Lenço dos namorados
Lenço dos namorados

Lenços dos namorados, les mouchoirs des amoureux

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Fleurs printanières, oiseaux dansant, mots doux multicolores, la gaité des couleurs et des dessins qui ornent les lenços dos namorados, mouchoirs des amoureux, est devenue au fil du temps une véritable identité propre à la région du Minho.


Chloé, passionnée d’artisanat, est en train de vivre un périple au Portugal, du Nord au Sud, à la découverte d’un savoir-faire qu’on ne présente plus. Dans cet article, elle nous propose de découvrir, avec son regard de connaisseuse, les célèbres mouchoirs du Minho.

Lenços dos namorados, une tradition vivante ?

Par Chloé de La Fontaine

Dans cette région du nord du Portugal, les jeunes filles des siècles passés brodaient leur déclaration d’amour sur un mouchoir qu’elles offraient ensuite à leur amoureux. Ces décors joyeux, aujourd’hui déclinés sur divers supports, animent et colorent les vitrines des magasins de souvenirs de la région : assiettes sérigraphiées, tabliers et torchons brodés industriellement, nappes imprimées. En cherchant parmi ces articles touristiques, vous trouverez encore quelques authentiques pièces brodées à la main.

Lenço dos namorados
Lenço dos namorados. Source : Câmara Municipal de Vila Verde

Témoins d’une coutume locale qui a connu son essor au XIXème siècle, ces mouchoirs à usage décoratif ont avant tout une fonction d’ordre symbolique et poétique, liée à la « conquête » amoureuse.

Histoire d’une parade amoureuse

Les lenços dos namorados également appelés lenços dos pedidos, mouchoirs des souhaits, seraient apparus au Portugal au XVIIème ou XVIIIème siècle pour s’implanter plus particulièrement dans la région du Minho. Cette tradition viendrait des jeunes filles des classes populaires qui voulaient imiter les mouchoirs richement décorés de la noblesse.

Lenço dos namorados
Lenço dos namorados

À cette époque, lorsque les Minhotas étaient en âge de se marier, elles brodaient sur un mouchoir leurs sentiments pour le jeune homme qu’elles convoitaient. Puis, elles leur faisaient parvenir afin de révéler leur souhait de s’unir. Si l’attirance était réciproque, o amado, l’être aimé, l’utilisait en public et officialisait ainsi leur relation. Dans le cas contraire, il était rendu à la jeune fille… surement pour qu’elle puisse sécher ses larmes. Également, lors de leur engagement dans l’armée, les hommes recevaient un mouchoir et il arrivait qu’ils le confiaient à leur bien-aimée afin qu’elle le brode.

Dans les deux cas, ces objets étaient des possessions intimes et précieuses et, s’ils étaient agités sous le nez de tous pour faire part d’un engagement, il n’en reste pas moins qu’ils étaient précieusement gardés loin des regards curieux.

Amoureux du nord
Les amoureux

Exprimer sa sensibilité

De forme carrée, le mouchoir était fait à partir d’une pièce de lin que les foyers minhotos produisaient eux-mêmes artisanalement. Il pouvait également être en coton et provenir du marché.

Pièce unique – et on espère réalisée qu’une seule fois au cours d’une vie – les mouchoirs mettaient en valeur la fidélité, l’amour, le mariage ou encore l’amitié. Si certains symboles étaient récurrents, la jeune fille laissait avant tout libre cours à son imagination. Les dessins étaient pour la plupart inspirés de la nature : fleurs, papillons, oiseaux, feuilles, etc. Aussi, parmi les éléments picturaux les plus populaires on retrouve les coeurs accompagnés de la clé qui les ouvrira ou encore les noms ou initiales des amoureux.

amour en broderie
Amour

Les premiers mouchoirs étaient brodés aux points de croix, points davantage maitrisés par les filles de la noblesse. Originellement, le plus commun était d’utiliser des fils de lin noir ou rouge. C’est plus tard qu’ils seront remplacés par du coton et la palette de couleurs se diversifiera en valorisant des teintes colorées.

Au fil du temps, des points de broderie plus faciles à réaliser seront privilégiés. C’est le cas du point pé-de-flor,  littéralement « pied de fleur », que l’on traduit en français par point de tige, qui est aujourd’hui principalement utilisé pour les contours des dessins.

Les brodeuses, filles de la campagne, peu instruites pour la plupart, ajoutaient à leur composition des versets recopiés ou des phrases de leur création écris comme le langage parlé. Ces fautes d’orthographe sont devenues caractéristiques des mouchoirs des amoureux et continuent d’arborer ceux encore brodés actuellement, participant à leur charme ingénu.

Un art vivant…

Jusqu’à quelques générations en arrière, la broderie était encore enseignée à l’école car les jeunes filles devaient pouvoir confectionner leur trousseau, cet ensemble de linge de maison brodés qu’elles acquerraient à leur mariage. Leur apprentissage commençait par les points de base pour ensuite aller vers la maitrise de points plus complexes nécessitant une plus grande précision et toujours plus de patience.

Il est intéressant de remarquer que l’évolution de cette tradition est étroitement liée au rapport au temps. On se souvient que les premiers mouchoirs étaient brodés aux points de croix avant que des points plus rapides à réaliser soient privilégiés. Broder prend du temps. Certaines créations requièrent jusqu’à plusieurs mois de travail ! La broderie n’était pas l’activité principale des femmes. Elle s’y adonnaient lors de leur temps libre ou pendant les longues soirées d’hiver…

mouchoir du nord du Portugal
Chaque artisane aura son style, son savoir-faire

L’évolution de nos modes de vie et notre perpétuelle course après le temps ont peu à peu entrainé la disparition de cette tradition pourtant poétique et touchante. Aujourd’hui, son souvenir est entretenu par les dernières brodeuses qui confectionnent encore des mouchoirs à la main.

Cette tradition de déclarations d’amour illustrées est aussi fragile que les sentiments mis en avant sont délicats. Les amoureuses des siècles passés témoignent à travers leurs créations de ce qu’il y a de plus universel : l’amour.

…à faire vivre !

Les sentiments étant la matière première de ces créations, nous avons tous la capacité de maintenir en vie cette tradition à notre échelle. Le point de tige, idéal pour dessiner les lignes simples des éléments décoratifs, demande peu de pré-requis et le matériel nécessaire à la réalisation d’un mouchoir est restreint : un carré de tissu, du fil et une aiguille.

De nos jours, le fil utilisé pour les lenços est le « coton perlé n°8 ». Quant aux motifs décorant les mouchoirs, vous l’aurez compris, la brodeuse vient puiser dans son monde intérieur pour traduire ses sentiments et développer son propre langage et imagier. Il y a donc qu’un seul mot d’ordre à suivre : laissez libre cours à votre imagination !

Sources

  • Instituto do Emprego e Formaçao Profissional, Delegaçao Regional do Norte Nucleo de Apoio ao Artesanato (1991). Artesanato da Regiao Norte : Traditional and Contemporary Crafts in Northern Portugal. Porto : Colaboraçao Centro Regional de Artes Tradicionais, 160-164 p.
  • Perdigao, T., Calvet, N. (2002). Tesouros do Artesanato Português : Têxteis. Lisbonne : Editorial Verbo, 155-158 p.

Images (et pour aller plus loin avec ces chaînes Youtube) : AltoMinho TV, Município Vila Verde


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