Je ne sais pas si je dois vous raconter l'histoire des CTT ou une histoire avec eux. Faisons les deux, tant la grande et la petite histoire sont liées. Les Correios de Portugal (Courriers du Portugal en français), c'est un monument portugais qui a deux visages contraires, comme vous allez le lire.
Mission : envoi de courrier
Aux Courriers du Portugal, on ne devrait demander qu’une chose : la distribution efficace du courrier. On le fait en utilisant une des nombreuses boîtes aux lettres présentes un peu partout dans le pays, ou en se déplaçant en agence si on a un besoin particulier, comme un colis ou une lettre recommandée.
Sommaire
C’est en théorie un travail simple, mais à la logistique absolument colossale. Alors oui, c’est normal d’avoir certains couacs, que l’on entend à droite ou à gauche.
Pour ma part, j’ai toujours reçu mon courrier… du moins je crois.
Fonctionnement
J’ai le droit de dire un truc bateau? On achète un timbre chez le buraliste ou dans un bureau de poste, on le colle en haut à droite de notre enveloppe et voila, on peut aller poster notre lettre. Mais au Portugal, il y a quelques petites nuances à savoir.
Les tarifs d’envoi vont dépendre, comme partout ailleurs, de la distance à parcourir et du poids de votre courrier. Un prix pour le territoire national, un prix pour l’Europe, et encore un prix pour le monde. Rien à redire, sauf peut-être si on est des Açores ou de Madère : pas de chance, c’est souvent plus cher pour ceux qui y habitent. Jusqu’à 2kg, c’est le même prix pour tout le monde, mais dès que l’on dépasse, il s’agit d’un colis, et là… c’est plus cher.
Pour les pressés, il y a le « correio azul« , le courrier bleu. C’est un peu plus cher que le tarif habituel, mais le courrier devient prioritaire et est livré plus rapidement, au lieu des 3 jours usuels, on peut recevoir le courrier le jour suivant son envoi.
Si vous allez dans un bureau de poste, armez vous de patience. Nous parlons de la plus ancienne entreprise du pays, et les employés ont gardé la mentalité de l’administration « à l’ancienne ». On va y revenir, après un peu d’Histoire avec un grand H.
Correios de Portugal, plus ancienne entreprise du pays
En 1520, avec un empire en pleine expansion aux quatre coins du monde, le Portugal avait besoin de pouvoir transmettre efficacement des messages. Jusqu’alors, les gens se rendaient service (« puisque tu vas au Brésil, tu veux pas lui donner cette lettre? ») ou bien on embauchait quelqu’un qui ferait le voyage exprès.
Le 6 novembre 1520, le roi Manuel Ier créé donc les Correios de Portugal, avec à sa tête le « Correio-mor do Reino« , qui dirigera les opérations de cette nouvelle institution publique. Accessible à tous, tant que l’on paye ce qui est stipulé, les Correios de Portugal ont révolutionné la communication entre les différentes parties de l’empire portugais.
Luís Homem, le premier Correio Mor, était un homme de confiance du roi. Il livrait lui même le courrier, à cheval et armé. Il avait une immunité spéciale, les autorités locales ne pouvant pas l’arrêter. Il en fallait pas moins, tant la distribution du courrier était difficile à l’époque. Imaginez les mauvais chemins, les bandits et toutes sortes de dangers qui pouvaient barrer la route à ce facteur si spécial…
La famille Mata
Jusqu’en 1606, c’était le roi qui nommait le dirigeant des services postaux. A partir de cette date, ce poste a été vendu à Luís Gomes da Mata Coronel. Les Correios de Portugal devenaient ainsi une institution privée.
Luís Gomes da Mata Coronel était doué en affaires. Sans vouloir faire de clichés, il faut dire qu’il était descendant direct d’un certain Abraham Senior, Juif espagnol converti au catholicisme. Lui et ses descendants vont garder la main sur les Correios de Portugal jusqu’en 1797, développant considérablement les services postaux du pays et de son empire… mais pas au profit de tous.
La reine Maria voulait reprendre la main sur les services postaux, et les rendre plus accessibles pour le commun des mortels. Il faut dire que la distribution du courrier était lente et chère, chose acceptable au XVIIe siècle, mais pas du tout dans un pays qui se réveille à l’ère industrielle.
En compensation, la famille Mata, qui avait eu le monopole du courrier au Portugal pendant si longtemps, obtinrent un nouveau titre de noblesse prestigieux : désormais, ils sont les comtes de Penafiel.
CTT : Correios, Telégrafos e Telefones
Avec l’avènement de la République au Portugal, les services de l’état connurent de profonds bouleversements. Ce fut le cas pour les services postaux, qui en 1911 devinrent les CTT, « courriers, télégraphes et téléphones ». CTT ne fait plus de télégraphe ou de téléphone depuis 1992, lorsque l’état sépara cette activité des services postaux, donnant naissance à la future Portugal Telecom.
Banco CTT
Devenue une entreprise entièrement privée en 2014, les CTT doivent maintenant se diversifier. C’est le même cheminement que nous avons observé un peu partout en Europe, avec la libéralisation des services postaux au sein de l’UE depuis 2008.
Avec l’essor des emails et de la digitalisation, les messages en papier n’ont pratiquement plus de raison d’être. Le courrier papier est logiquement en perte de vitesse. Évoluer ou périr, tel serait le mot d’ordre désormais.
Dans ce contexte, et en imitation directe de ce qui s’est fait en France par exemple, les CTT diversifient leurs services. Pour capitaliser leur réseaux d’agences postales, ils fondent un banque, « Banco CTT ». Les facteurs d’hier sont devenus les banquiers d’aujourd’hui. Enfin… plus ou moins.
Ce n’est pas à Banco CTT que je demanderais un montage financier compliqué pour mon entreprise. Mais pour gérer mes sous du quotidien, où il ne faut pas d’expertise bancaire particulière, Banco CTT est une banque aux tarifs très compétitifs.
👉 Lire également : Comment choisir une banque au Portugal
Services de proximité
CTT ne s’est bien sûr pas limité à la banque, et a développé une foultitude d’autres services, parfois sans succès. Qui se souvient de leur tentative de faire des telecom à nouveau?
Leur principal « service », c’est la distribution de publicité, et la vente de nos données aux entreprises de marketing. C’est pas forcément la plus visible de leurs fonctions, mais certainement celle qui prend le plus de place dans nos boîtes aux lettres désormais.
En ce qui me concerne, à part la distribution de courrier et de colis, c’est surtout le paiement de péages d’autoroute que j’utilise chez eux. Enfin, chez eux, façon de parler, j’utilise leur application, où je peux, après avoir introduit ma plaque d’immatriculation (portugaise) obtenir les données bancaires pour paiement.
Oui, je n’utilise pas de « via verde », le télépage portugais.
Avec l’App CTT, plusieurs de ces services sont disponibles. On peut payer l’autoroute, mais aussi, entre autres :
- voir où en est un colis que nous attendons ou que nous avons envoyé
- changer la date de livraison
- simuler le prix d’un envoi
- obtenir une « adresse virtuelle » afin d’être livré dans un des points de livraison de CTT et conserver ainsi sa véritable adresse anonyme
Voilà, en théorie, c’est super, ça fonctionne et tout cela est très moderne. Et en pratique?
Les difficultés de CTT
Une « petite » histoire que j’ai vécu ce matin est l’illustration parfaite de ce que sont les CTT au Portugal : avant tout, une histoire humaine. Avec les bonnes personnes, tout va bien dans le meilleur des mondes, mais avec de mauvaises personnes…
Lenteur des services postaux
J’ai reçu un avis de passage du facteur, me disant que mon courrier était disponible le jour ouvré suivant. On dirait que l’enveloppe était trop grosse pour ma boîte aux lettres. Pas de problème, mais c’est toujours ennuyeux de devoir aller au bureau de poste du quartier.
Parce que je sais que je vais devoir faire la queue, que je vais devoir attendre, pour un courrier qui n’a probablement que peu d’importance. Ce n’est même pas un recommandé !
Et je ne me suis pas trompé.
Usagers désagréables
Devant moi, trois personnes seulement. Mais une dame âgée passe devant tout le monde. Une dame un peu moins âgée lui signale que la queue est faite pour être respectée.
« Ah mais je suis prioritaire, moi madame ! »
« Certes, mais ma mère qui est assise ici l’est aussi, et ne peut pas rester debout longtemps, contrairement à vous ».
« grognement d’insatisfaction ». Le guichet d’à côté fait mine d’ouvrir, et appelle la dame prioritaire qui n’a pas l’air contente de s’être fait grillé la priorité par quelqu’un d’encore plus prioritaire qu’elle.
Trouvant peut-être que la guichetière est trop lente à son goût, elle proteste.
« Mais vous êtes en train de trier le courrier au lieu de vous occuper de moi? » « Donnez-moi le livre de réclamations ».
Évidemment, la guichetière, vexée, va faire exprès d’aller encore plus lentement, tout en râlant très fort elle aussi.
À ce petit manège, les seuls perdants, ce sont les gens qui comme moi, attendent sagement que le cirque se termine.
Il faut dire que l’on rentre dans un bureau de poste comme on pouvait rentrer dans l’administration nationale au temps de Salazar. Une antipathie à toute épreuve, avec tous les clichés négatifs que l’on peut avoir sur le fonctionnariat. Et pourtant, il s’agit d’une entreprise privée désormais !
Mais le pire, ce n’est pas ça.
Erreurs de distribution
Nous avons tous été confrontés à du courrier livré très en retard, ou même, jamais livré. Comme souvent, l’erreur est humaine. Malgré les efforts d’automatisation, de rationalisation, il y a toujours des problèmes. Mais cette fois, l’erreur est encore plus bête.
« Bonjour madame, je viens chercher mon courrier, voici l’avis de passage ».
« Ah je ne le trouve pas, il a été acheminé vers l’autre bureau de poste »
« Ah? Le bureau de poste qui n’est pas celui du quartier? Ok… Et je fais quoi? »
« Vous pouvez y aller maintenant, ou alors on leur demande d’apporter le courrier ici, et vous repassez mardi ».
Hop, encore du temps perdu. C’est un petit souci, certes, mais multipliez-le par le nombre d’usages des services postaux, c’est à dire la totalité de la population portugaise. Ça fait beaucoup.
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