Bruno Fernandes, joueur star de la Seleção, a joué étant gamin au ADR Pasteleira Futebol, un club de quartier à Porto. Pasteleira est un quartier trop tristement connu pour ses problèmes de drogue et de violence...
Un ami a un fils qui joue au foot. Un bon garçon qui a envie de progresser dans le sport roi. Qu’elle ne fut pas ma surprise lorsqu’il me dit qu’il l’avait inscrit au club de Pasteleira !
Sommaire
Nous habitons à proximité de ce quartier. Un quartier que nous évitons, un quartier à problèmes. C’est ici que l’on vient se fournir en drogue, c’est ici que les descentes de police sont régulières. Le problème est si grave qu’une « salle de shoot » a été installée il y a peu à Pasteleira Nova, le coin le plus sensible de ce quartier.
Le problème est si grave que lorsque Sofiane, un rappeur français, est venu tourner un clip au Portugal, c’est à Pasteleira qu’il est venu.
Pour moi, mon ami jetait son fils dans la gueule du loup. Je me trompais.
Pasteleira, autrefois un modèle
Lorsque Porto commença a grandir vers l’océan, il y avait entre le quartier de Foz et le centre-ville des bois et de nombreux terrains vagues, dont personne ne voulait. En dehors des deux grands axes bourgeois qui furent construits en direction de Foz, l’avenue de Boavista et celle du Marechal Gomes da Costa, on ne se pressait pas pour s’y installer.
A la fin des années 1950, des logements sociaux y furent construits. De grands immeubles, tous identiques, pour y loger les nombreux habitants venus pour travailler. C’était à l’époque un modèle de constructions sociales, et les gens étaient heureux de venir habiter ici.
En 1962, la Associação Desportiva e Recreativa da Pasteleira était crée. Les enfants, en plus de l’école, avaient le foot.
Une école fut construite dans la foulée, il y avait l’électricité, l’eau et tant d’autres choses dont mes parents ne pouvaient que rêver dans leur campagne perdue quelque part dans le centre du pays.
Pasteleira, une verrue
Aujourd’hui, lorsque l’on vient dans cette zone occidentale de la ville, on ne peut s’empêcher d’être surpris par ce quartier. Il se trouve au beau milieu d’immeubles modernes, de maisons cossues, de boutiques chics. Nous sommes dans la zone « noble » de Porto, où les voitures de luxe font partie du paysage quotidien.
Nous savons tous que le quartier pauvre de Pasteleira est antérieur au luxe actuel. La gentrification de la ville est passée par là, et ce qui était autrefois des maisons accessibles à la classe moyenne sont devenues des maisons bourgeoises. Une maison mitoyenne se vend facilement 800 000 euros. En face, des HLMs pour les plus pauvres. Pauvres qui doivent vivre dans leurs immeubles avec les déshérités de la ville, qui n’ont pas de travail et qui survivent en vendant de la drogue.
Avec la pression immobilière, la ville essaie petit à petit de « déménager » ces classes plus populaires du quartier. On l’a vu avec la démolition des tours du Aleixo, un quartier voisin où se retrouvaient tous les dealers de drogue de Porto.
Les tours ont dont laissé place à des projets d’urbanisme plus en phase avec la nouvelle sociologie de ce coin de la ville de Porto, sauf que…
Les dealers de Aleixo se sont repliés sur le quartier de Pasteleira Nova. Ce qui était autrefois problématique est devenu critique.
Sur cette carte, vous avez les limites du « ghetto ». Les gens ne se mélangent pratiquement pas. Les habitants des maisons bourgeoises vont au Lycée français, ceux de Pasteleira vont à l’école publique du quartier. C’est une séparation provoquée par l’argent, ceux de Pasteleira n’ayant pas les moyens de payer une école privée ou d’entrer dans un bar où le café est plus cher…
En venant faire mes courses au marché du quartier, on se rendait vite compte que les femmes en sac à main Louis Vuitton ne venaient pas ici. Elles ne savent pas ce qu’elles ratent.
Le club de foot de l’espoir
Je peux paraître critique envers ce quartier. C’est plutôt de la tristesse. Je pense aux habitants, modestes mais qui vivent honnêtement, obligés de côtoyer ce qu’on appelle en français la « racaille ». Une racaille qui souvent sont leurs propres enfants !
Touchés par le fléau de la drogue dans les années 1980, celui qui était autrefois un quartier social « modèle » est devenu un enfer. Inutile de blâmer les étrangers ici : l’écrasante majorité des habitants sont des Portugais de « souche ». Seule la pauvreté, l’exclusion mais surtout la drogue est à blâmer.
Pourtant, malgré les problèmes, le quartier est vivant et ne perd pas espoir. Au tout devant de la scène, son club de foot. Un club de foot modeste, mais assis sur un tas d’or. Il suffit d’imaginer la valeur immobilière de leurs installations et terrain de foot,,,
Pasteleira, fréquenté par les classes populaires, a un concurrent, le Futebol Clube da Foz. Foz est beaucoup plus ancien, et a beaucoup plus d’argent. Nous restons sur la séparation nette des gens, y compris au niveau du sport.
Mais ça change, et Bruno Fernandes y a contribué, sans le vouloir.
Bruno Fernandes
Né à Maia en 1994, dans les environs de Porto, Bruno Fernandes a montré très tôt ses aptitudes pour le football. Inscrit à l’âge de 8 ans au FC Infesta, il passe très vite au Boavista, qui le « prêtera » au ADR Pasteleira. Arrivé dans le club du quartier à l’âge de 12 ans, il y restera 5 ans, entre Boavista et Pasteleira.
C’est un héros du club, mais il n’est pas du quartier. Il avait hésité entre le FC Porto et le Boavista, mais il avait fini par opter pour le Boavista, seul club qui lui proposait de le transporter de chez lui jusqu’à l’entraînement. Les parents de Bruno n’avaient pas le permis…
Bruno Fernandes a mis un peu de temps à exploser pour le football. Les déboires du Boavista, ne l’ont pas aidé, et ne voulant pas accompagner son club dans les enfers de la punition pour corruption, quitta le Portugal pour l’Italie.
Passé par trois clubs italiens, Novara, Udinese et Sampdoria, Bruno devint un footballeur aguerri, et revint au Portugal en 2017, cette fois au Sporting, où il démontra toute l’étendue de son talent.
En 2020, le Manchester United le recrute, dans ce qui a été l’un des transferts les plus chers de l’histoire du football portugais. Le parallèle est vite fait avec Cristiano Ronaldo, lui aussi recruté par les Mancuniens au Sporting plusieurs années auparavant.
Dès lors, le Pasteleira change d’aura. Aux yeux des enfants du coin, il est devenu un club de prestige. Pasteleira, qui était un repoussoir, est devenu un aimant. Et cerise sur le gâteau, grâce aux nouveaux règlements de la FIFA sur le fairplay financier, Pasteleira allait recevoir une partie de l’argent du transfert de Bruno Fernandes au Manchester United.
De quoi payer les dettes du club et faire des investissements dans leurs installations sportives.
Je comprends mieux la joie du fils de mon copain en venant dans ce club !
Pasteleira de l’avenir
Si vous êtes un investisseur sur le très long terme, vous le savez. Pasteleira peut devenir l’un des meilleurs quartiers de la ville. Situé près de la grande piscine de Fluvial et ses installations sportives de premier plan, collé au Parc de Serralves, au Parc de Pasteleira, en face des résidences bourgeoises, le potentiel est colossal.
Pour ne rien gâcher, les immeubles de la « vieille » Pasteleira ont récemment été rénovés.
Soyons carrément cyniques : avec les décès progressifs des toxicomanes, pour la plupart âgés de 40 ans ou plus, ce quartier sera dans 20 ans une pépite. Il sera, comme partout à Porto, rattrapé par la gentrification, sans que personne ne pleure ni le regrette.
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