Qui se cache derrière les Fake News au Portugal ?

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Le Portugal est un pays tranquille. Trop pour certains. Les valeurs de tolérance, de partage et de solidarité ne sont pas vaines. Mais comme partout, dans un pays où la crise est systémique, il y a des mécontents.

Une façon facile de faire de l’argent sur Internet, c’est de créer des fake news, des informations fausses, que l’on sait à l’avance qu’elles seront partagées, sans aucune modération. Des infos scandaleuses, des infos méchantes, polémiques : bref, celles qui ont le plus de chances d’être partagées. Ainsi va la vie.

S’il s’agissait jusqu’à maintenant de groupes d’individus qui tentaient de créer la polémique afin de servir des intérêts particuliers, souvent politiques, aujourd’hui, nous avons carrément des entreprises qui en ont fait leur business model.

Au Portugal, c’est flagrant. Je suis tombé il y a quelques mois sur un groupe facebook se nommant « Bombeiros 24 », possédant un site associé. Ayant été pompier, je pouvais me sentir concerné, mais… Ce groupe jouait sur l’ambiguïté, de très nombreuses personnes croyant qu’il s’agissait du groupe officiel des pompiers portugais. Sauf que le langage ne s’y prêtait pas, les informations étant bien trop polémiques et orientées, pour ne pas dire souvent carrément fausses. C’était flagrant lors du drame des incendies de Pedrogão Grande.

Là, aujourd’hui 7 décembre 2018, c’est la goutte qui fait déborder le vase :

Capture d’écran du message prônant la « révolte ».

Ils organisent carrément une « révolution » de type gilet jaune !

Presque 300 000 fans de ce qui n’est pas une page sur les pompiers. Ils relaient des infos incendiaires, certes.

En enquêtant un peu, ce groupe, et quelques autres pages sur Facebook n’ont d’autre mission que de créer la discorde et la polémique, afin de nourrir les objectifs commerciaux d’entreprises qui ne sont même pas basées au Portugal !

Extraordinairement, l’une d’entre elles, Fan-o-Web, une entreprise qui participe à toute cette manipulation médiatique est basée à Montréal, et déclare, sur sa page d’accueil, sobrement qu’il s’agit « du plus grand réseau de divertissement web au Québec ».

fan-o-web, entreprise de Montréal

EDIT du 24/12/2018 : j’ai été contacté par une personne travaillant chez fan-o-web. Ils se désolidarisent complètement de Bombeiros24, qui n’est pas un de leur site. Tant mieux.

La page « Vamos lá Portugal », aux contenus souvent xénophobes (patriotiques diront certains…), compte près de 900 000 fans. C’est un peu le pendant « réseau social » du Correio da Manhã, spécialistes des faits divers. Ils ne racontent pas des fake news, mais transmettent une vision amplifiée des faits divers, donnant l’impression que c’est pire aujourd’hui qu’autrefois.

Tant qu’à lire des faits divers, autant le faire chez les maîtres en la matière directement, Correio da Manhã, au moins ils paient des journalistes portugais pour faire leurs faits divers.

vamos lá portugal, raclures du web
Vamos lá Portugal

Je viens donc, ici, tenter avec mes faibles moyens, avertir les francophones ayant un rapport de près ou de loin avec le Portugal d’être vigilants, plus que jamais. L’appel de la page Bombeiros 24 a créer un chaos similaire aux gilets jaunes français est proprement scandaleux.

Le site est « anonyme » et a été enregistré pour la première fois en octobre 2017. Les données sont donc confidentielles, mais des journalistes portugais qui ont enquêté les ont déjà repérés. Voici un article qui en parle en long, en large et en travers (de la gorge), sur le Diário de Notícias.

Les portugais sont mécontents, et ils vont surfer dessus. Qui servent-ils ? Juste des intérêts commerciaux ? Ils sont prêts à foutre le bordel pour quelques euros… pardon, dollars canadiens ? Des contenus xénophobes, racistes, primaires, et j’en passe, faisant appel aux plus bas instincts de l’humanité. Tout ce que je me demande, c’est comment peuvent-ils opérer impunément pendant tout ce temps ? En attendant, ils tuent le journalisme.


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