Call Center
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Travailler au Portugal

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Il faut en avoir du courage pour venir travailler au Portugal. Les salaires sont les plus bas d'Europe occidentale. Mais en travaillant au Portugal, on gagne autre chose que de l’argent…


Le salaire

Commençons par le nerf de la guerre, l’argent. Si les Portugais émigrent, c’est majoritairement à cause des bas salaires. En 2023, le salaire minimum portugais net est à environ 680 euros. Le salaire moyen n’est guère plus élevé.

Et cela, pour une durée de travail supérieure !

Pour rappel, les semaines de travail sont de 40 heures par semaine, 8 heures par jour ouvré.

Spécificité portugaise, deux « salaires » supplémentaires sont versés aux salariés au cours de l’année. Un salaire à Noël, et un autre en été. Sur un an, le travailleur va donc toucher 14 fois sa rémunération, au lieu de 12.

On peut également ajouter au salaire la « subvention alimentation », la participation de l’entreprise aux frais d’alimentation de son salarié. Il s’agit d’un revenu supplémentaire pouvant dépasser les 100 euros mensuels. Attention toutefois : c’est un avantage facultatif, toutes les entreprises ne le font pas, même s’il est très répandu. De plus, il n’est versé que pour les jours de travail effectif. Il n’y a pas de subvention pendant les congés payés.

Ces deux « salaires » supplémentaires et la subvention alimentation ne sont pas négligeables, mais toujours insuffisants pour combler le fossé qui sépare un salarié portugais d’un salarié espagnol, italien, anglais, français… à compétences et travail équivalent.

Faisons le calcul d’un revenu « réel » et minimal au Portugal :

680 euros mensuels x 14 = 9520 euros nets annuels. En divisant par 12 pour avoir un équivalent comparable aux salaires français, nous obtenons 793 euros nets mensuels.

On peut, pour les chanceux, y ajouter les 100 euros de l’alimentation. Un salarié portugais peut ainsi espérer toucher près de 900 euros par mois, nets d’impôts.

A Lisbonne, il est impossible de vivre avec un si petit salaire, mais dans une ville comme Bragança ou Guarda, c’est pas si mal.

Mais soyons réalistes, les Portugais savent comment ça se passe ailleurs. Pour un pays d’Europe occidentale, les salaires ne sont pas brillants. De plus les pays d’Europe de l’Est commencent à rattraper le niveau portugais. C’est triste à dire, mais le Portugal est toujours à la traîne. Le pire ? C’est qu’apparemment, on n’entrevoit pas de grosses améliorations pour les prochaines années, où du moins des améliorations qui nous permettent au Portugal de rattraper les autres pays.

En résumé, on ne vient pas au Portugal pour l’argent.

Salaires minimum en Europe
Salaires minimum en Europe

Qualité de vie du travailleur

On dit souvent que le niveau de vie portugais est plus bas qu’ailleurs, et que par conséquent, tout serait moins cher. Il serait plus facile de se nourrir ou de se loger au Portugal. Avec un plus petit salaire, on pourrait vivre, et même assez confortablement.

Malheureusement, c’est de moins en moins vrai.

Depuis quelques années, on dirait que le monde entier veut vivre au Portugal. Des étrangers, mais aussi des Portugais de l’étranger, avec des revenus autrement plus importants que ceux des Portugais, s’installent au Portugal.

Leur pouvoir d’achat leur permet d’acheter des logements à des prix plus élevés. Automatiquement, les zones les plus désirables, là où il y a du travail comme Lisbonne, Porto ou l’Algarve deviennent de plus en plus inaccessibles pour les Portugais. Lisbonne est devenue plus chère que Rome ou Bruxelles !

Pour trouver des logements à prix raisonnables, il faut regarder ailleurs. Les gens de Bragance, de Guarda ou de Beja non pas trop vu l’augmentation de l’immobilier.

En outre, les différentes crises qui se succèdent en Europe se répercutent immédiatement dans les prix des biens de consommation courante.

Alors, est-ce que ça vaut le coup de venir travailler au Portugal ?

Je trouve que oui. Le salaire ne fait pas tout, même si mes revenus ont été divisés par deux depuis que j’ai quitté la France

Si je suis au Portugal, c’est parce que j’ai des petits plaisirs que je ne retrouve pas facilement ailleurs. Prendre un « carioca de limão grande » à 1,20 € en bas de chez moi, ça en fait partie.

Télétravail

Je profite de la qualité de vie ici au Portugal, et vraiment je n’ai pas à me plaindre. Si vraiment, je dois râler en bon Français, je pourrais me plaindre de mon télétravail. C’est le revers de la médaille pour ceux qui bossent de chez eux. C’est mon cas, comme beaucoup d’autres, avec des clients à l’étranger. Nous sommes à la maison la plupart du temps, sans voir de collègues.

Alors pour pallier ça, beaucoup vont choisir de travailler dans des espaces de coworking. Entre télétravailleurs, il y a des contacts sociaux, mais ce n’est jamais tout à fait la même chose. Ce ne sont pas de véritables relations professionnelles. En télétravail, on est un peu isolé, et moi, parfois, je me sens seul. C’est pour cette raison qu’on peut me voir souvent au café de ma rue le matin. Pour la convivialité.

Travailler au Portugal en entreprise

Nous avons deux catégories de personnes ayant choisi de venir travailler au Portugal avec de « vrais » collègues.

Les expatriés au Portugal

Le statut « expatrié » est bien défini. Il s’agit de travailleurs étrangers, venus en mission pour le compte de leur entreprise. Leur contrat est en général de trois ans au maximum. Lorsque le contrat touche à sa fin, le travailleur perd ses droits spécifiques aux expatriés.

La plupart de ces expatriés savent qu’ils retourneront dans leurs pays à la fin du contrat. Mais s’ils choisissent de rester au Portugal, ils devront passer en « contrat local ». Un salarié portugais comme un autre. Un salaire bien souvent réduit, une inscription à la sécurité sociale portugaise, et la fin de nombreux avantages.

L’entreprise ne payera plus les frais de logement ou d’école, par exemple.

L’état d’esprit des expatriés venus provisoirement et ceux qui pensent vraiment s’installer pour longtemps est très différent.

J’en connais beaucoup, de ces « provisoires » qui viennent au Portugal. Ils inscrivent logiquement leurs enfants à l’école française.  Pour eux ça n’a pas de sens de les mettre dans une école purement portugaise vu qu’ils savent que de toute façon ils vont repartir. Les changements abrupts de scolarité peuvent porter préjudice à la scolarité de leurs enfants. C’est d’ailleurs le principe même des écoles françaises de l’étranger : permettre aux familles qui changent souvent de pays d’avoir une scolarité régulière.

Les expatriés sont en quelque sorte des aventuriers, des gens qui viennent découvrir autre chose que la France. Le « problème », c’est qu’ils risquent de tomber amoureux du Portugal ! Imaginez si d’un coup, ils ont envie de rester ?

« Tant pis pour le salaire, on aura un salaire plus bas… enfin c’est quelque chose qui se négocie, et je viens vivre au Portugal ! »

surfeurs sur une plage
Je crois que l’on peut comprendre facilement leurs raisons…

Figurez-vous que ce cas de figure arrive assez souvent. Difficile de ne pas tomber amoureux du Portugal !

Ils passent alors dans la catégorie des travailleurs qui sont résidents Portugal à l’année. Deux choix s’ouvrent à eux.

  • Le petit salaire portugais, ce qui est pour moi est de la pure exploitation de la part du patron.
  • Le joli salaire grâce à une très bonne négociation. Les anciens expatriés… ou ceux qui ont du piston !

Mais attention, bien négocié, un salaire peut carrément être le double de celui du collègue faisant la même chose. Eh oui, il peut y avoir ce genre d’écart salarial, ce qui peut provoquer des jalousies (compréhensibles).

Les Portugais n’ont que très peu la culture de la négociation salariale, le Patron est encore Roi. J’espère que justement, avec la venue des étrangers, ça changera !

Comment vivre avec un salaire portugais ?

Oui c’est possible, mais il faut être Portugais. Avec leurs petits salaires, les Portugais comptent souvent sur la solidarité familiale, ce qui permet de joindre les deux bouts.

La grand-mère qui garde l’enfant pour ne pas payer la crèche, la voisine qui apporte des fruits du jardin ou, simplement, vivre chez les parents jusqu’à tard, le temps d’économiser pour acheter son logement. Ce n’est pas pour rien que l’âge moyen pour qu’un Portugais quitte le « nid familial » est passé à 34 ans ! Pour comparaison, en France, cet âge moyen est de 24 ans…

Graphique Eurostat
Selon l’Eurostat, personne ne quitte le nid familial aussi tard que les Portugais en Europe…

Il faut savoir également que les Portugais sont très majoritairement propriétaires de leur logement, à plus de 70%. Les droits de succession immobiliers n’existant pas, un jeune peut ainsi recevoir un héritage une maison lui permettant de vivre, minimisant quelque peu les effets pervers de l’augmentation de l’immobilier.

La vie d’un salarié peut être assez bonne si on est entouré familialement, si on a une maison héritée ou achetée pas trop chère, si notre travail n’est pas trop loin (pas trop d’essence à dépenser), alors oui, ça peut se faire.

Ce n’est bien sûr pas le cas pour beaucoup de Portugais, qui doivent quitter leur village, leur pays.

Si vous êtes Français (Belge, Suisse, Canadien…), que vous voulez venir et que vous n’avez aucune relation familiale, ni des études qui vous permette d’avoir un emploi d’expatrié au Portugal, c’est compliqué.

Qui embauche au Portugal ?

Call Center

La porte d’entrée au Portugal, lorsque l’on a aucune attache, pas de famille ni de statut d’expat, c’est le Call Center, le centre d’appels. On demande juste de savoir parler français ou l’autre langue dont le call center a besoin. Ça peut être du français, du suédois, de l’italien, de l’anglais, et même du coréen ou du japonais !

Le souci : les salaires des call centers sont bas. Pas forcément en comparaison des autres salaires portugais, non, ils sont même un peu meilleurs. Mais comme les call center se situent souvent dans des villes devenues très chères, c’est devenu difficile de réussir à vivre juste avec son salaire !

Je le redis, à Lisbonne ou Porto, le prix de l’immobilier est assez colossal. Beaucoup de jeunes qui viennent travailler en call center partagent en fait un appartement. Ils sont souvent en colocation pour pouvoir minimiser les coûts de la vie. Les calls centers, c’est en attendant de trouver quelque chose d’autre, en attendant de parler le portugais ou simplement pour découvrir le Portugal, avoir une aventure, une expérience professionnelle. Cela étant, on peut partir aussi sec vers autre chose.

Les autres entreprises qui embauchent

Les entreprises de BTP embauchent énormément. La frénésie immobilière, entre constructions neuves et rénovations ne semble pas s’essouffler, et les entreprises portugaises ont du mal à recruter. Une belle carrière dans le BTP est donc possible, mais il faut avoir un très bon savoir-faire. Si vous savez faire, et que vous avez de quoi investir un peu, je vous conseille de créer votre propre entreprise plutôt que de travailler pour un patron portugais.

Travailleurs sur un chantier
Travailleurs sur un chantier

Côté industrie aussi, surtout textile, il y a un manque de personnel qualifié. Mais sachez-le, les emplois très qualifiés ne sont pas forcément à la portée du premier étranger venu. Les Portugais sont en général très qualifiés, beaucoup font de bonnes études, dans de très bonnes écoles portugaises. Il ne semble malheureusement pas y avoir de débouché pour tant de personnes diplômées, du moins, dès que l’on parle de salaire « correct ».  Alors qu’est-ce qu’on fait, quand on a des salaires bas et qu’on est très qualifiés ?

couturier
Travailleur qualifié (la retraite au Portugal, c’est à 66 ans !)

La réponse est évidente, pour un Portugais : on émigre. Pour ne parler que de mon cas, j’ai des cousins en Autriche, d’autres en Allemagne, en Suisse et bien sûr en France. Ils sont un peu partout, sauf au Portugal ! Parce qu’ici, le salaire ne correspond pas du tout au degré de qualification.

Difficulté du travail

Comme on ne gagne pas beaucoup d’argent, les gens ne sont pas vraiment sous pression. Ils n’ont pas vraiment envie de de s’investir à fond, de se tuer à la tâche. On peut les comprendre, qui est motivé lorsqu’il ne gagne que 700 euros par mois ?

Personne ne fera le possible et l’impossible pour son patron à ce tarif.

Ainsi, oui, on faire une pause à 10h, puis une belle pause à midi pour déjeuner. C’est tranquille, même à 40 heures par semaine. Peut-être que là où il y a le plus de stress, curieusement, c’est dans la fonction publique. Attention, pas les fonctionnaires que vous voyez derrière leur bureau dans une mairie, mais surtout les profs qui sont souvent en grève, ainsi que tout le personnel médical, en particulier les infirmières.

C’est, pour les connaisseurs, très similaire à ce qu’il se passe en France. Des horaires de fou, un manque de respect de la part de l’état, des heures supplémentaires qui ne sont pas forcément payées ou prises en compte. Pour les profs, c’est à peu près la même chose. On leur a gelé leur salaire, on peut les muter un peu partout au Portugal, ils ne sont jamais dans les effectifs de l’éducation nationale… Ce n’est vraiment pas génial pour eux, mais ils ont effectivement la sûreté de l’emploi, malgré des petits salaires.

Pôle Emploi portugais : IEFP

Le « Instituto do Emprego e Formação profissional », Institut de l’Emploi et de la Formation Professionnelle est l’équivalent du Pôle Emploi français. Comme lui, c’est compliqué de trouver un travail correctement rémunéré grâce à eux. En revanche, ce qu’il y a de très bien, ce sont leurs formations professionnelles. On peut rapidement apprendre un métier utile au marché de l’emploi portugais. Notez bien, j’insiste : pas forcément bien rémunéré.

Instituto do Emprego e da Formação Profissional

Cadre français venant au Portugal

Parlons de mon cas, qui correspond à celui de tant d’autres que j’ai croisés à Porto ou Lisbonne. Vous étiez cadre dans votre pays, et souhaitez exercer le même métier au Portugal. Un métier compliqué, mais vous êtes très qualifié et compétent.  Il y a des offres d’emploi, vues sur LinkedIN.

Je me suis déjà candidaté pour des emplois, à Porto, dans mon domaine d’activité. Je n’avais pas de prétentions salariales particulières, je savais que je ne pourrais pas demander plus que la moitié de ce que je gagnais à Paris.

J’ai été recalé systématiquement. Systématiquement je suis parti voir ensuite qui avait été effectivement embauché. Des personnes avec un ou deux ans d’expérience, embauchées pour une fraction de ce que je demandais.

Si les salaires sont bas au Portugal, c’est la faute des patrons qui offrent peu d’argent, mais aussi de la faute des salariés qui se vendent à pas cher. Le raisonnement de nos patrons portugais me semble trop simpliste. Les bons salariés, compétents, sont aussi ceux qui vont contribuer à l’augmentation du chiffre d’affaires, à l’amélioration de la compétitivité de l’entreprise.

Sans ça, nous sommes condamnés à végéter, une économie basée sur un travail peu qualifié et à bas coûts, aux antipodes de ce que font les pays de l’Est européen, qui rattrapent leur retard économique à toute vitesse.

Maintenant que vous savez tout ça, j’espère ne pas vous avoir dégoutté du Portugal. Oui, le boulot peut être agréable, parce qu’il n’y a pas de grosse pression ni de stress comme on peut le sentir dans les pays du nord. Votre vie personnelle risque de s’améliorer au quotidien, le soleil, la mer, les cafés et restaurants y contribuant pour beaucoup, sans même parler de la sécurité ou de la culture.

Allez, bonne chance si vous voulez travailler au Portugal !


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