Les Français furent nombreux à participer à l'effort de reconquête de l'ancien royaume chrétien d'Hispanie. L'un d'entre eux immortalisera à jamais sa ville de Vendôme dans les armoiries de Porto...
Cette légende lointaine, liant la ville de Porto à Vendôme en France a pourtant été oubliée. La plupart des habitants de Porto n’ont qu’une vague idée de leur blason. D’autres histoires, d’autres légendes sont venues depuis se superposer, éclipsant la légende initiale…
Sommaire
La légende de Vendôme
La Reconquête chrétienne de ce qui n’était pas encore le Portugal ou l’Espagne fut difficile. Entre avancées et reculs, les petits royaumes chrétiens du nord de la péninsule ibérique luttaient contre de formidables ennemis. Deux chevaliers chrétiens, Munio Viegas et son frère Sesnando, dans leur tentative de reconquérir la ville de Porto, sont partis chercher de l’aide en Gascogne, en France.
Nous sommes alors à la fin du Xe siècle, début du XIe siècle, et personne ne parle encore de Croisades. Il s’agit pour nos deux frères, de trouver des aventuriers gascons à même de les suivre, attirés par l’appât du gain des éventuels pillages. La Foi n’entre pas encore dans l’équation. Ce n’est qu’en 1063 que le pape Alexandre II innove en parlant de « guerre juste », la guerre pour protéger les chrétiens persécutés.
Munio Viegas et Sesnando parviennent à convaincre, tant et si bien que de nombreux volontaires les suivront, en route vers Porto. Livrer bataille au pouvoir islamique était alors une cause juste. Cette troupe de Gascons était accompagnée par un « évêque de Vendôme« .
Dom Nonego
L’évêque de Vendôme qui suivit les Gascons au fin fond de la Chrétienté se nommait, selon la légende, « Nonego ». C’est lui qui, selon la légende, aida Munio Viegas a recruter en Gascogne des hommes pour combattre « le Sarrazin ».
Deux problèmes viennent immédiatement à l’esprit lorsque l’on évoque un « évêque de Vendôme ». Vendôme n’était pas le siège d’un évêché, et ne se trouve pas en Gascogne. En revanche, deux évêques, issus de la noble famille de Vendôme ont existé autour de l’an 1000.
Le premier, Renaud de Vendôme, fut l’évêque de Paris de 991 à 1017. Le deuxième, Hubert de Vendôme, fut l’évêque d’Angers de 1006 à 1047. On s’aperçoit que deux évêques « de Vendôme » étaient alors en fonctions en même temps en ce début de XIe siècle.
Il semble peu probable que Nonego soit l’un de ces deux hommes, ou même qu’il fut évêque. Nous ne saurons probablement jamais.
Victoire chrétienne à Porto
Porto avait déjà été reconquise autrefois, dès l’an 868 par Vimara Peres. Mais, nous l’avons vu, la Reconquista fut faite de victoires et de défaites. Autour de l’an 990, la ville était aux mains musulmanes. C’est par le fleuve, le Douro, que « l’Armada des Gascons » et les hommes de Munio Viegas parvinrent à reconquérir la ville.
La « Praça da Batalha« , Place de la Bataille a Porto, serait l’endroit exact où les Gascons affrontèrent les Sarrazins.
La Vierge de Vendôme
Après la victoire, les guerriers francs contribueront à la reconstruction de la ville. Nonego, qui décide de rester à Porto, fait don à la ville d’une image de la Vierge. Il s’agit d’une réplique d’une image qui était vénérée chez lui, à Vendôme. Désormais, la ville sera sous la protection de la Vierge de Vendôme.
Cette image sera installée durant des siècles au dessus de la porte principale de la ville, la « Porte de Notre Dame de Vendôme ».
Cette légende, dans le contexte de la Reconquista, possède une base réaliste. Des nobles chevaliers, venus de France, ont effectivement aidé de façon décisive les Chrétiens ibériques dans leur lutte contre les musulmans. Il suffit de penser à Henri de Bourgogne, père du premier roi du Portugal.
Dans la « freguesia » de Ramalde, quartier de Porto, il existe un endroit nommé « Francos » (Francs) connu sous ce nom depuis au moins le XIIe siècle. Avec l’ancienne rue Francigena, il s’agit là de forts indices de l’influence française dans la toponymie de Porto.
Finalement, l’existence d’un évêque nommé Nonego à Porto en l’an 1025 semble confirmer la légende… ou une construction postérieure et artificielle d’une histoire basée sur des faits passés. Les intellectuels du Moyen Âge avaient souvent l’habitude d’inventer de toutes pièces une Histoire plus à leur convenance, faisant peu de cas de la réalité historique.
Vendôme et Porto
Nous ne saurons peut-être jamais la véritable origine de la Vierge de Vendôme, ni sa relation avec la ville française de Vendôme. Au début du XXe siècle, l’érudit José Júlio Gonçalves Coelho ne parvint pas à établir de liaison entre les deux villes, ni ses correspondants français.
Abbaye de la Trinité de Vendôme
Peut-être pouvons-nous trouver une éventuelle correspondance avec l’abbaye de la Trinité de Vendôme ? Cette abbaye, fondée au XIe siècle, possède l’un des plus anciens vitraux de France, le vitrail de la Vierge de Vendôme. Ce vitrail d’exception est de style roman, daté de la première moitié du XIIe siècle. Pour l’abbaye de Vendôme, la représentation de la Vierge était de toute première importance.
Nous pouvons seulement supposer que l’un des membres de cette puissante abbaye, pourquoi pas le futur Nonego de Porto, décide d’apporter avec lui une image de la Vierge. Une image protectrice, face aux dangers que la reconquête de Porto pouvait représenter.
Il existe encore une dernière possibilité pour expliquer cette présence de Vendôme à Porto. Au XIe siècle, les comtes de Vendôme et ceux d’Anjou se battaient pour prendre le contrôle de Vendôme. L’abbaye de la Trinité avait été construite dans ce contexte, par Godefroy II d’Anjou, affirmant ainsi sa souveraineté. Peut-être que Nonego, de la famille ou allié aux comtes de Vendôme, avait quitté la France pour le Comté de Portugal, pour échapper aux comtes d’Anjou.
En l’absence de sources crédibles, nous ne pouvons qu’émettre des suppositions, à la recherche d’une liaison qui n’a peut-être tout simplement jamais existé.
La piste d’Avignon
Une chose est sûre : l’image qui était autrefois présente sur l’ancienne Porte de Vendôme jusqu’à sa démolition en 1855 n’est pas l’originale. Aujourd’hui conservée au sein de la cathédrale de Porto, elle est, selon la tradition, une reproduction de l’ancienne statue de la Vierge. Datée du XIVe siècle, l’image est contemporaine de la première apparition de la Vierge dans un sceau municipal de Porto (1354).
Elle matérialisait aux yeux de tous ceux qui passaient par la porte principale de la ville la consécration de Porto à Marie.
Il existe encore une dernière explication plausible pour lier Vendôme à Porto. Vasco Martins, avant d’être évêque de Porto en 1334, était auprès du pape à Avignon. C’est de là-bas qu’il aurait apporté une image de « Notre Dame des Doms et de Tout Pouvoir », qui se trouvait alors au palais des papes à Avignon.
Il est aisé de penser que cette image (en réalité de fabrication portugaise) serait en fait notre image de Vendôme, du même siècle. On lui ainsi ajouté une histoire légendaire afin de lui donner plus de prestige et de soutien populaire…
Vandoma, l’explication plus réaliste
Si la Vierge est dite « de Vendôme », c’est peut-être tout simplement par métonymie avec la porte où elle se trouvait, sans qu’aucun chevalier ou évêque français ne l’apporte dans ses bagages. De cette porte de Vendôme partait une route, qui, de fait, allait à Vandoma, un village des environs de Porto.
Un village parmi d’autres de la région aux influences toponymiques françaises. Il ne nous reste plus qu’à savoir si la dévotion à Marie des habitants de Porto était antérieure à Vasco Martins, ou bien si c’est cet évêque qui l’a développée, en contribuant à son institutionnalisation municipale.
Cette dévotion à Marie, mère de Dieu, dans le contexte difficile de la Peste Noire qui dévasta le Portugal et l’Europe dans les années précédentes, s’expliquerait par sa figure maternelle et apaisante. Rappelons que l’ajout à la célèbre prière « Je vous salue Marie » de « Priez pour nous pauvres pécheurs, Maintenant et à l’heure de notre mort » date précisément de la Peste Noire…
Vendôme, au centre du blason de la ville… et celui du FC Porto
Si on regarde attentivement le blason officiel de la ville, la Vierge de Vendôme trône au beau milieu. Ce symbole de l’institution municipale est présent depuis le XIVe siècle, malgré les nombreux changements politiques ou simplement d’esthétique.
Ce que l’on sait moins, c’est que la Vierge de Vendôme se trouve également sur celui du célèbre club de football. En effet, celui-ci ne fait que reprendre les armoiries de la ville telles qu’elles se présentaient lors de la fondation du club. Et, en toute discrétion, mais bien présente, on peut y voir la Vierge de Vendôme.
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