Salazar, l'homme qui gouverna le Portugal d'une main de fer pendant 46 ans est une personnalité polémique. Le projet d'un musée qui lui serait consacré est un vieux serpent de mer.
La nostalgie du passé
Le Portugal a été durablement marqué par ces plus de 50 années de dictature. D’abord avec Salazar, puis avec son successeur Marcelo Caetano. De nombreuses personnes, encore aujourd’hui, ont une certaine nostalgie de cette époque, où, malgré la pauvreté, le Portugal était « orgueilleusement seul ». Une nostalgie d’un temps souvent idéalisé.
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Dans une émission de télévision de la chaîne publique portugaise, Salazar avait été élu « plus grand portugais de tout les temps » par le public, très loin devant Afonso Henriques ou Vasco de Gama. En deuxième position figurait Alvaro Cunhal, leader communiste et opposant politique de Salazar. Autant dire que ce concours avait été une farce.
D’autres en revanche, en gardent un souvenir amer. Le manque de démocratie, les guerres coloniales et l’émigration intensive de ses forces vives sont des plaies encore mal cicatrisées aujourd’hui. Ils sont aujourd’hui majoritaires dans l’opinion publique. Du moins, celle qui passe dans les médias.
Centre Interprétatif du Estado Novo
Dans les faits, la ville natale de Salazar, Santa Comba Dão, ne veut pas faire un musée à la gloire de son illustre natif. Le maire de la ville a tenu à clarifier les choses auprès des médias, qui comme souvent, se sont emballés.
Pour le maire Leonel Gouveia (Parti Socialiste), effacer le passé de la mémoire collective n’est pas un service que l’on rend à la population. Qu’il soit bon ou mauvais, c’est justement le but le plus noble de la science historique : étudier le passé pour ne pas répéter les mêmes erreurs.
En pratique, il s’agit surtout pour le maire d’avoir une nouvelle attraction touristique pour sa petite ville de 3000 habitants, 12 000 en comptant toute la municipalité. Pour lui, il ne s’agit pas de faire un « sanctuaire pour nationalistes », mais un centre d’études sur l’ancien régime autoritaire portugais.
Lire pour mieux comprendre : les municipalités portugaises
J’ajouterais à titre personnel que même si Salazar a probablement fait plus de tort que de bien au Portugal, tout n’est pas à jeter, loin de là. Comme toujours, il y a des zones de lumière dans l’ombre, tout n’est pas noir ou blanc.
Pétitions publiques
Le sujet a toujours polarisé les portugais. Salazar est-il un grand homme portugais, ou bien le pire criminel de l’Histoire ? Dès l’annonce de la volonté de Santa Comba Dão de création de musée, deux pétitions se sont affrontées sur les réseaux sociaux. Une pour la création du musée, et l’autre, contre. Chacune avec des dizaines de milliers de signatures.
Le parlement tranche : ça sera non
Le 12 septembre 2019, le parlement a voté la censure contre la création d’un musée de Salazar, avec l’abstention des partis de droite, PSD et CDS. Il n’y aura donc pas de musée au Portugal dédié à l’étude du Estado Novo, « l’Etat Neuf » comme désignait Salazar son régime politique.
Est-ce une bonne idée d’interdire ce « centre interprétatif » ? Oui, mais pas pour les raisons évoquées par les médias. Oui, parce qu’un musée de ce type n’a pas besoin d’être à Santa Comba Dão, et encore moins pour « dynamiser le tourisme ».
Le projet scientifique qui se trouvait derrière, même en étant rattaché à une institution sérieuse comme le Centre des Etudes Interdisciplinaires du XXe siècle de l’Université de Coimbra, nous semble surtout et avant tout une bonne excuse pour le maire socialiste d’attirer des touristes. Peu importe qu’ils s’agisse de patriotes, de skinheads ou de simples curieux.
Pour ma part, je serais pour la création d’un tel espace, mais dans la région de Lisbonne, pourquoi pas dans une ancienne prison de la police politique (la PIDE).
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