La crise de l’immobilier au Portugal

Les Portugais qui ne sont pas propriétaires (et sans crédit immobilier) ne pourront bientôt plus se loger à Lisbonne ou à Porto. C'est une catastrophe.

Lisbonne, une ville chère

L’immobilier au Portugal, c’est devenu un très gros problème pour les Portugais. Nous étions dans un pays où l’immobilier était relativement accessible. Maintenant ? Nous sommes dans un pays où le prix des logements sur Lisbonne fait partie des plus chers d’Europe ! En Europe du Sud du moins.

Il y a eu une étude qui a été faite début 2023 qui disait que de toutes les villes d’Europe du Sud, seul Paris était plus chère. Pour vous donner un ordre d’idée, nous sommes à plus de 5000 euros le mètre carré en moyenne sur Lisbonne !

Les Portugais ne peuvent plus se loger

Quand je suis venu au Portugal en 2016, j’avais acheté au préalable mon logement. J’avais commencé à négocier en 2015, et j’avais obtenu un prix final que je trouvais pourtant à l’époque excessif. Je ne savais pas du tout que trois ou quatre ans plus tard, le prix allait tout simplement doubler sur Porto, Lisbonne et l’Algarve.

C’est évidemment un vrai problème, parce qu’aujourd’hui, si on n’a pas déjà de logement, on ne peut plus vraiment se loger confortablement ou même dignement. Les salaires portugais n’ont absolument pas suivi l’augmentation du prix de l’immobilier ces dernières années. Dommage, nous aurions été au niveau de tous les autres pays européens dits « riches »… on peut rêver !

Autrefois, Porto et Lisbonne étaient à l’abandon

Si j’avais pris ma décision de venir vivre au Portugal plus tard, je n’aurais pas pu le faire. Trop cher. Et dire qu’il n’y a pas si longtemps de ça, pendant la grave crise de la « troïka », au début des années 2010, les gens s’enfuyaient carrément du Portugal…

Le pays souffrait alors d’une très grosse émigration, et les centres-villes comme ceux de Lisbonne ou Porto étaient à l’abandon. Pour ceux qui s’en souviennent, c’était un festival de rues avec des maisons délabrées, c’était un centre ville qui faisait peur. Jamais je n’aurais cru un jour y vivre, ça ne donnait franchement pas envie de venir.

Les plus riches, ceux qui n’avaient pas besoin d’émigrer, partaient vers des quartiers résidentiels et chics en périphérie, dans de belles villas, de beaux pavillons.

Si on regarde une rue populaire de Porto ou de Lisbonne, on peut légitimement se demander pourquoi c’est si cher. Nous parlons souvent d’anciens logements, vétustes, mal isolés, où il fait froid l’hiver. Mais ça fait longtemps que le prix de l’immobilier dans ces deux villes n’a plus grand chose à voir avec la qualité de construction.

Tout n’est plus qu’une question de localisation désormais. La qualité est devenue secondaire, sauf peut-être dans les nouvelles constructions luxueuses.

Prix exagérés… à cause des étrangers ?

Lorsque j’étais en France, je me disais : « voilà on peut vivre au Portugal, parce que à Paris c’est devenu insupportable, je n’ai pas les moyens de vivre dans cette ville, et pour le prix d’un petit studio ou d’un T2 à Paris je peux m’acheter un bel appartement ».

J’ai commencé à chercher un appartement qui me plaisait. J’en ai trouvé un qui répondait à tous mes critères, dans un beau quartier de Porto, à deux pas des écoles, des commerces et de l’océan. Le vendeur en voulait 215.000 euros.

Mon achat, je l’ai négocié. J’ai réussi à faire baisser le prix final à 190.000 euros.

Mais maintenant, mettez-vous à la place de l’étranger, qui ne parle pas la langue, et qui a du mal à connaître la réalité du marché immobilier portugais. Pourra-t-il négocier comme je l’ai fait ? Pensez à l’Américain, au Chinois ou au retraité Anglais, Allemand, Français…

Non, il ne pourra pas.

Et cette négociation impossible, ou du moins, pas aussi efficace, va mécaniquement provoquer l’augmentation des biens immobiliers. Bien sûr que l’étranger ne veut pas payer plus cher s’il avait eu les moyens de payer le juste prix.

Mais le sait-il, qu’il n’est pas en train de payer le « juste prix » ?

Par conséquent, oui, c’est l’étranger qui participe à l’augmentation du prix, mais qui a augmenté le prix de vente ? Le propriétaire portugais. Personne n’est à blâmer ici, c’est la loi de l’offre et la demande. Le propriétaire offre au plus offrant.

Au village, un cousin a mis en vente sa maison à un prix complètement délirant du point de vue des villageois. Il affirmait tout simplement : on ne sait jamais, si jamais quelqu’un achète à ce prix, pourquoi pas !

Et vous savez-quoi ? Les maisons du village se vendent.

Étrangers arnaqués

Gardons en tête que beaucoup d’étrangers se sont fait avoir. Par exemple, certains Chinois qui voulaient acheter des logements pour avoir le Golden visa se sont vu « refourguer » des biens immobiliers qui valaient à peine 200.000 au prix du marché pour la modique somme de 500.000 euros…

Heureusement, nous sommes dans un état de droit (parfois) et certains Chinois, qui avaient constaté la fraude, ont pu intenter un procès et condamner les propriétaires véreux. On imagine facilement comment les asiatiques ont fini par comprendre leur erreur. Lorsqu’ils ont fait la demande de Visa, et qu’ils ont essayé de justifier leurs investissements, personne ne les a cru lorsqu’ils ont dit qu’ils avaient acheté un studio ou un T2 pour 500.000 euros.

Aujourd’hui, ce qui semblait complètement irréel à l’époque de ce procès, est devenu la normalité.

Pourquoi tant de logements à l’abandon ?

Les nombreuses maisons abandonnées, délabrées, participent également à cette crise immobilière que le Portugal traverse. Des maisons où l’état est impuissant, ou ne veut pas agir. Il n’y a pas de droits de succession au Portugal, et les héritiers qui ne peuvent pas entretenir leurs biens peuvent tout simplement les laisser se délabrer sur place.

Une succession mal faite, des héritiers qui ne s’entendent pas peuvent également bloquer la rénovation ou la vente d’un bien immobilier. Sans pression fiscale (à part les taxes foncières…), ils peuvent attendre indéfiniment, parfois jusqu’à leur mort. Autant dire que nous ne verrons pas de si tôt de nombreuses maisons en vente !

Ces maisons invendables, qui ne se louent pas, participent également à l’augmentation des prix de l’immobilier.

Des loyers trop bas

Certains propriétaires sont coincés par leurs locataires. Au Portugal, une ancienne loi provoqua le gel des loyers pour les locataires. Il s’agissait de juguler l’inflation galopante et de garantir aux locataires une certaine sécurité du logement.

Sauf que des dizaines d’années plus tard, de nombreux locataires paient toujours le même loyer, sans aucune prise en compte de la réalité du marché ou de l’inflation. Les propriétaires ne peuvent tout simplement pas faire de travaux dans ce type de logements, loués parfois à 100 euros mensuels en plein centre de Lisbonne.

Ces logements se libèrent petit à petit, au fur et à mesure que les locataires décèdent, ou, et c’est triste pour eux, perdent une longue bataille juridique. Certains propriétaires n’hésitent pas à expulser ces locataires qui ne sont pas rentables.

Pouvons-nous les blâmer ? Tous les propriétaires ne roulent pas forcément sur l’or, et ne peuvent pas faire de travaux essentiels pour maintenir leur patrimoine faute de loyers normaux. De plus, ils ne peuvent même pas vendre leur bien, qui achèterait un logement occupé par un tel locataire ?

Tout le monde veut habiter à Porto, Lisbonne ou en Algarve

Nous sommes dans un moment de grande pression immobilière. Le monde entier semble avoir découvert le Portugal, et tout le monde veut venir habiter dans les grands centres urbains que sont Lisbonne ou Porto ou la région de l’Algarve.

C’est normal d’avoir des prix qui flambent. Aucun propriétaire ne veut vendre au rabais, et c’est normal. Qui irait vendre à 100.000 euros à un Portugais si on peut vendre à un Anglais pour 150.000 euros ?

Personne, et certainement pas moi, soyons francs. Il faut arrêter de dire que l’augmentation actuelle est de la faute aux propriétaires. C’est de la faute à tout le monde, au système capitaliste, à l’offre et la demande, tout simplement.

👉 Pour aller plus loin : Qui sont les coupables de l’augmentation de l’immobilier ?

Le Portugal s’embellit

Le côté positif de cet engouement est visible aux yeux de tous. Les grues de chantier sont partout ! Les immeubles, les maisons, sont rénovés ou restaurés. Les centres-villes récupèrent des couleurs, de la vie, des gens.

Alors oui, Lisbonne et Porto se gentrifient. Le « Portugais authentique » (oserais-je dire, le Portugais pauvre?) est expulsé des endroits désirés par les étrangers. Mais à bien y regarder… est-ce si grave ? Rappelons que les étrangers, ceux des Airbnb, des quartiers touristiques ou au bord de mer achètent ce que les Portugais vendent.

Ceux qui ne veulent plus y vivre. Encore une fois, nous pouvons nous mettre dans la peau des « vrais Portugais », ceux qui ont fuit les centres-villes par le passé. Pourquoi fuyaient-ils ces centres-villes?

Parce qu’ils sont encore aujourd’hui des repoussoirs pour les familles. Où garer la voiture ? Pourquoi vivre dans ces vieux immeubles vétustes ? Les Portugais choisissaient, du moins ceux qui le pouvaient, de vivre dans des villes en périphérie, dans des immeubles bien plus modernes et avec garage.

C’est ainsi que des villes comme Matosinhos, Vila Nova de Gaia, Oeiras ou Sintra sont devenues de centre grands urbains à leur tour. La municipalité de Vila Nova de Gaia est même plus peuplée que celle de Porto !

Les habitants laissent les monuments pour les touristes.

L’augmentation, en chiffres

Toutes les prédictions qui affirmaient qu’avec le Covid ou avec la guerre en Ukraine, les prix allaient se calmer se sont avérées fausses. Au contraire, ces deux crises semblent avoir confirmé l’augmentation immobilière !

Voyons quelques graphiques fournis par le site immobilier Idealista :

Détrompez-vous si vous pensiez que la location était épargnée. Entre 2022 et 2023, les prix à la location ont explosé à +39% à Lisbonne.

Si nous continuons comme ça, je pense que mes enfants ne pourront pas se loger dignement quand ils seront en âge d’acheter un logement chez nous à Porto.

Partir vivre dans l’intérieur du pays

Si vous sortez de Lisbonne, Porto ou l’Algarve, si vous allez dans l’intérieur du pays, là ce sont des régions qui se meurent. Vous y avez de moins en moins d’habitants, de plus en plus de logements vacants. Les logements y sont à des prix défiant toute concurrence.

Il faut savoir que les Portugais ne font plus d’enfants. Ces régions ne sont pas dynamiques, avec peu de travail. On y vient en vacances, au calme, et on en repart aussi vite. C’est franchement dommage ! La beauté des paysages, le patrimoine historique et la gentillesse des gens de l’intérieur valent franchement qu’on s’y attarde, et pourquoi pas, y vivre.

Sans partir dans des « extrêmes » de ces campagnes désertées, il existe encore des endroits qui ne sont ni trop chers (du moins pas encore), à distance raisonnable de Lisbonne ou de Porto.

Si vous êtes libre de votre lieu d’habitation, un retraité ou un « digital nomad » par exemple, franchement, rayonnez un peu. A 50 km de Lisbonne ou Porto on commence à avoir des choses intéressantes, des logements fantastiques à des prix très corrects. Pour combien de temps encore, ça, c’est une autre histoire…

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