femme avec sa tête dans les mains
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La violence domestique au Portugal

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C'est malheureusement presque une constante dans toutes les cultures. Maris violents, enfants battus et crimes passionnels sont le quotidien des faits divers. Au Portugal, ça existe évidemment aussi.


Il existe deux types de violences. La violence physique, la plus visible, mais aussi la violence psychologique. Nous avons regardé l’état des lieux au Portugal, le pays des « brandos costumes », des moeurs douces.

Est-ce que cette réputation est justifiée lorsqu’il s’agit de ce qui se passe dans l’intimité d’une famille ?

violence domestique

Violences physiques

Féminicides

Il n’existe pas de statistiques concernant les féminicides au Portugal (comme pour la Grèce, la Suède ou la Belgique par exemple). Il faut dire que le terme « féminicide », qui est un néologisme, n’est pas accepté partout.

Les données que nous avons sur le Portugal ne sont donc pas officielles, mais émanent de « l’Observatoire des femmes assassinées« . Pour réaliser ses statistiques, l’Observatoire passe par les informations parues dans les médias.

En 2019, nous avons ainsi, du 1er janvier au 12 novembre, 28 femmes tuées par un proche, soit 3 femmes en moyenne tuées par mois. Sur les 15 dernières années, elles ont été 531 a avoir perdu la vie.

Sur la période en étude de 2019, seules 2 femmes ont été assassinées, parce qu’elles étaient femmes, en dehors d’un contexte familial ou intime.

Cette violence des hommes envers les femmes ne se limitent pas qu’au compagnon ou ex-compagnon. Il s’agit également, pour 4% des meurtres, d’un ascendant, et pour 4% également, d’un descendant. Le père qui tue sa fille, le fils qui tue sa mère.

Après un pic de féminicides en 2014 avec 45 meurtres, les statistiques étaient en baisse ces dernières années. La hausse de 2019 vient à contre-courant.

Le pire dans tout ça ? Sur les 20 féminicides commis par des compagnons, 12 avaient été au préalable dénoncés auprès des autorités.

Hommes et enfants

Même si les femmes sont malheureusement les premières victimes, il ne faut pas oublier que les hommes aussi peuvent mourir assassinés par leur compagne. Les chiffres du gouvernement, qui ont été annoncés peu de temps après l’étude de l’Observatoire des femmes assassinées, nous indiquent que de janvier à novembre 2019, outre les 25 femmes adultes tuées, 7 hommes et un enfant ont également été assassinés.

Les enfants sont peut-être les grands oubliés de la violence familiale. Les enfants sont très peu à porter plainte, et sortent donc des statistiques. De plus, certains enfants croient même qu’ils méritent leur sort.

Sans compter bien sûr les enfants qui perdent leur mère, tuée par leur père, qui se retrouve en prison… Ce n’est trop souvent que par dénonciation du voisinage ou de l’école que la police et les services à l’enfance peuvent agir.

Pour rappel, les violences faites aux enfants ne se résument pas qu’à la violence physique ou sexuelle. Le manque d’attention, la négligence, l’éducation ou la santé sont aussi des paramètres pris en compte dans la violence.

100 000 crimes de violence domestique en 5 ans

Selon l’APAV, une association d’aide à la victime, 83% des 43 000 personnes qu’ils ont aidé depuis 2014 sont des femmes. Les hommes ont moins tendance à chercher de l’aide, par honte, et sortent ainsi des statistiques. Le nombre d’hommes tuées par rapport au nombre de femmes tuées nous suggère pourtant que la proportion de victimes masculines doit être bien supérieure à celle constatée par l’APAV.

Selon le gouvernement, il y a en 2019 une augmentation de 10% des plaintes pour violence domestique par rapport à 2018. Rien ne semble expliquer cette augmentation constatée.

Les portugaises se taisent

Si on compare les données portugaises aux données européennes, il semblerait qu’il y aie moins de violences faites au femmes au Portugal qu’au Danemark. Mais ces rapports, basés sur des enquêtes au sein de l’Europe des 28, peuvent être biaisés.

Simplement parce qu’une danoise aura peut-être plus tendance à se plaindre auprès des autorités qu’une portugaise ?

Il faut dire que la justice portugaise est souvent pointée du doigt. Elle ne prendrait pas au sérieux les plaintes pour violences conjugales. On se souvient du juge, M. Neto de Moura, très laxiste envers les hommes violents au moment de rendre ses jugements.

violences physiques en UE
Femmes victimes de violence physique et/ou sexuelle d’un(e) partenaire depuis l’âge de 15 ans, UE-28 (%)

Quoiqu’il en soit, les chiffres semblent meilleurs en France comparativement au Portugal. 117 femmes sont mortes en France sur la même période, ce qui, rapporté à la population, est bien inférieur au Portugal.

Violences psychologiques

Moins visibles que les violences physiques, les violences psychologiques peuvent pourtant avoir des conséquences encore plus graves. En caricaturant, mieux vaut perdre une dent que la raison.

Ce type de violence est encore plus difficile à détecter. Pratiquement personne ne porte plainte contre ce type de violence, aux conséquences pourtant redoutables. Combien de suicides, provoqués par la terreur psychologique ?

Sur les statistiques européennes, comme pour la violence domestique, il semblerait que les pays nordiques soient hyper violents lorsque le Portugal et le sud en général semble un havre de paix.

Mais si une personne n’ose pas porter plainte alors qu’il a été victime d’une agression physique, le phénomène est amplifié pour l’agression psychologique.

violences psychologiques en Europe
Violences conjugales d’ordre psychologique subies depuis l’âge de 15 ans, UE-28 (%).

Des mesures à prendre

Il y a beaucoup à faire au Portugal pour améliorer l’accueil des femmes victimes d’un homme. Un changement de mentalité dans la justice, mais plus encore, un accueil adapté.

Les commissariats et gendarmeries s’équipent, peu à peu, de salles d’accueil de victimes. Il s’agit d’espaces spécialement dédiés. En 2019, 63% des commissariats et gendarmeries portugaises en sont équipées.

Dans le même but, les gendarmes et policiers ont des actions de formation, les sensibilisant à cette problématique. Peut-être que si les autorités prennent enfin en mains la violence domestique, les victimes oseront se confier et dénoncer. A partir de ce moment, nous prédisons une augmentation statistique des violences domestiques. Tout simplement parce que les portugaises ne se tairont plus.

campagne contre la violence faite aux femmes
Affiche d’une campagne contre la violence faite aux femmes.
Victimes de violence, téléphonez au 116 006 ou au 800 202 148

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