Maison reconstituée du castro
Maison reconstituée du castro

Citânia de Briteiros, berceau du Portugal

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Lorsque le Portugal était le "pays des serpents", comme le croyaient les Grecs, les habitants vivaient déjà dans des villes de pierre. Citânia de Briteiros est l'une des plus emblématiques de ces temps-là...

panneau vers Citânia de Briteiros

Monte de São Romão
Du haut de Citânia de Briteiros, on domine toute la région…

Saefes et Draganis

Les premiers peuples de l’extrême Occident sont légendaires. Nous les connaissons vaguement par les Grecs et le poète latin Avienus. Ils nous racontent que les pacifiques Oestriminis (littéralement « habitants de l’extrême occident ») ont été chassés par les guerriers Sefes, le peuple des Serpents.

Ophiussa

Avec les Saefes (ou Ophis), la côte occidentale de la péninsule ibérique est désormais connue sous le nom de Ophiussa, le pays des serpents. Le nord-ouest était pour sa part occupé par les Draganis… ou dragons, des serpents géants !

Historiquement, la légende du peuple des Serpents pourrait correspondre à l’arrivée des Celtes et de l’Âge du Fer, qui se seraient mêlés aux peuples locaux. Ces peuples légendaires seraient ainsi les constructeurs de Citânia de Briteiros.

plan de Citânia de Briteiros

La culture des Castro

C’est sur le territoire des Dragani légendaires que s’est développée la culture des « Castro », à partir du Xe siècle av. J.-C. Le principal trait de cette culture se retrouve dans ses lieux d’habitation. Les castros sont constitués de maisons circulaires en pierre, disposées sur une colline fortifiée. Il y en aurait plusieurs milliers de connus dans le nord-ouest ibérique. Il s’agit ici des plus anciens centres de peuplement de la péninsule ibérique.

Lorsque les Romains affrontèrent pour la première fois les peuples celtes de cette région, aux alentours de la ville actuelle de Porto, ils les nommèrent avec un nom générique, les « Gallaeci« . Ce terme est à l’origine de la Galice actuelle. Ils étaient voisins des Lusitaniens, dont ils étaient proches.

Citânia de Briteiros était, avec Citânia de Sanfins, l’un des plus importants oppidums des Gallaeci. C’est ici que se trouve la véritable origine de la première civilisation en territoire portugais. Et comme de par hasard… Citânia de Briteiros se trouve à quelques kilomètres de Guimarães, la ville « berceau » du Portugal !

Pour être tout à fait précis, nous sommes ici en plein territoire des Brácaros, une tribu celte qui donnera son nom à l’actuelle ville de Braga.

rues pavées
Les castros étaient des constructions autant de prestige qu’utiles. Nous ne savons pas aujourd’hui si les puissantes murailles étaient honorifiques ou véritablement utilisées dans un contexte de guerre permanente.

Maisons circulaires

Ces habitations construites sur un plan circulaire sont sans doute l’élément le plus facilement identifiable de la culture « castreja », des castros. Rondes, elles étaient ainsi plus simples à chauffer ou nettoyer. Plus la maison était haute dans le castro, plus les personnes qui y habitaient devait être importantes. Elles étaient construites avec le matériel le plus abondant de la région : le granit. En moyenne, ces maisons avaient 5 m de diamètre. Au milieu, on y plantait un pilier de bois, soutenant la toiture, faite de chaume.

Les habitations rectangulaires que nous pouvons observer aujourd’hui datent de la période romaine.

habitation sur plan circulaire
Les pierres de granit on traversé les âges. Les habitations étaient relativement petites. Pendant l’Âge du Fer, l’essentiel des journées étaient passées à l’extérieur.
grandes pierres appareillées
Les pierres sont appareillées de façon irrégulière… mais efficace !
Plusieurs maisons circulaires
La Citânia était composée de plusieurs quartiers, des regroupements de maisons. Probablement autant d’unités familiales élargies.
regroupement de maisons
Avec leur proximité, les maisons se protégeaient mutuellement.
Murs d'un castro
On imagine mal le travail nécessaire pour découper, soulever et disposer ces grands blocs de granit. L’entraide était sans doute fondamentale.
Pierre creuse
J’ai du mal à comprendre la finalité de cette pierre creusée, posée sur le mur.
Maisons le long du mur bordant une rue
Les murs des rues permettaient de délimiter l’espace attribué aux maisons. Les habitants pouvaient ainsi avoir leurs animaux confinés à proximité.

Citânia

Le terme « citânia » est employé pour designer un castro de très grandes dimensions. Centre névralgique d’une région agricole, les citânias étaient aussi d’importants centres culturels et religieux.

Citânia de Briteiros est l’un des principaux vestiges celtes du Portugal et même de toute la péninsule ibérique. Comme la plupart des castros, elle se trouve en haut d’une colline, le Monte de São Romão.

La plupart des vestiges actuels datent du IIe siècle av. J.-C., certains remontant même à la fin de l’Âge du Bronze. Elle sera habitée tout au long de la domination romaine, avec une date plausible d’abandon du site située au IIIe siècle. Lors des invasions barbares et des attaques suèves, le site a probablement été réoccupé quelques temps…

Le site occupe 24 hectares, mais malgré sa découverte précoce par l’archéologue Francisco Martins Sarmento en 1874, seuls 7 hectares ont été fouillés.

Rue pavée de Citânia de Briteiros
Une des rues pavées de la ville.
Sol irrégulier
Il faut imaginer un sol beaucoup plus régulier autrefois. Il ne reste plus que les grandes pierres de la rue…
Murs d'une rue
Les « rues » étaient bordées de chaque côté de murs.
Rue empierrée
Notez la rigole à gauche des pavés de la rue, permettant de canaliser les eaux.
Rue pavée
Compte tenu des moyens techniques de l’Âge du Fer, la vie devait être agréable à Citânia de Briteiros.
Habitations rectangulaires
Certaines habitations ne sont plus rondes. Il s’agit de constructions d’époque romaine, plus récentes.
Pierres de Citânia de Briteiros
Les ruines actuelles ne permettent pas vraiment de visualiser l’aspect de la Citânia. Il y a sans doute trop d’arbres !
Rue de l'Acropole
La partie haute de Citânia de Briteiros est nommée Acropole.
Reconstructions de pierre
En gravissant la rue, on aperçoit les reconstructions du XIXe siècle.
Maison reconstruite
C’est à la demande de l’archéologue Martins Sarmento que deux habitations ont ainsi été reconstruites.
Maison reconstruite
Martins Sarmento n’avait pas été satisfait du travail de reconstruction. Il savait déjà que les murs étaient trop hauts ! De plus, rien ne permet d’indiquer qu’il existait des fenêtres de cette taille. Il est même beaucoup plus probable qu’il n’y en ait pas.
Deux maisons reconstruites
Il n’empêche, ces maisons reconstruites sont le haut lieu de la visite. Parce qu’elles permettent de faire un travail d’imagination et d’appropriation que les pierres à terre ne permetttent pas.
habitation celtique
Cette illustration nous donne une idée plus précise de la vie dans une de ces habitations.
Arbres
Il reste encore beaucoup à fouiller, les archéologues ont du travail pour encore de nombreuses années.

Ville celte

Nous nous permettons d’attribuer le nom de « ville » à Citânia de Briteiros par sa taille exceptionnelle. Les plus de 100 habitations retrouvées jusqu’à aujourd’hui sont entourées par une triple muraille, complétées par une muraille supplémentaire au nord.

Briteiros a été fortement influencée par les Romains, comme l’attestent les différentes inscriptions latines ou les pièces de monnaie qui ont été retrouvées sur le site. Ceci n’empêche pas à la citânia d’avoir conservé son caractère celtique !

La citânia possède des rues pavées, des canalisations et même des bains. La « Pedra Formosa« , ou « belle pierre » en français, est un bel exemple à Citânia de Briteiros de l’art celtique. Ce grand monolithe, décoré de triskèles en bas-relief, donnait l’accès à l’intérieur des bains de la ville. D’autres castros avaient également des « belles pierres » dans leurs bains. L’autre grand pôle de la culture des castros de la région, Citânia de Sanfins, présente aussi une « belle pierre » dans ses bains.

Les bains de Briteiros étaient composés de deux chambres, une pour les bains chauds, et l’autre pour les bains froids.

route menant aux bains
Au bout de cette rue pavée, on descend vers le point le plus bas de la Citânia. C’est là que se trouvent les bains. Leur découverte a été fortuite, grâce à la construction d’une route dans les années 1930…
Pedra Formosa
La Pedra Formosa, avec ses bas-reliefs. On observe en haut et à gauche des triskèles, dans leur variante typique de la région.
Bains
La couverture des bains et des deux chambres. Derrière, on observe une canalisation moderne…
Casa do conselho
La Casa do Conselho, la maison du Conseil. Ainsi nommé pour ses dimensions exceptionnelles, 11 m de diamètre. On pense qu’il s’agissait du lieu où les chefs tribaux se réunissaient.

Musée Archéologique Martins Sarmento

Les objets trouvés en fouilles à Briteiros ont été pour la plupart regroupés dans ce musée de Guimarães. Les galeries du musée Martins Sarmento ont réutilisé les cloîtres de l’ancien couvent de São Domingues.

Le musée de la culture des castros à Briteiros, dépendance de la Société Martins Sarmento, expose l’autre « Pedra Formosa » de Citânia de Briteiros entre autres objets.

Inscription nous incitant à visiter le musée
Inscription nous incitant à visiter le musée
meules
Ce qui subsiste des anciennes meules à grain
Pierre de granit
Le granit, principal élément de construction des castros.

Citânia Viva

Chaque année en été, pour faire vivre l’endroit, une fête y est organisée. C’est un joyeux mélange de « reconstitution » historique, avec des animations qui souvent n’ont aucun rapport avec la période historique des castros.

C’est quelque chose que l’on voit souvent, au Portugal, des fêtes « historiques », souvent à gros budget et qui attire les foules, mais dont la portée pédagogique est très réduite, voire même négative. C’est le cas lorsqu’on insinue qu’il y avait des danseuses du ventre dans les castros par exemple !

Tout n’est pas à jeter, et certaines animations, très correctes, sont malheureusement noyées dans le farfelu. C’est dommage, et mon coeur d’apprenti historien souffre.

capela de São Romão
En 1853, pour célébrer un supposé miracle qui aurait eu lieu en cet endroit, une chapelle fut construite, la Chapelle de São Romão. La croix et la chapelle sont donc complètement anachroniques !

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