Nous avons au Portugal de magnifiques stades. Trop magnifiques pour la taille du pays et de ses clubs! La maladie du foot rend déraisonnable.
Qui voyage au Portugal aura tôt fait de remarquer que le pays est fan et fou de foot. C’est un engouement populaire, où pratiquement tout le monde a un club « du cœur » parmi les « trois grands » (os três grandes), c’est-à-dire les trois plus gros clubs portugais : Sporting Clube de Portugal, Sport Lisboa e Benfica et Futebol Clube do Porto. D’ailleurs, si vous voulez savoir le mien, et ben… ce n’est pas l’un des deux clubs de la capitale :)
Sommaire
445 millions d’euros de l’Etat Portugais
Mais cet engouement a parfois des répercussions que l’ont pourrait qualifier de bizarres : 10 magnifiques stades ont été construits, pour accueillir l’euro 2004. Ok, le Portugal a obtenu 10 stades modernes. Mais est-ce qu’une telle compétition sportive devait provoquer un tel investissement de la part de l’Etat ? 445 millions d’euros ont directement été investis par l’Etat Portugais dans les 6 stades publics (les autres n’ayant pas eu besoin de l’Etat), ce qui ne représente qu’une partie du montant total investi dans la construction de ces enceintes sportives.
Aujourd’hui, tout en comme en 2004, il y a tellement d’autres choses qui auraient besoin d’investissement, tellement de monuments à récupérer, d’hôpitaux à moderniser, d’infrastructures à créer, tellement de promotion à faire… mais non, on se fait des stades comme si le Portugal était une France ou une Allemagne.
Invetsissement surdimensionné, vous l’aurez compris. Regardons le stade du Beira-Mar, club de Aveiro. La ville a 78 000 habitants. Le stade, lui, a 30 000 places, faisant de lui le 5ème plus grand stade du Portugal.
Le club a du mal à avoir 1500 supporters lors de ses matchs. Depuis 2004, le club n’a fait qu’une chose : descendre en enfer. Il est passé de club de première division à un club modeste du championnat régional! Pendant longtemps, il ne jouait même plus dans « son » stade, revenant sur l’ancien stade.
Aujourd’hui, en 2020, la municipalité investi lourdement dans de nouvelles installations sportives adjacentes. Mais soyons francs: il n’y en a pratiquement que pour le foot. Deux nouveaux terrains de football, et même des terrains pour le foot à 9 et à 7. Je ne vois dans le projet, pour changer du foot, qu’une nouvelle piscine municipale.
La ville avant le club
Il faut comprendre que le choix des nouveaux stades ne s’était pas vraiment fait par l’importance du club (seuls 3 clubs sont vraiment importants au Portugal), mais à l’importance de la ville. C’est ainsi que Leiria, Aveiro, ou la région de l’Algarve ont eu un stade, par exemple. Parce que ces régions sont importantes, et cela à permis de dynamiser le tourisme lors de l’euro 2004.
Dynamiser le tourisme, vraiment ? Si au moins le Portugal avait gagné son match contre la Grèce… (oui, c’était un match bizarre, cette finale).
L’autre question à soulever, c’est pourquoi tant d’importance donnée à certains architectes ? On ne me fera pas croire à moi qu’il n’existe que 3 ou 4 architectes au Portugal. Alors pourquoi Tomas Taveira (malgré de nombreux scandales sexuels le concernant) a pu concevoir pas moins de trois stades de l’euro 2004, sur les 10 ? Le stade de Aveiro (Estádio Municipal de Aveiro), du Sporting de Lisbonne (Alvalade XXI) et de Leiria (Estádio Dr. Magalhães Pessoa) sont de lui.
Ok, ils sont jolis, mais bon… un seul suffisait, non ? Cet euro 2004 aurait pu aussi être un moyen de faire marcher l’architecture portugaise, histoire de renouveler un peu cet aspect au Portugal (même si c’est un petit pays, trop souvent les mêmes noms reviennent).
La dépense continue…
On pourrait croire qu’une fois les stades finis, la dépense s’arrêterait là. Mais non en fait. Il y a les dépenses de manutention et d’entretien. Le stade de l’Algarve coûterait aux deux municipalités qui l’ont financé (Loulé et Faro) la somme de 1,7 millions d’euros par an. Il faut dire qu’une grosse partie de cette dépense correspond au remboursement de l’emprunt que les deux municipalités avaient fait pour construire le stade.
C’est un stade sous-utilisé. Il se situe effectivement dans une zone touristique de premier ordre, et je pense que la seule solution, c’est que le Farense devienne un club de premier ordre. Il faut dire, à sa défense, que beaucoup de clubs européens qui choisissent cette région du Portugal pour faire leurs stages d’été pourraient utiliser ce très joli stade.
Notez: il ne s’agit pas du stade « officiel » du Farense. Le club préfère jouer dans son vieux stade, le São Luís. En attendant, le stade de l’Algarve coûte 10 000 euros par jour aux municipalités qui le financent…
Très bons équipements sportifs
Ces stades sont des équipements sportifs de premier ordre, utilisés par beaucoup de citoyens de leurs villes respectives, mais qui sont parfois trop petites pour de tels investissements.
Rappellons nous des paroles du maire de Viseu à l’époque : « je devrais aller à Fatima à pied pour remercier la Vierge de ne pas avoir de stade dans ma ville« . Et il a raison, pour Viseu (qui est pourtant une grande ville), un tel stade serait une folie. Ces nouveaux stades sont également trop axés foot. Seul le stade de Leiria a été prévu dès le départ pour la pratique de l’athlétisme, par exemple. Heureusement qu’ils servent parfois à faire de grands concerts.
Les plus beaux stades sont finalement ceux des trois grands, qui étaient amplement justifiés : Alvalade XXI du Sporting, le nouveau stade da Luz (Estádio da Luz), du Benfica, et le stade du Dragon (Estádio do Dragão), du Fc Porto. Eux n’ont pas de problème à remplir leurs stades régulièrement avec leurs matchs. Eux seuls ont les 5 étoiles de l’UEFA pour un stade, ce qui veut dire qu’on peut y réaliser n’importe quel type de match d’une grande compétition de football.
La France n’avait qu’un seul stade 5 étoiles UEFA à l’époque de l’euro 2004, le Stade de France, vous réalisez mieux l’ampleur de la dépense portugaise en stades!
Bref, l’euro 2004 n’avait besoin que de 6 stades, pas de 10. Surtout qu’un très beau stade n’a même pas été utilisé, le Estádio Nacional do Jamor, et qui, rénové, aurait parfaitement pu servir (37 000 places actuellement). Ce stade, un investissement de Salazar, ne sert plus qu’aux finales de Coupe du Portugal, encore de l’argent jeté par les fenêtres.
Dix stades ont donc été construits :
- Estádio Algarve, 30 000 places, 4 étoiles de l’UEFA. Trois clubs y jouent : Farense, Louletano et Portimonense. Il est surtout utile comme espace de spectacles (concerts) pour l’Algarve, région touristique de première importance.
- Estádio Cidade de Coimbra, 30 000 places. C’est le stade de la troisième ville du pays, Coimbra, et de son club mythique, Académica. Il fut inauguré avec un concert des Rolling Stones, du jamais vu à Coimbra.
- Estádio Municipal de Braga, 30 000 places, stade du Sporting de Braga. Braga est une des villes les plus importantes du pays, et se devait d’avoir un grand stade. Il faut dire que le club est à la hauteur de la ville. Le stade est surnommé « a pedreira« , ce qui veut dire carrière, en Portugais, car le club a justement été fait dans une ancienne carrière. Cette particularité en fait l’un très joli stade, certains disent même que c’est le plus beau stade du monde. Merci à son architecte Souto Moura, ce stade est l’exemple de la récupération d’un ancien espace dégradé comme le pouvait être une carrière. C’est le plus cher de tous les stades : 140 millions d’euros!
- Estádio D. Afonso Henriques, à Guimarães. 30 000 places également, et stade du Vitoria de Guimarães. La légendaire rivalité existant entre les villes de Guimarães et de Braga se répercute également dans le football : ces deux villes ne sont distantes que de quelques dizaines de kilomètres. Fallait-il vraiment deux grands stades aussi proches ? Ne pouvaient-ils pas partager leur stade ? Ok pour les deux clubs de Lisbonne, mais là… et encore, à Lisbonne, ils auraient pu faire comme Milan : l’Inter et l’AC Milan partagent le même stade! Et moi je dis bravo (c’est le stade Giuseppe Meazza, habituellement appelé San Siro). Mais au Portugal, ça serait presque un crime que de parler de ça, dommage (hormis donc, l’exception de l’Algarve). C’est tout de même l’un des stades les moins chers, seulement 34 millions d’euros, une broutille.
- Estádio da Luz, à Lisbonne. 65 000 places, c’est le stade du plus grand club portugais (en termes de supporters), le Benfica, et c’est aussi celui qui a le plus de places du Portugal. A l’entrée, vous pouvez y voir la statue de leur plus mythique joueur, Eusébio Da Silva Ferreira, qui évoluait dans les années 60. Il a été construit sur les décombres de l’ancien stade du Benfica (comme par ailleurs pour une bonne partie des autres nouveaux stades).
- Estádio do Bessa Século XXI, à Porto. 30 000 places, c’est le stade du Boavista FC. Ce club, après le scandale du sifflet doré (corruption des arbitres entre autres), a plongé en D2. C’est sans doute l’un des stades les mieux conçus, commercialement parlant. On voit que le Boavista était un club fondé par des anglais, et qui a toujours eu des inspirations britanniques : ces gens là ne gaspillent pas leur argent au hasard. Le stade a donc été prévu pour abriter d’autres types de compétitions sportives, et est aussi une grosse galerie marchande.
- Estádio do Dragão, à Porto. 52 000 places, c’est le stade du Fc Porto, et, pour moi, c’est le plus beau ! Une œuvre d’Art. Il vient en remplacement de l’ancien Estádio das Antas, qui n’était décidément plus un stade à la hauteur d’un club si prestigieux et glorieux et beau et… ok j’arrête. Il a coûté 98 millions d’euros.
- Estádio Dr. Magalhães Pessoa, à Leiria. 30 000 places, encore un stade surdimensionné par rapport à la ville. Même si ma famille est originaire de la région de Leiria, je ne suis pas fou : je vois bien que même avec beaucoup de bonne volonté, jamais on ne remplira ce stade, seulement avec des matchs où viendrait l’un des trois Grands. Il faut dire aussi que les billets sont très chers, je n’ai jamais compris qui pouvait avoir les moyens de se payer une place pour voir un simple match de foot, alors qu’on peut l’avoir gratuit à la télé… mais tout de même, 83 millions d’euros, pour une ville de 62000 habitants (agglomération comprise). Si on divise le nombre d’habitants par l’investissement du stade, chaque habitant a déboursé… 1300 euros!
- Alvalade XXI, à Lisbonne. 50 000 places, c’est le stade du Sporting de Lisbonne. Très joli stade, très coloré, comme les deux autres stades conçus par l’architecte Tomas Taveira. Il a coûté 89 millions d’euros.
- Estádio Municipal de Aveiro. 30 000 places, c’est le stade du Beira-Mar. Encore un stade de trop…
Heureusement que ces stades vont servir pendant au moins 50 ans, si on divise leur coût par le nombre d’années, ça semble moins impactant. Comment, le TGV ? Oui oui, ça vient.
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