Malvina et Ludwig Schnorr von Carolsfeld
Malvina et Ludwig Schnorr von Carolsfeld

Malvina Garrigues, chanteuse d’opéra légendaire

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Fille du consul du Portugal au Danemark, Richard Wagner ne s’imaginait pas qu’en la choisissant pour interpréter son opéra « Tristan et Isolde », il la condamnait…


J’étais dans la voiture, en train d’écouter Antena 2, une radio portugaise spécialisée en musique classique. Ce jour-là, on parlait de Richard Wagner, et de la soprano Malvina Schnorr von Carolsfeld. Ce nom est bien connu des amoureux de la musique classique. Malvina, et son mari Ludwig, ont durablement marqué les esprits par leurs interprétations hors du commun de « Tristan et Isolde ».

J’ai voulu en savoir plus sur cette « portugaise », la radio ayant piqué ma curiosité.

Malvina représente une Europe du XIXe siècle qui à bien des égards pourrait ressembler à celle du XXIe siècle. Une personne pour qui les frontières avaient peu de sens, rattachée à une multitude de pays. Elle est née en 1825 au Danemark. Son père, Jean Antoine Henri Garrigues, était le consul du Portugal. Sa mère, Nanette Palmier, était allemande avec des origines françaises.

Elle fit ses études à Paris, auprès d’un professeur espagnol, le bariton Manuel Garcia. Face à cette avalanche de pays, de nationalités, on est en droit de se demander avec quel pays pouvait-elle bien sentir le plus d’affinités ? En voulant en savoir plus sur Malvina, force est de constater que les sources ne sont pas concordantes. Pour les uns, elle est danoise, pour d’autres, elle est portugaise ou allemande, voire même française ou brésilienne !

Mais Eugénia Malvina Garrigues ne devait pas trop y réfléchir : citoyenne du monde, amoureuse de la musique et de son Ludwig, qu’elle rencontra à l’opéra de Karlsruhe, elle est avant tout, à nos yeux, quelqu’un qui vit pour la musique.

Eugénia Malvina Garrigues
Eugénia Malvina Garrigues

Mariée à Ludwig Schnorr Von Carolsfeld depuis 1860 et de dix ans son cadet, elle mettra sa carrière en sourdine, pour mieux aider son mari, l’étoile montante d’alors, star des ténors allemands. Lorsque Richard Wagner rencontre le couple pour la première fois, il sait alors qu’il a enfin trouvé les interprètes de son nouvel opéra, « Tristan et Isolde », capables de réussir là où d’autres ténors et sopranos ont échoué.

Il faut dire que les rôles sont particulièrement intenses, physiquement et émotionnellement. Malgré cette exigence, le compositeur était loin de s’imaginer qu’en les choisissant, une malédiction tomberait sur le couple. Premier imprévu : Malvina, malade, oblige la première représentation de Tristan et Isolde à être annulée. Reprogrammée un mois plus tard, la création de l’opéra a enfin lieu. C’est ainsi qu’à Munich, le 10 juin 1865, le public découvre pour la première fois ce qu’est un « opéra Wagnérien ».

Ce premier avertissement n’était qu’un prélude. 6 semaines après la création de l’opéra, Ludwig meurt, victime d’un « refroidissement ». Une légende était née, ainsi que le nouveau rôle de « Heldentenor », le ténor héroïque wagnérien. A ce stade, l’opéra dramatique de Wagner semblait bien trop éprouvant pour un être humain… les tuant de fatigue.

Dépressive, Malvina ne chantera plus jamais. Voulant se rapprocher de son mari par le spiritisme, alors très en vogue, l’ancienne soprano souffrira des affirmations de son élève Isodore von Reutter, qui se disait médium. Selon elle, Malvina devait se marier avec Richard Wagner, tandis qu’Isodore devait épouser le roi Louis II de Bavière, un proche ami de Wagner.

Inutile de dire que Cosima Liszt, future Cosima Wagner, ne l’entendait pas de cette oreille, ce qui éloignera définitivement Malvina du compositeur.

Après ces évènements malheureux, Malvina écrira des poèmes et des chansons, tout en donnant des cours de chant jusqu’à sa mort en Allemagne, en 1904.

Je ne sais pas si elle a mis un jour les pieds au Portugal lors de sa carrière. Même si son père était le consul du Portugal, désigné comme tel par la reine portugaise Dona Maria II, il était plus probablement un allemand descendant des Huguenots, vivant à Magdebourg. La diplomatie de l’époque ne s’embêtait pas non plus de nationalités ! Quoiqu’il en soit, Malvina fut baptisée au consulat portugais de Copenhague, lui donnant à jamais un lien avec le Portugal.


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