Les relations entre la France et le Portugal à l'époque de celui qui est sans doute le plus charismatique des présidents français sont mal connues. C'était, nous allons le voir, une relation extrêmement ambigüe.
Le Portugal de Salazar
De Gaulle, nous le connaissons pour son combat contre les forces allemandes pendant la Seconde Guerre Mondiale. Nous le connaissons pour son haute idée de la France, mais aussi, son combat pour la démocratie.
Sommaire
Il ne pouvait logiquement pas avoir de très bonnes relations avec le Président du Conseil portugais, António de Oliveira Salazar. Salazar, qui dirigeait le pays d’une main de fer, était, il faut le dire, un modèle pour l’extrême-droite française, en premier lieu Pétain.
Pétain ne s’en cachait d’ailleurs pas. La fameuse nouvelle devise nationale lors du régime de Vichy était directement inspirée de la devise salazariste.
« Deus, Pátria, Família » était devenu la devise française « Travail, Famille, Patrie ». Dans un état laïc, voir laïcard comme pouvait l’être le français, même sous Vichy, Pétain s’était abstenu de reprendre le « Dieu » portugais.
Ce Portugal soumis à l’empreinte nationaliste était mal connu des Français. Il semblait que Salazar dirigeait le pays avec une main de fer, certes, mais dans un gant de velours. Il n’empêche : De Gaulle ne pouvait logiquement pas avoir de relations cordiales avec celui qu’il appelait, de ses propres mots, « l’idole de Vichy », et pourtant…
A savoir : les débuts de Salazar, qui ont inspiré la droite et l’extrême-droite française, n’étaient pas dans leur essence, fasciste. Il s’agissait d’un état autoritaire, mais fondé sur le corporativisme. L’état contrôlait la population, par le biais de corporations (de métiers par exemple), qui remontaient leurs besoins aux plus hautes instances.
La population avait, en quelque sorte, son mot à dire, bien que purement consultatif. C’est cette forme d’autorité qui inspiraient les Français, qui voyaient là une façon de gouverner bien plus modérée que la violence exercée par Franco en Espagne.
Gaullistes au Portugal
Salazar était proche des régimes autoritaires, ennemis du « monde libre », que ce soit l’Espagne, l’Italie, et surtout l’Allemagne avec qui le pays faisait des affaires. Mais d’un autre côté, le Portugal était également proche de son allié historique, le Royaume-Uni.
Le président du Conseil se devait donc de ménager la chèvre et le chou, et de garder, tant bien que mal, la neutralité portugaise lors de ce conflit ravageur. Cette neutralité, pour beaucoup ambigüe, a sans doute permis au dictateur de conserver le pouvoir, et même, de s’attirer une relative sympathie des Alliés.
C’est cette neutralité, nécessaire, qui fit fermer les yeux du gouvernement portugais sur les activités des gaullistes au Portugal lors de la guerre. Rappelons-nous que le pays, neutre, était le point de rendez-vous de tous les espions et de toutes les résistances nationales aux envahisseurs de l’Axe.
Salazar jouait ainsi sur les deux tableaux. Il reconnaissait la France de Vichy, et « en même temps », fermait les yeux sur la Résistance française présente sur son territoire, ennemis de Vichy. Une situation pour le moins inconfortable, mais le pragmatisme auquel le Portugais était confronté ainsi l’y obligeaient. A la fin de la guerre, Salazar était ainsi resté quelqu’un de fréquentable pour les Alliés, loin du « monstre sanguinaire » que représentait Franco…
Lorsque l’OTAN fut créée en 1949, le Portugal était l’un des pays fondateurs. Dictature, certes, mais surtout anti-communiste.
Guerres coloniales et collaboration
C’est peut-être la période la plus sombre de la biographie officielle du général De Gaulle. La France, lors des années 1960 et le début des Guerres Coloniales portugaises, apporta son soutien au régime de Salazar et à sa politique africaine.
Il faut dire que la France était également engluée dans un conflit colonialiste, avec la Guerre d’Algérie. Aucun des deux pays n’acceptait de perdre ce qu’ils considéraient comme étant des parties intégrantes de leurs territoires nationaux. A l’ONU, par la force des choses, tant le Portugal que la France se soutenaient ainsi mutuellement.
L’appui français au Portugal était discret, mais concret et militaire. Les services d’espionnage français renseignaient la PIDE (police politique portugaise) sur les activités françaises des opposants du « Estado Novo », le régime politique portugais.
De son côté, le Portugal livrait sans état d’âme à la France les opposants du président français. Il s’agissait des membres de l’extrême-droite, défenseurs de « l’Algérie française », qu’ils soient intellectuels ou militaires.
Salazar ne rencontra jamais De Gaulle
Les deux hommes ne se rencontrèrent jamais. De Gaulle, qui détestait pourtant Franco, avait pourtant bien rencontré le dictateur espagnol ! Il semblerait que la raison soit pragmatique. La communauté portugaise de France, déjà conséquente, et pour beaucoup amère vis-à-vis de Salazar, aurait mal accepté que le président de la République française rencontre celui qui était considéré, par beaucoup, comme étant le responsable de la misère des immigrés portugais.
De Gaulle avait dû se dire qu’il était inutile de se trouver de nouveaux problèmes, surtout qu’il ne nourrissait pas vraiment de sympathie envers son homologue portugais…
Sources
- GAUTRAT, Patrick : No balanço dos ditadores, Franco era o sanguinário, Salazar era mais aceitável. Diário de Notícias, 23/11/2019.
- RIBEIRO, Daniel : A história da aliança secreta entre Salazar e de Gaulle. Expresso, 09/01/2014.
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