Pimba
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La Pimba, la musique des fêtes portugaises

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La pimba, c'est génial ! C'est le genre de musique que l'on déteste quand on est sobre et qu'on apprécie de plus en plus au fur et à mesure que les bouteilles se vident. De là à dire que c'est une musique d'ivrogne, il n'y a qu'un pas.


Une musique de beaufs ?

Imaginez que vous êtes tranquillement à votre bureau en train de travailler ou tranquillement allongé sur votre canapé en train de vous détendre. Vous êtes en train d’écouter les lamentations d’une chanteuse de fado pleurant toutes les larmes de son corps pour un amour déchu, et là… le voisin met de la Pimba à fond.

Ce n’est pas possible ! En général, ça ne se passera pas très bien, ce genre de décalage musical. On insulte le voisin qui nous a littéralement agressé avec sa musique. Pour beaucoup, le voisin écoute le pire de ce que nous avons en termes de musique au Portugal.

Au Portugal, la Pimba, c’est une musique pour décérébrés, pour beaufs, pour ceux qui n’ont absolument aucun goût ni finesse.

Oui, c’est ce qu’on dit dans certains milieux qui se pensent intellectuels.

Une musique pour faire la fête

Imaginez maintenant que vous êtes avec des amis à une fête de village, en train de vous amuser. Vous avez vidé plusieurs Super Bocks, le dîner était copieux, et tout ce dont vous avez envie c’est de vous détendre avec vos potes, après une semaine de travail pourrie.

Et là, quelqu’un met du fado bien larmoyant…

Clairement, le DJ a plombé l’ambiance. On va, par respect pour cette belle musique, qu’on mettrait bien à l’enterrement de notre grand-mère, ne rien dire. Mais on risque de partir de la fête en pleurant. La semaine de boulot qui s’annonce risque d’être encore plus pourrie que celle qui s’était terminée…

Des personnes à table, dehors
C’est à ce genre de fête populaire que la pimba est le plus adaptée

Musique légère

Vous l’avez compris, la Pimba, c’est avant tout une histoire de contexte. Avant la Pimba, il y a la musique légère, une musique qui s’est principalement développée après la Révolution d’avril 1974. Une musique qui est là avant tout pour divertir, musique légère parce qu’elle n’est pas prise de tête. C’est une musique qui est aux antipodes du fado.

La musique légère, celle qu’on écoute aujourd’hui, qu’on appelle pimba, est née en contrepoids de tout ce fado qui est traditionnellement sérieux. Contrepoids qui nous permet de nous alléger la tête et l’esprit, loin du sérieux de la fatalité typique de la mentalité portugaise.

Le Portugal des années 1980 avait un furieux besoin de s’amuser, de se divertir, de profiter de sa liberté nouvelle. On n’appelait pas encore ces musiques-là de pimba. C’étaient des musiques divertissantes et entraînantes, avec des paroles très faciles à retenir.

Nel Monteiro
Nel Monteiro, chantant au Preço Certo son célèbre tube Azar na Praia des années 1980. Cette musique a tellement fait de voyages avec ma famille dans la voiture entre la France et le Portugal !

Des chanteurs de talent

Nous sommes au Portugal, il ne faut pas oublier que les Portugais ont un puits sans fond de talents musicaux. Même les chanteuses de musique légère chantent très bien, y compris les chanteuses de pimba.

Bien sûr, il y a toujours quelques exceptions, que nous verrons plus loin.

Ágata, une des reines de la pimba, chante très bien. Versatile, elle chante également du fado, n’ayant rien à envier aux grandes chanteuses du genre.

Pourquoi chante-t-elle alors de la pimba ? Sans doute parce qu’elle préfère plaire au plus grand nombre avec de la musique légère…

Emanuel, « l’inventeur » de la pimba

Emanuel est un chanteur qui a une formation musicale classique, prof de musique pendant de nombreuses années. Lorsqu’il composa sa musique « Pimba, pimba » en 1995, il ne savait pas qu’il allait révolutionner la terminologie de la musique légère portugaise.

La chanson fut un tel succès que son nom est devenu synonyme de ce style de musique !

Vu ce qu’il chante, vu les paroles de ses chansons, on pourrait avoir tendance à le sous-estimer.

Emanuel
Emanuel, roi de la pimba

Les paroles d’une chanson pimba

Ce sont souvent des musiques qui ont un double sens. Au premier degré, il s’agit de chansons bien innocentes, mais avec un peu d’ironie, de second degré et d’humour, on peut comprendre ce dont on a bien envie.

Si on écoute attentivement les paroles de la chanson « A garagem da vizinha » (le garage de la voisine) de Quim Barreiros, on comprend vite pourquoi les Portugais sont dotés d’un second degré assez développé.

Voici quelques paroles de la chanson, traduites en français :

Lá na rua onde eu moro, conheci uma vizinha
Dans la rue où j’habite, j’ai connu une voisine

Separada do marido está morando sozinha
Séparée du mari elle habite seule

Além dela ser bonita é um poço de bondade
En plus d’être jolie c’est un puits de bonté

Vendo meu carro na chuva ofereceu sua garagem
Voyant ma voiture sous la pluie elle m’a offert son garage

Ela disse, ninguém usa desde que ele me deixou
Elle a dit, personne ne s’en sert depuis qu’il m’a quittée

Dentro da minha garagem teias de aranha juntou
Dans mon garage il y a des toiles d’araignées

Põe teu carro aqui dentro, se não vai enferrujar
Mets ta voiture là-dedans, sinon elle va rouiller

A garagem é usada mas teu carro vai gostar
Le garage est usé mais ta voiture va aimer

Refrain :

Ponho o carro, tiro o carro, à hora que eu quiser
Je mets la voiture, je retire la voiture, à l’heure que je veux

Que garagem apertadinha, que doçura de mulher
Quel garage bien serré, quelle douceur de femme

Tiro cedo e ponho à noite, e às vezes à tardinha
Je retire tôt et je la mets la nuit, et quelquefois en soirée

Estava até mudando o óleo na garagem da vizinha
Je changeais même l’huile dans le garage de la voisine

Vous voyez, on pourrait très bien juste la prendre premier degré et se dire que oui, en effet, la voisine est très sympa de prêter son garage.

Ou alors… la voisine est vraiment très, très bonne amie avec notre ami Quim Barreiros !

Quim Barreiros
Quim Barreiros

Les étudiants et la pimba

Ce n’est pas un hasard si « l’élite culturelle » de la nation, c’est-à-dire nos étudiants universitaires, invite systématiquement Quim Barreiros et d’autres chanteurs de pimba à leurs grandes fêtes étudiantes.

Il n’y a rien de mieux pour faire la fête après avoir vu quelques Superbocks !

On n’écoute pas Ágata ou Ruth Marlène de la même façon qu’on peut écouter du death metal, du fado ou de la musique populaire anglo-saxonne. On ne s’amuse pas de la même façon avec ces styles de musique.

Affiche de la semaine académique de Coimbra
Comme presque partout dans les grandes fêtes étudiantes, Quim Barreiros est obligatoire.

Définition de pimba

La pimba est assez difficile à définir. À bien y penser, la définition la plus banale que l’on pourrait faire, c’est de dire que c’est de la « musique populaire low-cost », mais c’est réducteur :

  • Vous avez des chanteuses, comme Ágata, qui ont un style propre, un style assez romantique.
  • Vous avez Quim Barreiros, qui a des chansons grivoises joviales, mais avec un instrumental assez poussé.
  • Vous avez Emmanuel qui a des chansons dansantes.

Ou alors vous pouvez avoir d’autres musiciens qui ne sont pas forcément considérés comme étant de la pimba, mais de la « simple » musique populaire.

Mais où vous mettez la frontière ? Comment faire la différence entre la musique d’un groupe comme les « Anjos », bien considérée par le grand public (et moi), et celle de Maria Leal, souvent l’objet de moqueries, tellement c’est (je trouve) mauvais ?

Peut-être que ce n’est qu’une histoire de qualité musicale ?

Pour moi, Maria Leal chante faux, elle est vulgaire visuellement, ça ne me plaît pas. Elle est juste ridicule, c’est une mauvaise Madonna de chez Wish. Tout ceci est très subjectif. Pour d’autres, Maria Leal est peut-être très chic et distinguée, allez savoir.

Maria Leal
Maria Leal, c’est le bling-bling de la Pimba, si c’était encore possible.

J’ai beau ne pas l’apprécier à froid, je me dis qu’avec des copains, un jour de fête et quelques verres, on sera bien content de l’avoir en concert pour que l’on puisse rigoler un coup.

Le cas José Cabra

Vous avez le paroxysme de la musique pimba, de ce genre-là précis de musique qui est nulle, mais qui amuse beaucoup, beaucoup de gens. C’est José Cabra. Il chante très, très faux. Au départ, c’était un type qui s’était enregistré en amateur, mais qui se prenait vraiment au sérieux. Il croyait vraiment qu’il chantait bien !

Alors oui, il est auteur, compositeur, interprète, mais ce que vous écoutez, c’est nul. C’est tellement nul, mais tellement nul que ça en est devenu culte ! Il a fait rire tout le Portugal.

Il a été invité à des émissions, à des concerts. Il a eu beaucoup de succès parce qu’on se fout littéralement de sa gueule, on se moque de lui. Mais lui, il s’en fiche. Pourquoi ? Parce qu’il a vendu des albums, il a fait des concerts, il a touché de l’argent.

Sachant ça, il a bien sûr surfé sur la vague et il a fait des concerts. Mais, la qualité musicale n’étant pas vraiment là, une fois que le soufflé était retombé, tout le monde a oublié José cabra.

Certains disent qu’il a fait un duo avec Maria Leal. Je ne vais vérifier l’information, on va laisser ça pour vous, ami lecteur. Si vous êtes curieux, allez voir. C’est presque une mission suicide pour vos oreilles, mais comme je l’ai écrit, avec une Super Bock, tout passe.

Paillettes et pimba

Il est très agréable de voir Ruth Marlène, avec ses habits super courts, en train de chanter des petites chansons agréables à écouter et agréables à voir.

Le fado d’aujourd’hui s’inspire en quelque sorte de la pimba, en quête de légèreté qui plaise. Nous avons par exemple Ana Moura qui chante des sujets plus joyeux qu’autrefois, et surtout, habillée à chaque nouvel album toujours un peu plus sexy…

Ana Moura, vue de dos
Voici le look de Ana Moura pour son dernier album, Casa Guilhermina. Qu’est-ce qui change fondamentalement du look d’une chanteuse de pimba ?

Ana Moura a beaucoup de bon goût, ce qu’elle fait a beaucoup de classe… mais pourquoi ça serait tellement mieux qu’une chanteuse de pimba ? Je laisse la question ouverte.

Certaines musiques populaires portugaises sont écoutables même au bureau. Je pense à Marco Paulo, et sa chanson « dois amores ». Il chante vraiment très bien, il n’y a rien à dire. Imaginez cette musique en anglais, ça vaut n’importe quel chanteur pop anglo-saxon !

Et que dire alors de Toy, qui est passé de pimba quasiment ringarde à tube de l’été ?

La musique des « emigrantes »

La pimba est toujours très populaire auprès de nos émigrés, en France, en Suisse ou au Luxembourg. Presque comme s’ils s’étaient arrêtés dans les années 1980. On dirait qu’ils n’écoutent pratiquement plus que ça. Et quand vous regardez une fête d’émigrés à Paris, à Champigny ou à Pontault-Combault, vous avez souvent les plus grandes stars de la musique Pimba qui sont invitées. C’est normal quelque part, vu que c’est de la musique de fête, c’est de la musique faite pour amuser les gens.

Ce qu’il y a de bien avec la musique, c’est qu’il y en a pour tous les goûts, et nous, on n’est pas obligé d’écouter toujours la même chose. Je vous le dis, c’est génial d’écouter Ruth Marlene pendant les soirées étudiantes ou les fêtes franco-portugaises ! Et c’est aussi génial d’écouter tranquillement du fado à la maison quand vous êtes en train de vous détendre sur votre canapé.

Et vous, quel est le genre de musique que vous préférez ?


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