Après les années 2018 et 2019, on croyait le mouvement fini. Pourtant, avec la hausse des carburants en octobre 2021, certains réclament leur retour, y compris au Portugal. Sauf que... ça n'a jamais été quelque chose qui a fonctionné chez les Portugais.
La tentative de greffe artificielle du mouvement français au Portugal n’aura jamais pris. Pourquoi ?
Sommaire
Les coletes amarelos
Au Portugal, on a regardé le mouvement des gilets jaunes en France avec une certaine stupéfaction. La France, un pays riche aux yeux des portugais, est dans les rues pour protester contre les agissements du président Macron.
Le peuple français n’est pas content de la politique menée jusqu’alors, et le fait savoir bruyamment. C’est comme ça depuis 1789, et ça ne changera peut-être jamais. Ce n’est pas le sujet ici de savoir si les gilets jaunes ont tort ou raison, mais ce qui est sûr, c’est qu’il y a assez de personnes mécontentes pour engendrer un grand mouvement de contestation sociale.
Au Portugal, certaines personnes ont tenté d’importer les gilets jaunes, les fameux « coletes amarelos ». Mais ce fut un fiasco.
Premier rendez-vous raté
Fin 2018, une injonction à manifester en gilet jaune se répand comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux. Le 21 décembre 2018, tout le monde dans la rue en gilet jaune pour manifester son mécontentement !
La communication sociale leur a fait une publicité monstrueuse, les réseaux sociaux ont massivement partagé l’appel, bref, les astres étaient alignés pour une manifestation monstrueuse. 14 000 personnes avaient dit sur facebook qu’elles participeraient à l’événement.
La police était en alerte absolue, le gouvernement inquiet.
Le Jour J, personne. Juste une poignée de manifestants, quelques centaines en étant généreux. Il y avait plus de policiers que de gilets jaunes !
Le mouvement a ainsi été tourné en ridicule.
Deuxième rendez-vous raté
Les coletes amarelos, après cette douche froide, n’ont pas perdu espoir. C’était un 21 décembre, juste avant Noël et les vacances, les gens n’avaient pas pu venir pour X ou Y raison. Ou alors, les gens ont eu peur de la police. Bref, on a trouvé des excuses, et les coletes amarelos ont continué de vivre sur les réseaux sociaux.
En août 2019, une nouvelle opportunité d’agir se présente : la grève des transporteurs routiers de matières dangereuses.
C’est l’occasion idéale d’unir des forces, de tenter de récupérer un mouvement social qui impactera fortement le quotidien des portugais. Un nouveau rendez-vous est fixé : le 12 août, le même jour que le début de la grève, les gilets jaunes se proposent de faire une « marche lente », un ralentissement sur le pont 25 avril.
En gros, on empêche les voitures de passer librement. C’est assez facile à faire, il suffit de quelques manifestants qui roulent très lentement.
Le 12 août dernier, personne n’est venu.
Du coup, les organisateurs ont laisser tomber. Ils arrêtent le mouvement.
Ils le disent eux-mêmes :
le peuple portugais a choisi de ne rien faire, et nous, après avoir été autant ignorés et cibles de moqueries, nous avons décidé d’accepter ce que le peuple a choisi
Désinformation
Les coletes amarelos surfaient pourtant sur une vague de désinformation favorable. Les fameuses fake news, qui propagent des rumeurs infondées, mais avec toujours des objectifs politiques. Nous vous en parlions dans notre article des fake news au Portugal.
Les fake news préparent le terrain aux rebellions. On dit aux gens que tout va mal, qu’on est envahis, que le crime, la corruption montent, et on les regarde s’énerver. Là-dessus, le Portugal était bien servi. Mais alors… pourquoi ça n’a pas fonctionné ?
Notez : parfois les fake news sont de véritables actus. Mais un fait-divers ne correspond pas à une réalité globale. Oui, il y a eu des crimes provoqués par des brésiliens par exemple. Malgré les tentatives de faire monter la haine contre la première communauté étrangère du Portugal, ils restent globalement très appréciés.
Les portugais sont contents
C’est peut-être la première leçon qu’il faut retirer de ce fiasco. Les portugais ne sont pas assez énervés pour aller manifester. Tant qu’il ne s’agit que de râler sur Facebook ou au bistro du coin, aucun problème.
Dès qu’il s’agit d’agir, l’état d’esprit est tout autre :
je vais plutôt aller travailler
C’est dans la culture ici, plutôt que de se plaindre, il vaut mieux travailler. Et si tu n’es pas content avec ton patron, ou même ton pays, va-t-en !
Ce qui explique, en partie, la forte émigration portugaise, depuis toujours.
De plus, pourquoi manifester ? Oui, tout n’est pas rose, mais les portugais ressentent clairement une amélioration de leur quotidien depuis quelques années, et la fin de l’austérité. Ils ne pensent pas que faire tomber le gouvernement actuel dans la rue soit une solution à leurs problèmes.
D’autant plus que les législatives approchent à grands pas.
Un mouvement noyauté par l’extrême-droite
Au Portugal, l’extrême-droite n’a pas d’expressivité dans les urnes. Dès le départ des « coletes amarelos », il avait été évident pour tous que ce mouvement avait été investi par le PNR, parti d’extrême-droite.
Plus le PNR appelait à la manifestation, et moins les portugais avaient envie d’y aller. Pour la plupart, il est impossible de s’associer à un parti qui regrette Salazar.
Une importation étrangère
L’origine des gilets jaunes en France est spontanée. Au Portugal, on aime bien avoir nos propres idées, et la copie de ce qui se fait ailleurs n’est pas très à la mode. Pas pour manifester en tout cas. Surtout qu’en regardant l’exemple français, beaucoup se demandent ce que les français ont gagné à manifester chaque samedi.
Rien. On ne peut pas dire que ça donne envie de faire la même chose au Portugal.
Certains disent que les « coletes amarelos » sont un mouvement provoqué par Steve Bannon, l’émissaire américain chargé de faire monter les nationalismes en Europe. Diviser pour mieux régner, tel serait le but. Avec des millions de dollars, il financerait ainsi tous les mouvements s’opposant aux politiques pro-européennes.
Le Portugal, qui est en train de sortir de la crise avec un gouvernement de gauche, anti-austérité et pourtant pro-européen est une cible qu’il faut abattre.
Que ce soit vrai ou faux, la rumeur existe, et est bien relayée sur les réseaux sociaux. Impossible encore une fois pour un portugais, généralement pro-européen, de s’associer à un mouvement qui serait contre ses principes.
Le respect des institutions portugaises
Finalement, la vraie différence avec le reste de l’Europe est peut-être ici : le respect. On le sait, le Portugal est un pays pacifique. On respecte l’Etat, les institutions et son prochain.
Pas de casseurs, pas de voyous, pas de personnes qui vont brûler des voitures pour exprimer leur mécontentement. Partir dans une manifestation pour casser du gouvernement et s’associer avec des mouvements douteux, ça n’existe pas au Portugal.
On aimerait sans doute un peuple un peu plus revendicatif, faisant valoir ses droits face à ceux qui les exploitent, plutôt que de toujours passer par la case émigration. Aujourd’hui, c’est dans les urnes que cela s’exprime, et c’est tant mieux.
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