnols ou Portugais sont Séfarades (et peuvent donc demander la nationalité portugaise).
Autrefois, les Séfarades étaient plutôt liés au Parti Travailliste (centre gauche), plus tolérants envers les non-Juifs que leurs coreligionnaires ashkénazes, plutôt considérés à droite.
Le temps est ce qu’il est, et cette association politique à une ethnie n’est plus vraie au XXIe siècle, mais une chose est sûre : aucun premier-ministre israélien, celui qui détient le pouvoir (contrairement au président) n’a été séfarade. Zéro, alors qu’ils comptent, selon les dernières estimations, pour moitié de la population juive d’Israël.
La différence ?
Lorsque les Séfarades et Mizrahis viennent maintenant surtout du Maghreb, de l’ancien empire Ottoman ou d’Iran, les Ashkénazes, eux, viennent surtout d’Allemagne et d’Europe en général.
« Nos » Juifs sont ainsi, encore une fois, relégués au second plan, même dans celui qui est supposé être leur pays.
Pas étonnant qu’ils soient si nombreux à vouloir un passeport portugais. Il ne s’agit pas forcément pour eux de venir au Portugal, mais surtout d’avoir une éventuelle porte de sortie au cas où Israël devienne invivable.
Sans, pour ma part, vouloir leur donner derechef la nationalité portugaise, je suis très favorable à leur venue au Portugal, qui j’espère saura être à jamais une terre d’acceuil pour qui cherche une meilleure vie.
Pour qu’ils deviennent portugais, ils doivent passer, comme pour les autres nationalités, par les conditions légales pour le devenir : habiter, parler.
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