Le pays a toujours été en déficit de production alimentaire, depuis au moins le Moyen Âge. Avec le temps, ce déficit n'a fait que s'empirer. Le blé, base de l'alimentation occidentale, est un symbole de cette dépendance portugaise.
Pour la production de céréales, le Portugal n’est pas un pays facile. Les territoires fertiles sont rares, et doivent être abondamment travaillés. Sur l’ensemble du territoire, seul le Nord et le Ribatejo semblent tirer leur épingle du jeu, avec l’humidité et l’ensoleillement idéaux pour l’agriculture céréalière.
Sommaire
Encore de nos jours, il existe de très fortes disparités régionales sur le rendement des terres agricoles. En France par exemple, un hectare avait un rendement de 6885 kg de céréales en 2018. Au Portugal, ce rendement n’était que de 4756 kg par hectare. Cette différence est encore bien plus nette pour le blé.
Les différences sont notables avec la carte suivante, montrant où se trouvent les territoires aux plus gros besoins d’irrigation.
Les régions les plus humides et fertiles sont également les plus peuplées, si on excepte les montagnes du centre du pays. Malgré la bonne hygrométrie, l’agriculture est plus difficile à flan de montagne que dans les plaines, évidemment.
Démographie et culture céréalière
La carte suivante, sur la densité de la population au Portugal, pourrait pratiquement se superposer à celle de l’humidité.
Les territoires les plus humides sont les plus faciles à cultiver, avec de meilleurs rendements par rapport au travail fourni.
L’histoire de la démographie d’un pays est par conséquent le reflet de la fertilité de ses champs. Les populations se fixent là où il est possible de faire pousser des céréales. Ce n’est pas par hasard si Paris est au beau milieu de la vallée fertile de la Seine. Ce n’est pas par hasard si le Minho est la région la plus densément peuplée du Portugal depuis le Moyen Âge. Ce sont des régions où il est facile d’obtenir des céréales.
Avec la croissance des villes en dehors des champs céréaliers, les populations citadines ont dû importer leurs céréales toujours un peu plus loin. Cette dépendance avec l’extérieur se creusera toujours un peu plus avec la croissance démographique portugaise, mettant en péril la sécurité alimentaire du pays.
La Campagne du Blé de la Dictature
En 1929, la dictature militaire au pouvoir institue la « Campagne du Blé ». Il s’agissait pour le Portugal d’assurer sa sécurité alimentaire, en étant autosuffisant dans la production de blé. L’importation massive de blé qui était la norme jusqu’alors provoquait la fuite de capitaux du pays et une dépendance externe insupportable.
Imaginez : les Portugais dépendaient de l’extérieur pour le plus basique de leurs besoins, se nourrir.
Cette politique, qui dura activement jusqu’en 1938, provoqua un changement majeur des paysages du sud portugais. L’Alentejo, qui était jusqu’alors un immense pâturage, allait se transformer en un immense champ de blé. Mais on ne transforme pas une région peu propice à l’agriculture intensive du jour au lendemain sans conséquences.
Les sols s’érodèrent, devenant, après les pics initiaux de fort rendement, de plus en plus stériles. Le travail, saisonnier, ne compensait pas ce qui s’était perdu en élevage, aggravant pour beaucoup la pauvreté des habitants. Ni la sécurité, ni la « souveraineté » alimentaire ne furent atteints.
Politique Agricole Commune
L’adhésion du Portugal à la CEE, future Union Européenne, en 1986, a également provoqué l’adhésion à la Politique Agricole Commune, PAC. C’est, il faut le rappeler, le principal poste de dépense du budget européen, un soutien aux agriculteurs majeur, mais aussi le plus fort régulateur au niveau national. Dès lors, c’est l’Europe qui décide de ce qu’il faut planter et développer. Il s’agit, dans un esprit commun et européen, de miser sur les forces de chaque pays, afin d’atteindre la sécurité alimentaire, oui, mais au niveau européen.
Le Portugal, au faible rendement agricole, allait être mis à l’écart pour la plupart des productions céréalières. Il n’était pas utile de subventionner une culture à si faible rendement par rapport à d’autres pays européens. Pour un agriculteur, cultiver des céréales n’avait pas de sens, à moins d’avoir d’immenses champs agricoles faciles à irriguer ou situés dans des régions pluvieuses.
Le graphique est sans appel. Depuis 1986, la surface des cultures céréalières a été divisée plus de quatre fois. Mais désormais, on allait produire mieux, sur des terrains plus adaptés à la production céréalière.
Grâce aux progrès techniques, la productivité par hectare a été multipliée plus de deux fois. Ceci a permis de compenser quelque peu la perte en surface agricole, mais n’aura pas suffit.
On le constate, la production passe d’un maximum de 1.800.000 tonnes en 1989 à seulement 1 million de tonnes en 2020. La dépendance alimentaire est catastrophique. Le Portugal est, même au niveau mondial, l’un des pays les moins autosuffisants. Le pays ne produit que 20% des céréales dont il a besoin (blé, maïs, riz).
Solutions
L’état portugais a bien conscience du problème, depuis la Campagne du Blé de la dictature militaire. Mais, jusqu’à aujourd’hui, il n’a jamais été possible d’inverser la tendance. Un pays peu fertile dans son ensemble, où les revenus des petites exploitations agricoles ne permettent pas de survivre n’est pas propice à l’agriculture.
La crise en Ukraine a montré de la pire des façons la dépendance portugaise aux céréales venant de l’étranger, avec des prix des céréales en très forte hausse…
91% des exploitations agricoles sont de très petite échelle. Souvent, des exploitations familiales, ne produisant que pour les besoins personnels. Impossible de créer de l’investissement à grande échelle, impossible de produire de façon compétitive.
Sachant cela, le gouvernement a changé son fusil d’épaule, avec le soutien de l’Union Européenne. On s’adapte à la réalité.
- Améliorer la productivité des petites exploitations
- Favoriser les coopératives et la concentration
- Aider les jeunes à se lancer dans l’agriculture
- Promouvoir l’agriculture biologique
- Améliorer la résilience de l’agriculture contre la sécheresse
L’irrigation et la gestion hydrique est ici vitale.
Les voix qui en 2021 encore étaient contre le développement des céréales au Portugal ne sont plus audibles face à une telle fragilité portugaise. Ils argumentaient qu’il valait mieux parier sur les oliviers par exemple. Impossible de concurrencer des pays comme la France ou l’Allemagne, qui parviennent à produire deux fois plus de blé par hectare.
Mais c’est sans compter l’éventuel patriotisme portugais. On parle maintenant de promouvoir le pain fait avec de la farine de blé portugaise. C’est louable, mais si la farine de blé portugaise n’est pas meilleure gustativement ou franchement plus positive pour l’environnement, c’est peine perude.
Sources
- https://www.dinheirovivo.pt/economia/20-medidas-para-relancar-a-producao-de-cereais-12789716.html
- https://diariodoalentejo.pt/pt/noticias/12096/portugal-importa-90-por-cento-do-trigo-que-consome.aspx
- https://portugal.representation.ec.europa.eu/estrategia-e-prioridades/principais-politicas-da-ue-para-portugal/politica-agricola-comum-europeia-em-portugal_pt
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