José Duarte Ramalho Ortigão, qui allait devenir l’un des plus grands défenseurs du Patrimoine portugais et des Arts Décoratifs nationaux de son siècle est né à Porto, en 1836.
Fils d’un officier de l’armée, il a étudié le Droit à Coimbra, mais il n’y est pas resté longtemps. A 19 ans, il est professeur de français à Porto, et commence à collaborer avec divers journaux, dans un pays en pleine mutation, dans un pays qui semblait oublier son Patrimoine. Toute sa vie, cet auteur va écrire sur différents sujets de la société portugaise, dans des textes interventifs où il expose sa propre vision critique.
Sommaire
Critique d’Art et la « Question de Coimbra »
Ortigão va, entre autres centres d’intérêts, endosser le rôle de critique d’art. Il développe une œuvre remarquable dans le panorama artistique national, où il regrette la « dénationalisation mesquine du peuple », du fait de la perte de caractère de l’art national. En écrivant son feuillet « littérature d’aujourd’hui », le jeune Ortigão prend part à la « Question de Coimbra », une polémique littéraire des années 1885/1886, opposant les vieux intellectuels du Romantisme au nouveaux courants du Naturalisme et du Réalisme.
Avec son article, l’auteur défendait l’honneur du vieux poète António Feliciano de Castilho, contre les attaques ad hominem de Antero de Quental, représentant de la jeune génération des écrivains Portugais. Provoqué en duel par celui-ci, Ortigão sera blessé au bras gauche, mais gagnera un ami. Les deux auteurs avaient finalement des idées communes, voulant tous les deux amener le Portugal à la « modernité ». Pour ces intellectuels de ce qu’on nomma la « Génération de 70 », la littérature devait montrer la réalité comme elle l’était, pour qu’on puisse la corriger.
Connaître l’étranger pour faire progresser le Portugal
Cette conscience de ce « qui n’allait pas » dans le pays va grandir en Ortigão pendant ses voyages à l’étranger. Son premier voyage à Paris lors de l’exposition universelle de 1867 lui montre les progrès industriels et des arts décoratifs associés. De ce voyage, l’auteur publie en 1868 Em Paris, où il nous indique qu’il voyage « pour revenir ensuite, parce qu’on revient meilleur que ce qu’on est parti ; plus instruit, pas toujours ; plus enseigné, oui ». D’autres œuvres sur ses voyages vont suivre, que ce soit au Portugal avec As Praias de Portugal en 1876 ou à l’étranger avec a Hollanda en 1883 et John Bull en 1887. L’œuvre de Ortigão est le reflet d’une volonté de progrès et de valorisation nationales, un progrès qui passe par la réaffirmation de la culture typiquement portugaise, en contrepoint de ses expériences à l’étranger.
Critiquer pour avancer
Cette recherche constante du progrès, que ce soit pour le Portugal ou pour lui-même, va conduire l’écrivain jusqu’à Lisbonne, où il accepta un poste dans ce qui est aujourd’hui l’Académie des Sciences de Lisbonne. A partir de 1871, il démarre la publication mensuelle de ce qui est de nos jours son œuvre la plus connue : as Farpas (banderilles en français). Il le fait d’abord avec son ancien élève lorsqu’il était professeur de français, désormais ami, Eça de Queirós. Il le fera ensuite seul, lorsque Eça dû partir à Cuba en mission diplomatique. Pendant plusieurs années, Ramalho Ortigão va, par la satire et la caricature, critiquer tous les aspects de la société portugaise, de l’éducation à la religion, en passant par l’économie ou les arts.
O Culto da Arte em Portugal
Touche à tout, l’un de ses plus grands centres d’intérêt va prendre une ampleur particulière pour les historiens d’art. Avec son œuvre o Culto da Arte em Portugal (le Culte de l’Art au Portugal), publiée en 1896, Ramalho Ortigão qui y décrit l’état lamentable dans lequel se trouvait selon lui le Patrimoine portugais, prend fortement position pour une « reportugaisation » de l’architecture et des arts décoratifs. La disparition de savoirs et d’industries autrefois synonymes d’excellence à la portugaise devait être combattue.
Ortigão luttait pour un retour à l’authenticité portugaise dans les arts, spécialement les décoratifs. « Les choses qui entourent l’homme lui forment sa personnalité » selon l’écrivain, qu’elles soient des meubles, des textiles, des azulejos, de l’orfèvrerie, de la vannerie… et ce n’est qu’avec un art véritablement portugais que l’on pourrait inciter à la créativité lusitanienne.
Avec son groupe d’intellectuels, « les vaincus de la vie », anciens de la génération de 70, il affirmait un retour aux traditions passées comme voie de progrès. Selon Ortigão, l’âme portugaise s’exprimait mieux dans les Arts et l’Architecture de style manuélin, que d’autres de son époque considéraient comme style « décadant », en lui opposant férocement les nouveautés venues de l’étranger.
Lutter contre l’abandon du Patrimoine
Dans « O Culto da Arte em Portugal”, Ortigão lutte contre la décadence portugaise, un trait commun de sa production littéraire, interventive. L’intellectuel regrette profondément l’état d’abandon dans lequel se trouvait le patrimoine national, victime de la négligence des gouvernements successifs, mais aussi victime du peu d’intérêt des « élites » nationales pour l’art ancien portugais. Dans son livre, en plus de nous donner sa vision personnelle sur l’état de l’art national, Ortigão fait également des propositions pour résoudre les problèmes, malheureusement peu ou pas du tout suivies.
Inspiré par l’œuvre de l’anglais John Ruskin, il pensait que le Portugal se développerait grâce à la création d’un Musée Industriel ainsi que l’éducation associée du peuple. Ce fut dans les Arts Décoratifs où Ortigão parvint à obtenir un certain succès, des arts capables de valoriser les qualités portugaises. Avant lui, ils n’ont été que trop peu nombreux à donner de l’importance aux Arts Décoratifs. Il a été le premier a lutter pour qu’ils soient considérés comme essentiels pour la production industrielle nationale. Les Expositions et les Commissions où il participa l’écoutèrent et prirent en compte ses analyses, où il fait le lien entre les petites industries de caractère artisanal et l’art ancien, capables de maintenir la tradition et l’originalité portugaises. Pour Ramalho Ortigão, il n’y avait que ce savoir-faire, distinct de celui des autres pays, qui pouvait permettre à l’industrie nationale d’être concurrentielle.
A la fin de sa vie, Ramalho Ortigão, décidément antirépublicain, écrit en 1914 la « Carta de um Velho a um Novo », Lettre d’un Vieux à un Jeune, destinée à João Amaral, fondateur de l’Intégralisme Lusitanien. Ortigão appuie dans son texte le nouveau mouvement, traditionnaliste et monarchiste. L’année suivante, victime de cancer, il décède à Lisbonne.
Bibliographie
ALVES, Alice Nogueira – Ramalho Ortigão e o culto dos monumentos nacionais no século XIX [en ligne]. Lisboa: Universidade de Lisboa, 2009. Thèse de doctorat. [Consulté le 16/01/2021] http://hdl.handle.net/10451/2401
ORTIGÃO, Ramalho – O Culto da Arte em Portugal. Lisboa, A. M. Pereira, 1896. http://purl.pt/207
VILELA, Ana Luísa – Imagens do estrangeiro e auto-imagem na obra de Ramalho Ortigão [en ligne]. Évora: Centro de Estudos em Letras – Universidade de Évora, 2011. [Consulté le 16/01/2021] https://www.utad.pt/cel/wp-content/uploads/sites/7/2018/06/CEL_Literatura_4.pdf
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