Ville du Moyen Âge
Ville du Moyen Âge

La classe moyenne à la fin du Moyen Âge portugais

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La fin du Moyen Âge a été marquée par de grands bouleversements sociaux. Les différentes crises du XIVe siècle, entre pestes et guerres, ont créé les conditions pour que le « petit peuple » puisse enfin être mieux pris en compte dans les décisions politiques locales.


Corporations de métier

Lisbonne, comme tant d’autres villes du royaume, avait un for, une charte lui permettant d’avoir un certain degré d’autonomie. Les habitants ne dépendaient que du roi et non d’un seigneur féodal ou du pouvoir ecclésiastique pour s’organiser. Dans ce contexte, les corporations de métier s’étaient rendues nécessaires face aux crises toujours plus fréquentes de cette fin de Moyen Âge. Un sens plus aigu de la sociabilité, de l’entraide ainsi qu’un besoin de représentativité et de pouvoir de négociation avec les autorités ont fait que des personnes semblables forment des corporations.

En cette période charnière, l’organisation des villes possédant un for était faite par des privilégiés qui dominaient les postes municipaux. Le point de virage se fit lorsque le roi Denis Ier favorise les « hommes bons » de Lisbonne, c’est-à-dire les plus puissants, les riches propriétaires de la ville. Se faisant, il mettait à part les artisans des décisions municipales, malgré une tentative antérieure de les inclure. Depuis lors, les anciennes « assemblées de voisins », où tout le monde pouvait participer (bourgeois, artisans ou simples particuliers) ont peu à peu été remplacées par des assemblées restreintes à l’élite locale.

Lutte pour être représenté

Ce que nous nommons aujourd’hui « classe moyenne » était rarement appelée à intervenir avec un pouvoir décisionnel lors des assemblées municipales. Son rôle était alors simplement consultatif. Les décisions finales étaient de la responsabilité d’une oligarchie permise par le pouvoir royal. Les interventions des artisans pendant le XIVe siècle furent épisodiques, le plus souvent en rapport avec des matières qui les concernaient directement. Il s’agissait de fixer le prix des biens ou services qu’ils produisaient, par exemple, ou de la mise en pratique de décisions de la plus grande importance qui concernaient toute la ville.

Les artisans étaient composés par une population socio-professionnelle hétérogène, exerçant des métiers hiérarchisés aux yeux du peuple. Un orfèvre était ainsi plus prestigieux qu’un boucher. Chaque artisan pouvait être entendu séparément de ses congénères par les autorités, s’il s’agissait de ses intérêts particuliers. Pourtant, aux yeux de l’Assemblée Municipale, il n’y avait pas de distinction hiérarchique entre les artisans, un orfèvre n’ayant pas plus de pouvoir de délibération qu’un tisserand (aucun ou très à la marge…).

Artisans cordonniers
Artisans cordonniers

Autorité et artisans

On remarquera que les artisans pouvaient interagir avec les autorités municipales de trois façons.

  • En ayant recours au « corps de métier », où plusieurs artisans d’un même métier pouvaient s’unir pour être représentés auprès des autorités.
  • En choisissant des représentants. La municipalité pouvait ainsi convoquer tous les corps de métiers en convoquant leurs représentants.
  • En venant en leur nom individuel, en ne représentant que leurs problèmes personnels en dehors de ceux du reste de la profession. Ces individuels pouvaient également être des « hommes bons », certains artisans étant parfois riches et influents.

Le XIVe siècle fut pour les artisans un siècle de forte croissance, toujours plus nombreux et importants dans l’économie de Lisbonne. Mais malgré cette présence sociale toujours plus forte, le pouvoir représentatif des artisans n’y correspondait pas. La bourgeoisie locale s’y opposait toujours fermement. Les artisans n’avaient que peu de ressources pour contester des décisions contraires à leurs intérêts. Ils pouvaient demander l’intervention du Roi, ou, plus simplement, faire la grève. La grève était un moyen extrême de contestation, pouvant terminer en prison ou même par le remplacement du gréviste, certains métiers étant contrôlé par la ville. Ce contrôle obligeait l’artisan à certains devoirs, sous peine de perdre le droit d’exercer son métier.

Ville du Moyen Âge
Ville du Moyen Âge

Maison des 24

Tout change avec les révoltes de 1370-1380, provoquée par les guerres fernandines, opposant le roi du Portugal Ferdinand Ier au roi de Castille Henri II. Les requêtes des artisans au futur roi Jean Ier furent prises en compte par celui-ci, ce qui lui donna un soutien décisif de cette population laborieuse et urbaine. Deux décisions fondamentales furent prises par le Roi, pour le bien des artisans. Dorénavant, il ne pourrait plus y avoir de décisions municipales sans le consentement des artisans. La création de la « Maison des 24 » au sein des autorités municipales, où chaque corps de métier était représenté par au moins deux artisans était la matérialisation de la décision royale. De même, les impôts seraient désormais payés suivant les richesses du contribuable. Nous rappelons que c’étaient eux, les artisans, qui payaient la plus grande part des impôts, les oligarchies municipales ayant souvent le privilège d’en être exemptés. Les artisans, avec l’arrivée au pouvoir de Jean Ier, ont ainsi obtenu un plus grand contrôle sur les destins de Lisbonne. Mais, malgré les conquêtes des artisans, la bourgeoisie et l’aristocratie locales n’aura de cesse de s’opposer aux corps de métier pendant tout le siècle suivant, réussissant à obtenir plusieurs retours en arrière dans d’autres villes du pays.

Bibliographie

GOMES MARTINS, Miguel – O concelho de Lisboa durante a Idade Média: homens e organização municipal (1179-1383). Cadernos do Arquivo Municipal, série 1, número 7 (199?). Câmara Municipal de Lisboa, Arquivo Municipal. Lisboa. [en ligne] [consulté em 20/05/2019] http://arquivomunicipal.cm-lisboa.pt/fotos/editor2/72.pdf

MELO, Arnaldo Sousa – Os mesteirais e o poder concelhio nas cidades medievais portuguesas (séculos XIV e XV). (2013) Edad Media, Rev. Hist. 14. Valladolid: Universidad de Valladolid.

PRADALIE, Georges – Lisboa da Reconquista ao Século XIII. Lisboa: Palas Editores (1975).


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