Entre 1996 et 2011, le professeur José Hermano Saraiva nous faisait découvrir l'Histoire du Portugal, avec deux émissions de télévision aujourd'hui mythiques.
Service public de télévision
Les 343 épisodes de « Horizontes da Memória » et les 455 épisodes de « A Alma e a Gente » nous ont fait voyager dans le temps, à la découverte du pays dans ses moindres recoins.
Sommaire
Chaque semaine, les portugais pouvaient ainsi profiter sur la chaîne publique RTP2 de 30 minutes de l’Histoire d’une ville, d’une région portugaise ou d’une personnalité. Inlassablement, le professeur Hermano Saraiva nous a fait découvrir un Portugal souvent méconnu du grand public.
Son immense talent de communiquant parvenait à rendre passionnante la moindre petite histoire, la moindre légende du plus obscur des villages. Il faut dire qu’il avait le don de nous emmener avec lui dans ses récits, avec sa bonhomie et sa passion.
Il a été en quelque sorte mon mentor télévisuel, et j’éprouve pour lui un profond respect. Décédé en 2012, il laisse un vide gigantesque dans le panorama culturel et grand public portugais.
Horizontes da Memória
« Horizons de la Mémoire »
Cette première émission, diffusée entre 1996 et 2003, nous emmenait à un endroit du Portugal. José Hermano Saraiva nous raconte alors, avec sa façon bien à lui, l’histoire du lieu, ses grands hommes, ses monuments. Amoureux du patrimoine, le professeur ne manquait pas une occasion dans son émission de rappeler aux pouvoirs publics leur devoir.
Il s’agissait de conserver un patrimoine souvent en piteux état, de la valoriser. Il savait déjà à l’époque qu’un jour, la plus grande richesse du pays serait la culture, son Histoire et bien sûr, ses monuments. Aujourd’hui, tant d’années plus tard, il faut bien reconnaître que de nombreux touristes viennent au Portugal aussi à la recherche de ce passé qui, comme le disait Luís de Camões, a permis au Portugal de « donner de nouveaux mondes au Monde ».
A Alma e a Gente
« L’Âme et les Gens »
L’émission qui prendra la succession de Horizontes da Memória est légèrement différente. La première partait d’un lieu. Celle-ci part d’une personnalité. Dans les deux, José Hermano Saraiva raconte, illustre par les mots, d’un seul trait et sans prompteur.
L’émission se terminera en 2011, José Hermano Saraiva ne pouvant plus l’assumer avec sa santé défaillante. Il décédera en 2012.
L’historien
José Hermano Saraiva est de Leiria. Il y est né en 1919 et y a vécu jusqu’à ses 12 ans, lorsqu’il déménagea à Lisbonne. Titulaire d’une « licenciatura » en sciences historico-philosophiques en 1941, il poursuivra ensuite des études de Droit, jusqu’à une nouvelle licenciatura en 1946.
Licenciatura ? Aujourd’hui, au Portugal, ce terme équivaut à une licence française. Pour l’obtenir, 3 années d’études suffisent. Autrefois, avant la réforme dite de Bologne, il fallait 5 années pour obtenir ce diplôme.
Son début de carrière est parlant, et nous explique l’homme qu’il sera toute sa vie. Il cumulera le métier de professeur en lycée avec celui d’avocat. En tant que professeur, il donnera des cours dans des lycées de Lisbonne, mais aussi aux Açores. Son parcours, atypique, le mènera à l’Université, où il enseignera également.
En tant qu’historien, il ne laissera pourtant pas de grands écrits ou de grandes nouvelles découvertes. Sans doute parce qu’il était trop éclectique, pas assez spécialisé dans un domaine précis.
Quoiqu’il en soit, l’homme possède de nombreux détracteurs, qui mettent en doute sa vision de l’Histoire. Il passerait trop sous silence les mauvais côtés et mettrait en revanche dans toute sa splendeur du Portugal.
Sa plus grande force était ailleurs. Celle de la communication. Ses talents d’éloquence en tant qu’avocat, liés à ses talents pédagogiques de professeur ont fait des merveilles pour faire connaître l’Histoire du Portugal.
Le politique
José Hermano Saraiva était un admirateur de António de Oliveira Salazar. Il lui restera fidèle de sa plus tendre enfance jusqu’à sa mort. Pour lui, pas de doute, Salazar était un « saint », un juste. Son exemple le plus parlant : Salazar ne s’est jamais enrichi, et vivait de manière austère.
Engagé en politique, il deviendra ministre de l’éducation de 1968 à 1970. Une période difficile et de transition. Malade, Salazar doit se retirer de la vie politique. Ce fait suscite un immense espoir chez les étudiants de Coimbra, qui veulent prendre exemple sur le mai 68 français.
Cette « crise académique » de 1969 se terminera dans la répression. De nombreux étudiants seront alors envoyés faire la guerre dans les colonies. Beaucoup ne reviendront pas.
Hermano Saraiva, alors ministre, aura sa part de responsabilité. L’opposition communiste ne le lui pardonnera jamais. Écarté du pouvoir, il deviendra ambassadeur au Brésil. Après la Révolution en 1974, il reviendra à ses premiers amours : l’enseignement.
Quelque part, c’est une chance que sa carrière politique fut une parenthèse. Ceci nous a permis de découvrir un homme passionné par le Portugal et la vulgarisation historique, pour notre plus grand bonheur.
La tolérance portugaise
Le côté politique de José Hermano Saraiva est aussi un exemple de tolérance extraordinaire. Malgré son passé de responsable d’un régime autoritaire, (voire même fasciste pour certains, bien que le fascisme soit dans son essence différent), il a conservé l’estime des portugais.
Sauf bien sûr, celle de l’extrême-gauche. Mais c’est ici que l’on voit l’âme portugaise. Le frère de José Hermano Saraiva, António José Saraiva, était communiste ! Et bien sûr, les deux frères s’appréciaient énormément. Fervent opposant de Salazar, il vécu en exil de 1960 jusqu’à la Révolution. Il avait avant son exil connu la prison, lui le professeur d’université.
Malgré de tels différents politiques, jamais les deux hommes n’ont arrêté leur relation fraternelle. José Hermano Saraiva admirait son grand frère, qui, comme lui, était historien. Nous parlons ici d’un historien scientifique, qui a laissé derrière lui une oeuvre monumentale.
Ces deux frères sont un symbole pour les portugais. Malgré des désaccords profonds et irrémédiables, nous pouvons vivre en bonne entente.
José Hermano Saraiva avait ses raisons de penser que Salazar était un grand homme. Même contre l’avis de son frère. En ce qui me concerne, je le préfère en tant que communiquant et vulgarisateur de l’Histoire. Ce n’est pas parce qu’on est en désaccord avec ses opinions politiques que l’on doit ignorer son travail pour le bien du Savoir.
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