Basilique Notre Dame du Rosaire de Fatima
Basilique Notre Dame du Rosaire de Fatima

Le sanctuaire de Fatima, le pèlerinage du Portugal

Par

En 1917, trois petits bergers, Lucia, Francisco et Jacinta, ont vu la Vierge Marie, au lieu-dit de Cova da Iria, près de Fatima. Plusieurs apparitions de la Vierge et quelques miracles plus tard, Fatima est devenu un haut lieu de pèlerinage catholique portugais et mondial.


On les voit souvent sur les routes, marchant par petits groupes. Ils marchent souvent sous un soleil de plomb. Entre mai et octobre, des milliers de marcheurs de tout horizons se dirigent vers le sanctuaire de Fatima. Quelle folie, surtout en plein été ! Mais justement, le but, c’est que ce soit difficile. Ils font partie des 6 millions de personnes qui, chaque année, visitent le lieu saint.

Pèlerin, va vers Marie à Fatima !

Il s’agit de marches pouvant faire des centaines de kilomètres, étalées sur plusieurs jours. Certains le font pour le sport, d’autres pour la Foi.

On peut marcher pour demander à Marie et à Dieu quelque chose, le plus souvent une guérison. On peut également marcher pour remercier Dieu d’avoir été exaucé.

Les plus motivés font l’arrivée au sanctuaire de Fatima à genoux, sur une piste prévue à cet effet. Je le redis : le but, c’est que ce soit difficile. Plus on souffrirait, plus on aurait de chances d’être exaucé. Cette attitude est profondément catholique, mais aussi profondément portugaise. Comme dirait ma mère portugaise, « il faut souffrir pour réussir ».

Pèlerins arrivant tout juste à destination
Pèlerins arrivant tout juste à destination

Chapelle des apparitions

Toute cette souffrance auto-infligée se dirige vers l’endroit précis où la Vierge Marie est apparue aux trois petits bergers (en portugais : « pastorinhos ») pour la première fois le 13 mai 1917.

Pour marquer à jamais la solennité du lieu, une première chapelle fut construite dès 1919 grâce aux dons des premiers fidèles. Des terroristes la dynamitèrent en 1922, elle fut reconstruite aussitôt.

Cette première chapelle était déjà trop modeste face à la ferveur populaire qui grandissait d’année en année.

Chapelle des Apparitions
Image de Notre Dame de Fatima à la Chapelle des Apparitions. Dans sa couronne, la balle qui failli tuer Jean-Paul II lorsque qu’il fut attaqué par un terroriste à Fatima en 1981.

Devant la chapelle se trouve l’objet de toutes les adorations : l’image de Notre Dame de Fatima. Sculptée en 1920 par José Ferreira Thedim, elle occupe aujourd’hui la place de l’arbre où est apparue Marie aux bergers.

Cette image est devenue un véritable objet de culte, chaque foyer portugais se devant d’en avoir une reproduction. On dirait aujourd’hui qu’il s’agit du plus grand succès de « merchandising » de l’église catholique portugaise.

En 1982, à l’occasion de la visite du pape, une grande structure architecturale protège désormais la modeste chapelle.

Structure protectrice de la chapelle des apparitions
Sous la structure, la chapelle. Certains pèlerins font le reste du chemin à genoux…

La dévotion envers les apparitions ne faiblissant pas, ni les dons des fidèles, il « fallait » créer un espace de culte plus adéquat. Un endroit plus grand et plus « digne » pour certains, moins authentique pour d’autres.

Azinheira Grande, le grand chêne vert

Un grand chêne vert (en portugais : « azinheira ») jouxte la petite chapelle. Il est le seul arbre à « avoir connu » les miracles de Fatima. Il était également le plus grand.

Les autres arbres furent coupés pour aménager le sanctuaire.

Et le petit chêne vert, l’arbre au-dessus duquel était apparue aux « Pastorinhos » la Vierge Marie ? Il fut découpé petit à petit par les pèlerins, qui voulaient tous rapporter chez eux un souvenir de Fatima. Le peu qu’il en restait encore semble avoir été, comme pour la chapelle, victime d’un « attentat ». Le tronc, ultime vestige de l’arbre, fut ainsi arraché en emmené par des Républicains, des « libre-penseurs » qui voulaient lutter contre la superstition et la crédulité du peuple.

On voit que ça n’a pas fonctionné.

Fatima, faite par et pour les pèlerins

Le sanctuaire a toujours été critiqué dès ses débuts. Certaines personnes n’acceptent pas cet aspect plus formel, voire commercial, de la religion. Il faut dire qu’en entrant dans la superbe basilique, richement décorée, nous sommes loin de la simplicité de trois enfants, bergers d’une campagne oubliée du centre du Portugal…

La grandeur des installations actuelles du sanctuaire n’est pourtant pas le fruit d’une planification ordonnée sur le long terme. Le Sanctuaire a grandi au fur et à mesure des besoins. Ceci explique aujourd’hui l’absence d’unité entre les différents composants du sanctuaire.

Plan du sanctuaire de Fatima
Plan du sanctuaire de Fatima (image Google Maps)

La première chapelle correspondait au souhait de la Vierge. Fatima aurait pu s’arrêter là si les pèlerins en avaient décidé autrement. Mais ce sont eux, par leur nombre et leurs dons, qui permirent la construction du Sanctuaire de Fatima.

Les autorités ecclésiastiques réticentes

Les premières années furent pour le moins désordonnées. L’église était réticente à l’idée de transformer le local en un grand centre catholique. Fatima était trop reculée, trop paysanne, trop chargée de superstition. Les toutes premières informations au sujet de Fatima, sorties dans la presse officielle (et républicaine) en juillet 1917, faisaient état d’une possible « spéculation financière » de la part de personnes « astucieuses » pour profiter de la crédulité du peuple.

Pour l’église, mieux valait garder ses distances, d’autant que l’anticléricalisme de la Première République ne prit fin qu’avec Sidónio Pais et sa prise du pouvoir en décembre 1917.

Ce n’est qu’avec l’attentat aux explosifs de 1922 contre la petite chapelle que le diocèse de Leiria dont dépend Fatima put prendre la pleine mesure du phénomène.

Ne pouvant plus ignorer les nombreux croyants qui s’y retrouvaient, et voulant s’assurer que le culte y soit « correctement » catholique, le diocèse décida de réguler tant que possible la ferveur populaire.

Il faudra pourtant attendre l’année 1930 pour que l’église considère finalement les apparitions de Fatima comme étant dignes d’intérêt.

Basilique Notre Dame du Rosaire

Lorsque la première pierre de la basilique de Notre Dame du Rosaire fut posée en 1928, l’église ne faisait qu’appliquer les dons des pèlerins. Une application contrôlée, selon les désirs et les besoins des croyants, mais également de l’administration ecclésiastique.

Basilique en construction, mars 1936
Basilique en construction, mars 1936

Le projet de cette nouvelle basilique, sous l’impulsion de l’évêque de Leiria José Alves Correia da Silva, fut confié à l’architecte néerlandais Gerardus Samuel van Krieken. Van Krieken habitait alors depuis de nombreuses années au Portugal, et nous lui devons notamment le grand vitrail du plafond de la librairie Lello de Porto.

Le choix stylistique du néobaroque pour la nouvelle église était consensuel. L’église ressemblait à ce qui pouvait se faire ailleurs dans le pays depuis le XVIIIe siècle. Un choix qui s’accommodait parfaitement des matériaux utilisés. On utilisa des pierres et des marbres portugais, loin du béton armé qui commençait alors à triompher un peu partout dans le monde.

À la mort de Van Krieken en 1933, c’est un architecte local qui reprit le flambeau, João Antunes.

Elle sera finalement consacrée en 1953, et obtient le statut de basilique mineure l’année suivante.

Basilique Notre Dame du Rosaire de Fatima
Basilique Notre Dame du Rosaire de Fatima

Trésors artistiques de la basilique

En l’espace de relativement peu de temps, la basilique de Fatima fut embellie de grandes œuvres d’art. Peut-être l’élément artistique le plus emblématique de Fatima, la gigantesque couronne de bronze coiffant le grand clocher de 65 m. Pesant sept tonnes, elle fut fabriquée à Porto, dans l’ancienne fonderie du Bolhão.

Toujours sur le grand clocher, la grande statue de Marie a été réalisée en 1958 par l’américain Thomas McGlynn. Le sculpteur travailla sous les indications de Lucia, devenue religieuse. Il s’agit d’un cadeau fait à Fatima par les catholiques américains.

Un autre cadeau, cette fois par les catholiques de Singapour, se trouve à l’intérieur de la basilique. Décorant la grande arcade, une mosaïque portant l’inscription « Regina Sacratissimi Rosarii Fatimae Ora Pro Nobis », « Reine du Rosaire Sacré de Fatima, priez pour nous ». Cette mosaïque fut réalisée dans l’atelier de mosaïque du Vatican.

Intérieur de la basilique de ND du Rosaire
À l’intérieur de la basilique, décorant l’arcade, la mosaïque

La grande colonnade qui encadre la basilique est surmontée de dix-sept statues. Les quatre plus grandes représentent les plus grands saints portugais : Saint Jean de Dieu, Saint Jean de Britto, Saint Antoine de Padoue et le Saint connétable Nuno Álvares Pereira.

Un Sanctuaire à la mesure des miracles de Fatima

En plus d’un siècle d’existence, le Sanctuaire a bien grandi. Aujourd’hui, le vaste espace peut contenir jusqu’à 500.000 fidèles, un nombre régulièrement atteint avec les visites du Pape.

Un espace en perpétuelle évolution, au gré des nouveaux besoins.

Centre pastoral Paul VI
Centre pastoral Paul VI

Fatima est, aussi, un lieu d’accueil des religieux, avec des endroits dédiés à la formation religieuse, ou à la retraite spirituelle. Le centre pastoral Paul VI, inauguré en 1982, en est un bon exemple. Tout a été fait pour que l’hospitalité portugaise légendaire le soit tout autant pour les religieux.

Moine à Fatima
Un moine à Fatima

Chemin de croix de Valinhos

Le chemin qui allait de Aljustrel, lieu de résidence des petits bergers, au sanctuaire, fut transformé en chemin de croix. C’est au lieu-dit de « valinhos » dans les environs immédiats du Sanctuaire que se trouvent la plupart des œuvres d’art religieuses.

On y trouve le Calvaire Hongrois, un cadeau des religieux hongrois de 1964, alors victimes de l’athéisme militant du régime communiste de leur pays.

Visible également sur le chemin de croix, une sculpture de « l’ange du Portugal », entité protectrice de la Nation, qui serait apparu en cet endroit en 1916 à Lucia, Jacinta et Francisco. C’était, en quelque sorte, une « préparation » aux apparitions de la Vierge l’année suivante.

Toujours plus grand : basilique de la Sainte Trinité

En 2007 est inaugurée la nouvelle basilique de la Sainte Trinité. En forme de camembert, elle est dans l’air du temps. Elle venait répondre à un besoin que le Sanctuaire ne pouvait plus ignorer. Comment accueillir au mieux les fidèles, toujours plus nombreux ? Cette question accompagne Fatima depuis le début, et continue toujours d’actualité.

Basilique de la Sainte Trinité
Basilique de la Sainte Trinité

L’entrée de la basilique de la Sainte Trinité impressionne avec son immense porte de bronze et son parvis en chaussée portugaise. Le lieu de culte associe la tradition avec la modernité. La structure en béton est recouverte d’une pierre calcaire régionale. La décoration respecte le trait épuré de l’architecte grec Alexandros Tombazis.

En plus de l’entrée principale, l’église possède 12 portes latérales en bronze, chacune dédiée à un apôtre.

En nombre de places, il s’agit de la quatrième plus grande église du monde. Plus de 8000 personnes peuvent s’asseoir dans la plus complète des quiétudes. Un tour de force permis par l’acoustique exemplaire et l’absence de piliers à l’intérieur.

Le panneau de terre cuite dorée de 10 m de haut sur 50 de large a été dessiné par un jésuite slovène et réalisé par des artisans des quatre églises chrétiennes.

Légende : Sur la droite, on distingue la Vierge et les deux petits bergers de Fatima.

👉 Pour aller plus loin : Basilique de la Sainte Trinité

Les trois petits bergers

L’innocence des trois petits bergers, qui virent la Vierge Marie une journée de printemps, était une belle histoire à transmettre. Une histoire qui manquait dans le cœur des Portugais meurtris par l’effroyable guerre qui faisait rage.

Les trois petits bergers de Fatima
Les trois petits bergers de Fatima

Aujourd’hui comme à l’époque, on se pose la question : que s’est-il vraiment passé ce 13 mai 1917 ?

Ce que nous savons, c’est qu’une foule immense était présente le 13 octobre 1917, pour la dernière apparition de la Vierge Marie. Ce jour-là, 100.000 personnes auraient vu le « Miracle du Soleil », un soleil qui dansait dans le ciel.

Presque toutes les personnes présentes, y compris des journalistes ou des scientifiques septiques, des anticléricaux ou de simples curieux ont pu le témoigner. Notez bien le « presque » : certaines personnes n’ont rien vu d’autre qu’un délire collectif et quelques rayons de soleil au travers des nuages.

Personnes observant le miracle du soleil
Personnes observant le miracle du soleil

Lucia, qui a consacré sa vie à Dieu en devenant religieuse, fut la seule des trois petits bergers à avoir survécu à l’enfance. Ses cousins Francisco et Jacinta Marto avaient succombé à la Grippe Espagnole en 1919 et 1920 respectivement.

Elle était la gardienne des trois secrets de Fatima, rajoutant une aura mystique au lieu de culte.

Les bergers reposent aujourd’hui au sein même de la basilique.

Jacinta et Francisco furent canonisés en 2017 par le pape François, renforçant encore plus la dévotion des fidèles auprès de leurs tombeaux.

Aujourd’hui, le grand carillon de Fatima sonne la chanson liturgique la plus connue du Portugal, qui commence par les paroles suivantes :

Un 13 mai à Cova da Iria, est apparue, brillante, la Vierge Marie…

Cet air, reconnaissable entre tous, est joué par tant d’autres cloches du Portugal et au-delà !


A lire aussi

×